Paris : Immeuble Hennebique, le beau béton Art Nouveau selon l'ingénieur François Hennebique et l'architecte Edouard Arnaud - VIème

 


L’Immeuble Hennebique, précurseur des nouvelles esthétiques au début du XXème siècle, vante selon le souhait de son commanditaire, l’ingénieur François Hennebique (1842-1921), les mérites plastiques du béton armé. Celui-ci prêche alors pour sa chapelle. A l’angle de la rue Danton et de la place Saint André des Arts, il met en scène par l’exemple, les qualités du « Système Hennebique », procédé constructif imaginé par ce pionnier du béton armé, auteur d’une série de brevets déposés entre 1889 et 1892. L’entrepreneur inventeur conçoit des modèles d’armatures métalliques destinées aux structures de béton. François Hennebique confie la réalisation des plans du 1 rue Danton à l’architecte lyonnais Edouard Arnaud (1864-1943). Edifié entre 1898 et 1900, l’immeuble prototype témoigne du potentiel esthétique du nouveau matériau, fruit d’innovations techniques de pointe. Recouvert d’un enduit imitant la couleur de la pierre, le béton révèle son potentiel d’adaptation classique et répond aux canons de la fin du XIXème siècle. Il fait montre d’un Art Nouveau relativement sage. La présence monumentale de l’Immeuble Hennebique célèbre un savoir-faire, la simplicité d’utilisation des matériaux, combinaison de métal et de ciment, la facilité d’approvisionnement, la légèreté et la grande résistance de la structure. Façades sur rue et toitures sont inscrites à l’inventaire des Monuments historiques par arrêté du 16 octobre 1964.








A la fin du XIXème siècle, François Hennebique imagine un système de construction rapide et à faible coût, adaptable aux situations les plus variées. Les éléments modulaires de métal et béton, dalles, piles porteuses, poutres, composent des masses solidarisées par un système d’étriers de renforcement en fer plat. 

En 1895, le percement de la rue Danton emporte un certain nombre d’ancienne anciennes au sud de la place Saint André des Arts et libère des terrains. Hennebique acquiert une parcelle en pointe aigue sur laquelle il fait construire un immeuble de huit étages, haut de trente-six mètres, couvert d’un toit-terrasse. La structure se compose d’éléments coulés sur place dans des moules en bois et plâtre, processus fluide malgré la complexité des modules et la diversité des éléments produits.  

François Hennebique obtient une dérogation auprès du service de l’urbanisme parisien afin d’établir des combles à motif d’angle dépassant les proportions réglementaires. L’épaisseur de la façade est réduite à 0,18 mètres grâce à la robustesse du béton armé, dont la couleur originelle est recouverte d’un badigeon imitant la pierre. 








A la fois siège social parisien de l’entreprise Hennebique et appartements privés sur quatre étages, le bâtiment répond à des critères plastiques, reflet du goût pour l’Art Nouveau. Les bow-windows au profil courbe ponctuent des façades scandées par des encorbellements, moulures et balustres, colonnettes variées et bandeaux en relief. De larges baies en demi-cercle se déploient au-dessus des portes. La tourelle d’angle complète un mouvement général. Les panneaux décoratifs de gré flammé signés Alexandre Bigot le grand collaborateur de Jules Lavirotte, revêtement et mosaïque, trumeaux frappés au nom de l’entreprise accentuent l’esthétique Modern Style.

L’Immeuble Hennebique illustre le goût pour les expérimentations architecturales au tournant 1900, rendues possibles par la libéralisation des normes d’urbanisme à la suite de décrets successifs en 1892, 1898 et 1902. Les constructions s’émancipent des carcans haussmanniens, bousculent les échelles. L’emploi du béton armé ouvre de nouvelles possibilités, modification des proportions, façades hautes recouvertes de toits-terrasses, saillies importantes réalisables grâce à l’usage de grands linteaux de fer, bow-windows.








En 1902, l’entreprise Hennebique a essaimé quarante agences à l’étranger et exploite les brevets de son fondateur en quasi-monopole. 7200 chantiers dans le monde entier témoignent de cette réputation. A Paris, en 1906, une circulaire règlemente l’usage du béton armé afin d’en réduire les fantaisies.

Immeuble Hennebique 
1 rue Danton - Paris 6



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.


Bibliographie
Saint-Germain des Prés et son faubourg, évolution d’un paysage urbain - Dominique Leborgne - Parigramme
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Le guide du promeneur 6è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme