Ailleurs : La Pointe Courte à Sète, quartier pittoresque de l'Île Singulière, ancien village de pêcheurs célébré par les artistes


La Pointe Courte entretient une douceur de vivre particulière, une beauté aussi pittoresque qu'authentique. Ce quartier du Nord de Sète possède le charme insulaire d'un village de pêcheurs développé en parallèle de l'Île Singulière. Sa création est le fruit des hasards de l'urbanisation au XIXème siècle et du développement des infrastructures ferroviaires. Sur la lagune de Thau de l'avant-côte sétoise, les métiers de la pêche façonnent alors l'identité de ce petit port. Les habitants originels, parmi lesquels beaucoup d'immigrés italiens, vivent de la daurade et des oursins. De nos jours, cette communauté autonome en marge a bien évolué. L'activité de la Pointe Courte se tourne désormais vers le tourisme. Les anciens cabanons devenus coquettes maisonnettes, résidences secondaires, pied-à-terre, attirent les visiteurs de toute la France.

Entre la gare et l'échangeur routier, emplacement improbable, ce quartier d'histoire hors de la ville conserve un accès discret assez mal indiqué. La Pointe Courte, décor atypique gorgé de soleil, déploie des ruelles propices à la déambulation. Les chats errants et les mouettes règnent en maître sur l'âme des lieux. Des fresques réalisées à l'occasion des différentes événements culturels du quartier ponctuent les murs. Sur le quai du Mistral, les maisonnettes colorées typiques se côtoient sagement. Le mas de la Pointe et le bar Le Passage, restaurants les pieds dans l'eau, proposent tapas, huîtres, grillades avec vue sur le canal ouvert sur la lagune. Passé le Feu de la Pointe Courte tout au bout, le petit port accueille quelques bateaux de plaisance. Au sage quadrillage, succède le joyeux capharnaüm de la promenade Louis Vaille dit le Mouton. Casiers, nasses, filets, barques, remises de bric et de broc, vieux cabanons longent la rive jusqu'à la digue Georges Brassens où s'expriment les artistes locaux en toute liberté.









Au XIXème siècle, le tracé du nouveau chemin de fer nécessite d'importants travaux de remblaiement. Le chantier coupe alors une modeste pointe de terre, des terrain sablonneux marécageux de la Bordique, du reste de la ville. La nouvelle gare de Sète est inaugurée le 22 avril 1857. L'éperon entre le canal de Sète qui rejoint la mer et l'étang de Thau, mer intérieure de six-mille hectares depuis Balaruc jusqu'à Marseillan, est investi par les pêcheurs les plus pauvres. 

Ces derniers construisent des installent des cabanons où remiser leur matériel sur cette avancée. Leur activité se développe. Ils organisent un petit port de fortune constitué de pontons branlants et de cahutes idoines. Bientôt les masures, implantées de façon tout à fait anarchique, évoluent pour accueillir des familles entières. Les baraquements rudimentaires deviennent progressivement des maisons. Une communauté se forme, liée par des origines communes. Beaucoup de "Pointus" sont immigrés italiens. La Pointe Courte se dote de sa propre équipe de jouteurs nautiques, "La jeune lance bordigote" et célèbre en 1919, son premier champion d'origine italienne, Sauveur Liparoti. 










La réalisatrice Agnès Varda (1928-2019) prend pour cadre le village de pêcheurs à l'occasion de son premier long-métrage "La Pointe courte" en 1955 avec Philippe Noiret et Silvia Montfort. La cinéaste, amoureuse de Sète, entretient une affection particulière, pour ce quartier qui a accueilli sa famille fuyant la Belgique en 1940. Les Varda vivent alors sur un bateau présent dans le film "Les plages d'Agnès" (2008). Aujourd'hui, une fresque située quai du Mitral rend hommage à la cinéaste. L'oeuvre a été réalisée en 2019 par l'artiste américaine Barbara Carrasco à l'occasion du Festival international d'art contemporain de Sète Los Angeles, réunissant 100 oeuvres, 28 artistes sétois et californiens. 

