Lundi Librairie : Psychopompe - Amélie Nothomb - Rentrée littéraire 2023



Le Japon, la Chine, New-York, la Birmanie, le Bangladesh, Amélie Nothomb raconte une enfance nomade, au gré des affectations du père diplomate belge. Elle découvre le monde, le contraste des cultures. Dès l'âge de cinq ans, la fillette se prend d'un amour passion pour les oiseaux, ces descendants d'un dinosaure déterminé, qui a consacré trois-cents millions d'années à l'apprentissage du vol. Elle choisit pour animal totem, l'engoulevent oreillard, qu'elle prend tout d'abord pour une chauve-souris, séduite par sa physionomie furieuse. Elle observe les rossignols, qui s'expriment selon la romancière dans un seul registre le sublime. Elle leur préfère les merles au répertoire plus étendu, plus intéressant, "de la nullité au sublime". Auprès des corbeaux de Beijing, des corneilles mantelées, ou des serins encagés, elle prend le goût du vol, de la légèreté. 

Elle a douze ans, lorsque survient un épisode tragique sur une plage du Bangladesh. Elle est agressée et violée par quatre hommes. L'évènement est d'une brutalité indicible. Le silence des témoins se révèle tout aussi terrible. Seule sa mère prononce : "Pauvre petite", mots qui la sauveront en affirmant la réalité de ce qui s'est déroulé, tandis que tous se taisent. L'agression a bien eu lieu. Enfance brisée, souffrance dont on ne parle pas, l'adolescence surgit avec le non-dit. Elle bascule dans l'anorexie, la disparition du corps. Traversant cette maladie qui consiste à se délester de soi-même, elle tue une part de soi, expérimente sa propre mort. L'écriture sera l'outil de la reconstruction, le miracle nécessaire pour revenir des limbes. Désormais, psychopompe, accompagnatrice des âmes, elle communique avec les défunts, notamment son père disparu en 2020.

Portrait de l'auteur en oiseau, chronique intimiste, aussi pudique qu'intense, Amélie Nothomb pose des mots sur la naissance de sa vocation littéraire. Aux éléments autobiographiques, elle mêle la beauté cruelle du conte, le lyrisme mystique, sa disposition pour l'étrange, le beau bizarre. Regard singulier porté sur le monde, elle en perçoit ses beautés, ses mystères, ses douleurs qu'elle retranscrit dans un style unique. Elle se met en danger, se livre en revenant sur le terrible épisode du viol, raconté succinctement dans "Biographie de la faim" en 2004. 

La littérature devient une question de survie, cheminement salvateur au cours duquel elle se fait femme oiseau. "Écrire, c'est voler", dit-elle. Elle trace un parallèle entre l'initiation à l'écriture et l'acquisition de l'art de l'envol. Il s'agit de se débarrasser du superflu, lutter contre la pesanteur et accepter le risque de la chute. Amélie Nothomb se penche sur le mécanisme de découverte. Elle apprivoise sa propre voix, à l'instar de l'oiseau qui apprend à chanter, en particulier ceux dont les mélopées les aident à échapper au froid. Les mots lui permettent de surmonter la terrible réalité, les périls intérieurs, les plus intimes, les turbulences de l'existence. 

Psychopompe - Amélie Nothomb - Éditions Albin Michel



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.