Expo Ailleurs : Jean-Pierre Bertrand. Time Removing - Espace de l'art concret E.A.C - Mouans-Sartoux - Jusqu'au 17 septembre 2023

 

L’Espace de l’art concret de Mouans-Sartoux consacre une courte mais dense exposition à l'oeuvre de Jean-Pierre Bertrand (1937-2006), figure atypique de l’art contemporain. Technicien de cinéma et de la télévision, il entame une recherche plastique très personnelle à la fin des années 1960. Son travail est présenté dans des institutions d’envergure dès la décennie suivante, en 1981 à l’ARC, en 1985 au Centre Pompidou, en 1992 à la documenta de Kassel, en 1993 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, en 1996 au Carré d’art de Nice. En 1999, Jean-Pierre Bertrand représente la France lors de la 48ème Biennale de Venise. En 2019, le Centre Pompidou lui rend hommage avec « Diamon’D » dans le cadre de la donation de l’ensemble de sa production cinématographique et vidéo.

L’exposition « Jean-Pierre Bertrand. Time removing » qui se tient à l’EAC éclaire une approche conceptuelle empreinte de rigueur mathématique et de liberté poétique. Monté en collaboration avec le fonds de dotation Jean-Pierre Bertrand créé en 2019, l’évènement est orchestré par la commissaire Fabienne Grasser-Fulchéri, directrice de l'Espace de l'Art Concret, commissaire d’exposition, critique d’art, assistée d’Alexandra Deslys, chargée des expositions à l’EAC. Plongée dans les collections publiques des Frac, fonds constitués depuis quarante ans, l’exposition « Jean-Pierre Betrand. Time removing » propose de redécouvrir l’œuvre d’un artiste discret et fascinant. 








Démarche plastique expérimentale détachée de toute école, hors mouvement, Jean-Pierre Bertrand ne revendique ni filiation ni héritier. Cet électron libre explore les médiums vidéo, photographies, peintures, dessins, installations dans le cadre d’une réflexion sérielle fondée sur des préceptes de répétition qui empruntent à l’arithmétique et au mysticisme. Le vocabulaire plastique expérimenté par Jean-Pierre Bertrand se charge d’allusions bibliques, mythologiques pour évoquer la révolution du temps, la connaissance, la mort et le renouvellement. La nature même des matières organiques employées, sel, miel et citron, éléments porteurs d’une forte symbolique religieuse, implique un processus de transformation continuelle de l’œuvre. La dégradation de l’agrume, omniprésent dans les installations de Jean-Pierre Bertrand, sa putréfaction, évoque l’idée de délitement, le travail du temps. A cette notion fondatrice de finitude, il ajoute les principes de duplication par la pratique photographique, de dédoublement par l’intégration de miroirs dans ses installations. L’écriture, les lettres, les initiales, entre dans sa conception complexe des manipulations picturales au fil d’une palette chromatique complétée par les couleurs primaires de la peinture acrylique, le rouge, le bleu et le noir.

Issu d’une famille de cinéma, son grand-père est distributeur des Artistes Associés, son père Jean Bertrand et son oncle Pierre Bertrand, ingénieurs du son, Jean-Pierre Bertrand suit un cursus à l'École Nationale de Cinéma de Paris. Chef opérateur, il travaille notamment sur le film « Bonjour Tristesse » d’Otto Preminger en 1957. De 1958 à 1960, il effectue son service militaire au Service d'informations et de relations publiques des armées. Opérateur sur des films, il voyage en France, en Allemagne, au Sénégal et en Algérie. De retour à la vie civile, il est embauché sur des productions américaines comme « Fanny » de Joshua Logan ou « Deux têtes folles » de Richard Quine. Il s’essaie même au métier d’acteur dans des comédies françaises. En 1962, embauché par la télévision, il devient caméraman. De 1970 à 1974, il œuvre aux prises de vue pour l’émission « Archives du XXème siècle » et travaille sur des films documentaires, De Chirico à Rome, Borgès à Buenos Aires, Roman Jakobson, Raymond Abellio, Nina Kandinsky à Paris.








En parallèle, au début des années 1970, Jean-Pierre Bertand tourne des courts métrages expérimentaux en format super 8 et 16mm. Il réalise des installations filmiques et photographiques. A l’occasion de sa première exposition personnelle en 1970, au musée Ludwigshafen en Allemagne, il présente des séries de surfaces sablées. Dès 1976, Jean-Pierre Bertrand affirme des affinités avec ses contemporains italiens de l’arte povera, notamment à l’occasion de l’exposition « La Totalité des citrons » dans le cadre de la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière. Début de la reconnaissance. 

