Paris : Histoire condensée du IVème arrondissement, création, urbanisation, développement au coeur de la Capitale



Le IVème arrondissement, cœur de Paris, porte en lui les traces du territoire historique de la ville, ses racines primitives. Sur l’île de la Cité, l’originel oppidum gallo-romain, devient Lutèce au cours du Haut Empire. La Francie se christianise et l’Église y fonde le centre originel de l’autorité religieuse, affirmé par la présence de la cathédrale Saint Etienne remplacée au XIIème siècle par Notre Dame de Paris. Rive droite, l’autorité municipale laïque des Nautes et des marchands s’installe place de Grève, dans la Maison aux piliers acquise à l’initiative d’Etienne Marcel au XIVème siècle, puis l’Hôtel de Ville édifié sous l’impulsion de François Ier et finalement le nouvel Hôtel de Ville reconstruit au lendemain de l’incendie au cours de la Commune en 1871. Côté Marais, le IVème arrondissement déploie le charme des vieilles pierres, la poésie d’une ville ancrée dans l’histoire avec ses ruelles médiévales préservées, ses hôtels particuliers du XVIIème réhabilités, autant de signe d’une urbanisation harmonieuse où surnagent quelques rares inflexions haussmanniennes. Vieux Paris dont les charmes contrastés racontent les soubresauts de l’Histoire. 

Le décret de 1860 d’annexion des communes limitrophes au territoire de la ville de Paris détermine le découpage administratif de la Capitale en vingt arrondissements et leurs frontières actuelles. Le IVème arrondissement forme un quadrilatère, scandé par quatre quartiers, Saint-Merri, Saint-Gervais, Notre-Dame, Arsenal. L’île de la Cité et l’île Saint Louis forment son centre le plus vibrant. A l’Est, l’arrondissement est délimité par le boulevard du Palais, le pont aux Changes, le boulevard Sébastopol, à l’ouest les boulevards Beaumarchais et Bourdon, au Nord les rues Rambuteaux et des Francs-Bourgeois, jusqu’à la place des Vosges, au Sud rues de Rivoli et Saint Antoine.



Île Saint Louis - Paris 4

Tour Saint Jacques à Châtelet - Paris 4


La formation de notre actuel Marais remonte à l’ère quaternaire. Le fleuve occupe une grande partie du territoire de notre ville actuelle. Sur la rive droite submergée, émergent les collines de Belleville, de Montmartre et du Trocadéro. Un brusque mouvement géologique va modifier le parcours de la Seine. L’ancien bras du fleuve, progressivement asséché, libère des zones marécageuses à l’emplacement du futur quartier du Marais. 

Territoire traversé par la Seine, fleuve nourricier propice au développement du commerce, la ville de Paris fait de modestes débuts, village celte avant le Ier siècle. La tribu des Parisii, mariniers gaulois, tout d’abord établis du côté des rives de Nanterre, s’installent sur l’île de la Cité. 

Avec la romanisation de la Gaule, l’essor du commerce fluvial, le village celte devient oppidum gallo-romain au Ier siècle puis Lutèce, cité prospère de l’empire au cours du IIIème et IVème siècle. L’île de la Cité est reliée à la riche gauche par un pont de bois à l’emplacement de notre Petit Pont actuel dans le prolongement de l’axe routier principal, le cardo maximus, notre actuelle rue Saint Jacques. Temples, arènes, aqueducs, thermes, voient le jour le long de cette voie prestigieuse. Le Grand Pont qui relie l’île de la Cité à la rive droite correspond à l’emplacement de l’actuel Pont Notre dame et poursuit l’axe routier vers notre actuelle rue Saint Martin.

Le commerce et les activités fluviales prennent de l’ampleur sous l’impulsion des Nautes de Lutèce, confrérie de bateliers, armateurs, mariniers et marchands. La devise de la ville de Paris Flutuact Nec Mergitur et le blason frappé de la nef des Nautes de Lutèce, rend hommage à cette corporation de fondateurs. Enrichissement et christianisation font se multiplier les édifices religieux, églises, chapelles et congrégations.