Dans les années 1950, une centaine de familles résident à la Pointe Courte auprès de l'étang prolifique. Les hommes à la pêche, les femmes vendent le poisson aux Halles. Les enfants arrêtent l'école à treize ans pour rejoindre leurs aînés. Métier difficile, profession de passion, ils reprennent le flambeau d'une tradition qui peu à peu se perd. Les nouvelles générations empruntent une autre voie. Au fil du temps, la pratique de la pêche disparaît progressivement au profit de l'ostréiculture développée à partir de 1875. En 2021, il reste moins d'une dizaine de pêcheurs en activité. L'héritage de la pêche s'étiole progressivement tandis que disparaissent les anciens. Les cabanons de deviennent de plus en plus souvent des résidences secondaires. 








En 1968, la ville de Sète officialise le statut des Pointus. La municipalité reconnait tardivement l'existence du quartier. Les terrains jusqu'alors propriétés du domaine maritime sont cédés aux occupants. En 1971, l'inauguration de l'échangeur routier fluidifie la circulation et coupe un peu plus cette presqu'île de la ville. A son approche, le pont Sadi-Carnot et le pont du chemin de fer se lèvent de concert pour laisser passer péniches et bateaux.

Univers à part entière, la Pointe Courte conserve jalousement les vestiges de son histoire. Les noms des venelles entretiennent la mémoire du quartier. Ils commémorent les traditions et les figures marquantes, traverses des Rameurs, des Jouteurs, des Pêcheurs, des Tambours, des Hautbois ou encore Agnès Varda, rue Louis Roustan, traverse Pierre d'Honorine, rue du président Carnot. Le club de jouteurs du quartier n'est pas en reste avec la promenade Louis Vaille dit le Mouton, barreur joutes sétoises de la Saint Louis, recordman des victoires du Grand-Prix avec dix titres, disparu récemment. 

Les événements culturels de la Pointe Courte associent les arts et les traditions. En octobre-novembre, pour le rendez-vous annuel de la sortie des daurades, une journée est réservée aux amateurs. En absence des filets posés en travers du canal par les professionnels, ils investissent les quais de la Pointe Courte et de la Plagette en face. 








La Pointe Courte, royaume des chats, a longtemps hébergé le siège de l'association "Pattes de Velours", présidée par Arlette allegretto depuis 2003, qui a pris la suite de l'association "Les chats libres". Animée par des bénévoles, financée par des aides de la Fondation Brigitte Bardot, la Fondation 30 Millions d'amis et la ville et les dons des particuliers, "Pattes de Velours" nourrit soigne et stérilise les chats errants à Sète et mène des campagnes d'adoption. En 2021, le refuge du grand cabanon de la Pointe Courte dégradé déménage. L'association s'installe rue de la Pérouse dans un bâtiment au Château-Vert, voisin du foyer restaurant du Vallon. 

A la Pointe Courte, les figures locales donnent un cachet particulier au lieu. Il y avait Léonard Scotto créateur du club de foot local et du comité des fêtes disparu en 2021. Il y a toujours Georges Brel, ancien pêcheur de 80 ans, la mémoire du quartier, qui associe le bagou à la générosité. Il nourrit la nostalgie d'un mode de vie quasiment disparu, se souvient volontiers les belles années des pêcheurs et regrettent sa propre notoriété qui nuit à son intimité, et lui donne envie de calme. Avec une certaine mélancolie, il fait le constat du défilé des promeneurs pas toujours respectueux de l'intimité des habitants et la remise en question de l'authenticité. Il y a aussi Florian Sanmarti, dernier pêcheur professionnel de la Pointe Courte, fils de Gilles Sanmarti, héritier de tous les pêcheurs de la Pointe Courte, qui raconte dans son engagement la transmission des savoirs, la mémoire de la tradition.








En face de la Pointe Courte, la station de biologie fondée en 1879 par Armand Sabatier (1834-1911) médecin anatomiste, professeur de zoologie à la faculté des sciences, université de Montpellier, poursuit sa mission de recherche, observation et formation dans le domaine de la biologie marine

Le vétuste passage à niveau coupant Sète du quartier de la Pointe-Courte a été rénové. Le nouveau pont mobile Sadi Carnot inauguré en 2019, dont l'appellation rend hommage au président français assassiné le 24 juin 1894 par Sante Geronimo Caserio, un immigré italien, boulanger à Sète




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.

Sources et références
Connaissance des arts hors série - Sète Ville, Musées, Festivals