L’œuvre de Jean-Pierre Bertrand est marquée par la figure tutélaire de Robinson Crusoë, dans le texte de Stevenson publié en 1719, et l’utopie d’un retour à la nature. Les trois matériaux naturels, sel, miel, citron, utilisées par l’artiste s’ancrent dans cette veine littéraire. Le citron, directement emprunté à « Robinson Crusoë », convoque l’image d’un passage précis du roman, lorsque le héros fait la découverte sur l’île d’un verger de cédrat, symbole d’abondance, de connaissance, de révélation au monde.  Le miel convoque le Cantique des cantiques et le sel, empreint d’une symbolique sacrée, est souvent mentionné dans la Bible. Jean-Pierre Bertrand se penche sur les réactions chimiques, les mélanges d’éléments naturels, dont le délitement, la décomposition en molécules le pousse à mener une réflexion marquée par la répétition des motifs. Les compositions rigoureuses qu’il produit répondent à des préceptes mathématiques bientôt débordés par les processus naturels comme la putréfaction. 








A partir de 1982, Jean-Pierre Bertrand produit une œuvre importante sur papier. Sur des feuilles, parchemins imbibés de sel, de miel, de citron, il trace des formes dans la matière organique, auxquelles il ajoute des dessins, traits de crayon, des couches d’acrylique aux couleurs primaires, rouge, bleu. Par la suite, il imagine des structures pour encadrer ces papiers, châsses métalliques recouvertes de feuilles de plexiglas qu’il dispose au mur selon un arrangement régi par des concepts arithmétiques prédéterminés, partitions musicales. L’épaisseur des volumes plats verticaux apparentent ces compositions à des objets, des sculptures. Du nombre 54, entité énigmatique, Jean-Pierre Bertrand fait la mesure, l’outil d’agencement de ses dispositifs. Pour le plasticien, le nombre procède à la fois des 54 jours de Robinson et de la tradition hébraïque dans laquelle il représente la notion d’image et d’alliance.  

Dans la série des « Shem », il mène un jeu combinatoire dans lequel il réagence dans une tentative d’épuisement du concept vingt-sept éléments, bandes horizontales de couleurs. Le mystère du rituel, l’échec de l’entreprise, la vibration des couleurs, la sensorialité des matériaux suggèrent d’appréhender le réel d’une façon différente. L’œuvre vient souligner la résonance physique du corps et de l’espace : « l’homme toujours présent dans l’inconscient de son corps, même s’il croit être l’empreinte de ce qui se passe autour de lui et c’est ça qui m’intéresse. »

Jean Pierre Bertrand Time Removing
Jusqu'au 17 septembre 2023

Espace de l'Art Concret
Château de Mouans - 06370 Mouans-Sartoux
Horaires : de septembre à juin ouverture du mercredi au dimanche de 13h à18h / juillet et août du lundi au vendredi de 11h à 19h 
Tarifs Entrée - 7.00€
 
Comment s'y rendre
Parking du château (240 places + parking intermodal) • 2mn à pied
Parking de la gare SNCF (350 places) • 10 mn à pied
Parking de la Laiterie (150 places) • 15 mn à pied
Parking des sources (80 places) • 15 mn à pied
Parking du CAM (60 places) • 5 mn à pied

Transport en commun :
Train au départ de Nice (durée 1h) • Train au départ de Cannes (durée 25')
Train Ligne Cannes - Grasse – Arrêt Gare Mouans-Sartoux (15 mn de la gare de Cannes)
En avion Aéroport International Nice Côte d’Azur (30 km) par l’autoroute
En voiture Par la R.N.85 ou la pénétrante depuis les villes de Cannes (10 km) et Grasse (9 km) - Sortie autoroute 42 : Mougins / Mouans‑Sartoux / Cannes / Grasse

Parkings gratuits à proximité de l’eac :
Parking du Château ( à 2mn à pied)
Parking de la Gare (à 5 mn à pied)

En bus
Réseau Lignes d’Azur :
n°600 (Grasse – Cannes par Mouans-Sartoux)
n°650 (Mouans-Sartoux – Mougins – Sophia Antipolis)
n°530 (Grasse – Valbonne – Sophia Antipolis par Mouans-Sartoux)

Réseau Palmbus :
Palm Express B (Mouans-Sartoux – Cannes SNCF)



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.