A la fin du IIIème siècle, les premières invasions barbares conduisent à des destructions d’ampleur. Sur les rives, les bâtiments sont systématiquement pillés et incendiés. La population se repli dans les frontières de l’île de la Cité à l’abri des remparts défensifs. Au IVème siècle, l’urbanisation de la rive droite reprend au débouché du Grand Pont, autour de la place de Grève, et des églises de Saint Gervais et de Saint Jacques la Boucherie. 


Rue de la Barre - Paris 4

Notre Dame de Paris - Paris 4


Au Vème siècle, les raids barbares reprennent. En 451, sainte Geneviève (circa 420- circa 502-12) galvanise les Parisiens lors du siège de Lutèce et leur permet de résister aux Huns d’Attila. Ou plus vraisemblablement, les terribles guerriers qui prévoient d’affronter les Wisigoths en Aquitaine évitent la ville faute de lui trouver de l’intérêt. Clovis (circa 466-511) roi des Francs à partir de 481 fait de Lutèce sa nouvelle capitale, lui conférant ainsi une importance inédite. La ville devient Paris en 486. 

A la fin du VIIème siècle, à l’époque des derniers rois mérovingiens, le rayonnement de l’Église et des congrégations religieuses s’inscrit dans l’envergure de leurs propriétés foncières. Le clergé déploie son autorité sur les premiers bourgs réunis autour des églises, abbayes, chapelles et monastères édifiés autant sur la rive droite que sur la rive gauche. Sur l’île de la Cité, de nombreuses églises voient le jour, Saint Eloi, Saint Pierre aux Bœufs, Saint Germain le Vieux, Saint Barthélémy, Saint Christophe, aujourd’hui toutes disparues. La rive droite se consacre au commerce, l’île de la cité à la foi et la rive gauche au savoir avec l’université. 

Au cours du IXème et du Xème siècles, les invasions normandes freinent l’expansion de la ville qui fait face à de nombreux sièges. En 911 les Vikings assiègent Paris et Chartres. Charles le Simple (879-929), roi de Francie occidentale négocie avec Rollon, chef normand, le traité de Saint-Clair-sur-Epte qui leur accorde le territoire de la Haute Normandie et met fin définitivement aux raids.

Dès 929, les archives font mention d’un Hôtel Dieu sur l’île de la Cité. Le pouvoir des congrégations religieuses, leur justice, leurs tribunaux, leurs administrations, s’étend. En 1111, Robert Ier comte de Meulan pille l’île de la Cité et détruit les deux ponts d’accès. Lors de la reconstruction le roi Louis VI prévoit rive droite la protection de l’accès par un châtelet autour duquel se créé spontanément un nouveau quartier où s’installent les bouchers. En 1163, emplacement de l’ancienne cathédrale Saint Etienne en ruines, l’évêque Maurice de Sully lance le chantier de la cathédrale Notre Dame. 

Les anciens marais asséchés, défrichés deviennent de riches terres maraîchères et des vergers sous l’impulsion de l’abbaye de Saint Martin des Champs, prieuré relevé en 1059, par le roi Henri Ier, confié à l’ordre de Cluny en 1079, et le Temple ordre fondé en 1129. L’urbanisation obéit aux lotissements successifs des grands domaines des principales congrégations religieuses. 

En 1190, Philippe Auguste, avant son départ pour la croisade, fait étendre les remparts défensifs de la ville, qui englobent désormais des terres maraîchères, afin assurer une certaine autonomie alimentaire de la ville. L’enceinte se déploie de la rue de l’Ave Maria à l’Est jusqu’au Louvre à l’Ouest au-delà de notre actuelle rue Rambuteau au Nord. Ces frontières inédites renforcent la prospérité de la rive droite et favorise la création de domaines où les grands seigneurs de la cour font ériger des résidences secondaires.


Marché aux Fleurs - Paris 4
 
Jardin de l'Hôtel de Sully - Paris 4


Sous le règne des Capétiens, près de trois siècles de paix soutiennent la croissance de la population. La ville prend de l’ampleur au gré des nouvelles voies tracés et des bâtiments élevés sur leurs rives. Saint Louis (1214-1270) établit les conditions favorables à la création de nombreux couvents le monastère Porte Croix au niveau de l’actuelle rue de la Bretonnerie, les Blancs Manteaux sur notre rue Vieille du Temple.

