Paris : Cinémathèque française, ancien American Center, édifice conçu par l'architecte Frank Gehry et réhabilité dans le cadre de ses nouvelles fonctions en 2005 par Dominique Brard de l'Atelier de l'Île - XIIème

 

La Cinémathèque française s’est substituée en 2005 à l’American Center au cœur de l’édifice imaginé à la fin des années 1980 par l’architecte américano-canadien Frank Gehry. Dressée entre la rue de Bercy et le parc, la silhouette se caractérise par un entrelacs de courbes et contre-courbes. La conception globale répond à un programme d’imbrication et de fractionnement, de décrochements sculpturaux, empilement de volumes variés. La complexité des lignes, profusion de pans inclinés, de niveaux interdépendants, multiplie les points de vue. Selon l’architecte, le « bâtiment […] danse avec le parc. L’entrée est surmontée d’un auvent en zinc comparable au jupon d’une ballerine ». La façade en acier galvanisé et pierre de Saint Maximin rend hommage à la blondeur de la pierre de taille haussmannienne et aux structures Eiffel. L’équilibre entre la liberté formelle et le souci d’intégration dans l’urbanisme général se traduit par la simplification de la façade côté rue de Bercy. Contexte classique sans aspérités. Cette sagesse toute relative contraste avec le foisonnement de la façade sur le parc, rue Paul Belmondo. La découpe en blocs, décrochements dynamiques, s’inscrit dans une plasticité sculpturale. Cette énergie s’ancre dans les variations de formes, le modelage des volumes, l’importance des percées de lumière.








Fondé à Paris en 1934, l’American Center quitte en 1986 son siège originel du 261 boulevard Raspail afin de s’agrandir. La Fondation Cartier pour l’art contemporain occupe désormais cette parcelle du XIVème arrondissement, vendue, rasée et reconstruite. En 1987, l’institution étatsunienne confie à l’architecte Frank Gehry la construction de nouveaux locaux sur les rives du parc de Bercy. Le quartier vit une véritable mutation à la suite de la réhabilitation des anciens chais, création des espaces verts, inauguration du Palais Omnisport. L’American Center cherche à renouveler son public en se rapprochant d’un lieu de culture. Pourtant le coût de cette oeuvre unique grève durablement les finances de l’établissement. Le bâtiment flambant neuf est livré en 1994 mais confronté à des difficultés insurmontables, l’American Center ferme définitivement en 1996. 

Acquis par le Ministère de la Culture, l’édifice signé Frank Gehry se cherche alors une nouvelle vocation. Le 30 juin 1998, Catherine Trautmann alors Ministre de la Culture annonce la réattribution du site. La future « Maison du Cinéma » promet de réunir la Cinémathèque française - fusionnée en janvier 2007 avec la Bibliothèque du film (BiFi) - le service des archives du film et le dépôt légal du Centre national du Cinéma et de l’Image animée (CNC). 

Le projet piloté par Emoc, établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels prépare le déménagement de la Cinémathèque française depuis le Palais de Chaillot. Au 51 rue de Bercy, la réaffectation des lieux nécessite une profonde restructuration de l’édifice. Auteur du bâtiment, Frank Gehry est contacté par le Ministère de la Culture. Il décline. Les architectes de l’Atelier de l’Île, Dominique Brard, architecte mandataire, Olivier Le Bras, Marc Quelen, lauréats du concours public lancé en 1999, mènent la réhabilitation. Façade intouchée, ils interviennent sur les espaces intérieurs vastes de 15 000m2. La complexité de la conception originelle s’inscrit dans une maîtrise des volumes, les fractures des lignes générales. Dominique Brard compose une identité renouvelée dans le respect des singularités de la bâtisse, de son esthétique. 








Cinq ans d’études sont nécessaires pour planifier les aménagements, l’adaptation des équipements à leurs fonctions alternatives. Le chantier dure vingt-deux mois pour un budget total de 33,9 millions d’euros. Le gros œuvre à lui seul s’étend sur dix mois. Les réaménagements s’approprient le lieu, le rendent propre à répondre aux nouveaux besoins. Les équipements ajustés à leurs fonctions s’articulent en six pôles, quatre salles de projection, les collections permanentes, les expositions temporaires, la bibliothèque médiathèque, les salles d’activités pédagogiques, un bar-restaurant, un librairie-boutique. 

Les modifications successives pensées par l’Atelier de l’Île, de la conservation à la restructuration profonde en passant par la transformation intelligente, préserve l’énergie, la dimension plastique des espaces. Les matériaux d’origine sont volontiers réemployés, pierre calcaire, zinc, métallerie galvanisée, verre clair ou sablé, bois pin d’Oregon dans les voies de circulation, hêtre dans les salles et les lieux d’activité. Le patio et l’escalier principal conservés inspirent l’idée de propagation de la lumière naturelle et impriment une dynamique des volumes organisés selon des principes de fractionnement et de recouvrement. Le hall d’entrée, foyer clair créé de toute pièce, s’ouvre de plain-pied sur le parc de Bercy au Sud. Les bureaux sont reconvertis en bibliothèque-médiathèque, espaces pédagogiques ou ateliers variés tandis que les anciens logements du dernier étage sont transformés en bureaux.








Les salles de projection font l’objet de lourds travaux de restructuration. La salle principale est aménagée dans l’ancien théâtre dont la double paroi de béton est coupée. L’ancien voile de scène scié permet de créer un plancher intermédiaire, un demi niveau où est établi la salle des collections. La simplification de la circulation verticale s’impose dès le début du projet comme le plus grand défi à relever. Le bâtiment conçu par Frank Gehry comporte quatorze niveaux théoriques du troisième sous-sol au huitième étage, desservis par trente-sept escaliers, soit quarante paliers, quarante niveaux réels avec les demi niveaux.  Pour répondre à des problématiques fonctionnelles d’accueil du public, l’Atelier de l’Île fusionne les voies de circulation pour tracer trois accès principaux, l’un dédiée aux bureaux, le deuxième à l’emplacement de l’ancien monte-décor pour la bibliothèque, le dernier pour les salles de cinéma.

Ancien American Center de Frank Gehry Cinémathèque française 
51 rue de Bercy - Paris 12

Atelier de l’Île
89 rue du Faubourg Saint Antoine - Paris 11



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.