L’autorité municipale des Nautes, mariniers et marchands, se déplace vers la place de Grève actuelle place de l’Hôtel de Ville. Au XIIème siècle, le pouvoir municipal s’organise autour du Parloir aux bourgeois, pouvoir entériné au cours du XIIIème siècle. En 1357, Etienne Marcel (circa 1302-10 – 1358), prévôt des marchands au nom de la municipalité parisienne fait l’acquisition de la bâtisse dite « la Maison aux piliers », désormais siège de l’autorité municipale. 

Côté Marais, l’extension du territoire de l’actuel IVème arrondissement, est rendu possible par l’édification de l’enceinte Charles V au cours du XIVème siècle. La ville à l’étroit derrière la muraille défensive Philippe Auguste de 1190, respire à nouveau sur des frontières qui s’étendent de l’Arsenal à la Bastille, jusqu’aux abords du Louvre et englobe au Nord l’enclos du Temple et de l’abbaye de Saint Martin des Champs. En 1370 est posée la première pierre de la Bastille, entrée Est de la ville, sous la houlette d’Hugues Aubriot, intendant des finances de Charles V (1338-1380) et prévôt de Paris. 

Le règne de Charles VI (1368-1422) est marqué par les épidémies, les famines, les troubles politiques, les émeutes. La guerre civile gronde. Deux partis se disputent la régence du roi fou, les Armagnacs et les Bourguignons. Ce conflit qui dure de 1407 à 1435 affaiblit le royaume de France en pleine guerre de Cent ans (1337-1453) contre les Plantagenêt du royaume d’Angleterre.  

En 1533, François Ier (1494-1547) ordonne la construction d’un nouvel hôtel de ville en replacement de la vétuste Maison aux piliers. Si la cour du roi demeure itinérante, châteaux de la Loire, Chambord, Azay-le-Rideau, Blois, le monarque réside fréquemment en région parisienne au château de Fontainebleau son favori, de la Muette, de Saint-Germain-en-Laye, de Villers-Cotterêts etc. Le style Renaissance remplace le gothique sous l’impulsion de ce roi épris des arts qui tient à marquer la ville de Paris de son empreinte par des embellissements significatifs. 


Hôtel de Sens - Paris 4

Place du Marché Sainte Catherine - Paris 4


Henri II (1519-1559) et son épouse Catherine de Médicis (1519-1589) résident au domaine des Tournelles au cœur du Marais. A la mort prématurée du roi lors d’un tournoi, la reine et ses fils quittent le quartier pour rejoindre le Louvre.

Henri IV (1553-1610), couronné en 1589, marque le territoire de l’actuel IVème arrondissement par ces chantiers d'envergure. Roi bâtisseur, à la fin du XVIème, début du XVIIème, il confie la construction de la place Royale future place des Vosges à Maximilien de Béthune, duc de Sully (1559-1641), surintendant des finances. 

Sous le règne de Louis XIII (1601-1643), la ville trouve à s’étendre dans les nouveaux quartiers autour du Louvre. Au début du XVIIème, l’île Saint Louis formée par la réunion au Moyen-Âge de l'île Notre-Dame et de l'île aux Vaches demeure un espace inhabité réservé au pâturage. Sous la régence de Marie de Médicis en 1614, Christophe Marie, entrepreneur général des Ponts et ses deux associés, Lugles Poulletier et François Le Regrattier mènent une vaste opération d’urbanisme qui change la donne. Les grands seigneurs font appel aux plus fameux architectes de leur temps pour faire construire leurs hôtels particuliers.

Dans le même temps, le Marais et le territoire du futur IVème arrondissement connait un véritable âge d’or grâce au lotissement des derniers terrains agricoles des congrégations religieuses, et le morcellement des grands domaines préservés. Sous Louis XIV, les aristocrates récemment anoblis, les conseillers du roi, architectes et autres serviteurs du monarque revendique leur nouveau statut par la construction de prestigieux hôtels particuliers 

Sous Louis XV (1710-1774) puis Louis XVI (1754-1792), le lotissement des anciennes propriétés du prieuré royal de la couture Sainte Catherine en ruines démolie entre 1773-74 et l’église 1777, accélère le mouvement. A la Révolution, les biens du Clergé nationalisés en 1792 sont vendus. Les couvents démolis libèrent des terrains à construire et favorise la spéculation immobilière.


Rue François Miron - Paris 4

Hôtel de Ville - Paris 4


Au début du XIXème siècle, Napoléon Ier réorganise administration et police pour lesquelles sont édifiées des bâtiments spécifiques. Les églises rendues au culte. L’empereur manifeste son souci d’embellir la Capitale, rayonnement de la ville et du pays. Sous son impulsion les ingénieurs développent les structures d’approvisionnement en eau, avec la création des canaux de l’Ourcq, Saint Martin, Saint Denis, d’un ensemble de nouvelles fontaines, de nouveaux égouts ainsi que des ponts, pont des Arts, d’Austerlitz, d’Iéna. En 1802, l’ancienne forteresse du Châtelet est rasée afin de fluidifier la liaison entre les rues Saint jacques, Saint Martin, dans le grand axe du Nord au Sud de l’ancien cardo maximus. 

Sous la Restauration (1814-1830) puis la Monarchie de Juillet (1830-1848), les travaux d’embellissement, et les aménagements prennent de l’ampleur. Le projet d’ouverture de la rue de Rivoli qui progressait lentement depuis le premier plan du nouvel d'axe Est-Ouest établi en 1789, par l'architecte Charles de Wailly, de la colonnade du Louvre à la rue Saint Antoine connait une accélération. Le premier tronçon de la rue est percé dans les années 1800. Le chantier de prolongement s’étend au cours des années 1840-1850. L’actuelle rue de Rivoli est inaugurée en 1858.  

Sous le Second Empire (1852-1870), Napoléon III et le baron Haussmann revendiquent la création d’une ville moderne en lançant un projet urbanisme radical qui fera disparaître le réseau de la ville médiévale. La démolition de l’ancien tissu urbain afin de percer de vastes artères à travers la vieille ville populaire, a pour vocation d’embourgeoiser le cœur de Paris, en repoussant les classes populaires à la périphérie. Les vastes avenues rendent impossible les barricades et facilitent l’intervention policière ou militaire en cas d’émeutes.

A la fin du XIXème siècle, le quartier du Marais en pleine industrialisation se paupérise. Les anciens hôtels particuliers sont aménagés, cloisonnés, morcelés, les cours et jardins occupés par des baraquements. L’ancien bâti s’en trouve paradoxalement préservé. Une population ouvrière de l’Europe de l’Est, les Juifs fuyant les pogroms, les Yougoslaves, puis dès la fin de la Première Guerre Mondiale les Chinois de la région de Wenzhou s’installent dans le quartier qui conserve aujourd’hui la trace des vagues migratoires successives. Autour de la rue des Rosiers, se développe au début du XXème siècle, le quartier juif, dont les habitants sont durement frappés par les rafles nazies durant la Seconde Guerre Mondiale. Aujourd’hui, de nombreux lieux rebaptisés ou créés en hommage aux déportés, à l’instar de certains jardins, entretiennent la mémoire de l’Holocauste. 

A la suite des deux guerres mondiales, les reconstructions se succèdent. La loi Malraux de 1962 et la création des « secteurs sauvegardés » sauvent le Marais de la destruction. Restauré, réhabilité, selon le plan établi en 1969 sous la houlette d’architectes des monuments historiques Michel Marot, Bernard Vitry et Louis Arretche, le quartier. Révisée en 1992, la protection se voit altérée par la notion de « zones d’aménagement » qui permet de mener certaines opérations immobilières lucratives. La deuxième moitié du XXème siècle voit la création d’importants centres culturels au cœur du IVème arrondissement avec la construction de la Cité des Arts et du Centre Pompidou inauguré le 8 février 1977. 

Les 15 et 16 avril 2019, la cathédrale Notre Dame est victime d'un incendie accidentel qui ravage le monument durant quinze heures. L'importance de la couverture médiatique, l'émotion suscitée dans le monde entier, permettent de réunir d'importants dons financiers privés et publics. Le chantier de reconstruction devrait s'achever en 2024. 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.