Paris : Fondation Louis Vuitton, oeuvre de l'architecte Frank Gehry, caravelle de verre et d'acier au coeur du bois de Boulogne - XVIème




La Fondation Louis Vuitton, édifice aérien fileté de lumière, caravelle d’acier et de verre, vogue toutes voiles dehors au cœur du bois de Boulogne. Le bâtiment signé Frank Gehry, prix Pritzker 1989, l’un des plus importants architectes du début du XXIème siècle, symbolise une vision de l’art et de la contemporanéité. Etablie dans un site privilégié au sud du Jardin d’Acclimatation, à proximité de l’hippodrome de Longchamp, l’apparence de la Fondation Louis Vuitton évolue par un effet miroir saisissant en fonction de la lumière et de son environnement, de l’heure, de la saison. Le navire posé sur un bassin est le fruit de nombreuses prouesses technologiques, projet hors normes, geste architectural démesuré. Durant les huit années de travaux, une trentaine de brevets a été déposée, autant d’innovations nécessaires pour faire face notamment au défi de la résistance au vent. Ainsi les accroches des voiles de verre soumises à une forte prise au vent sont tout à fait uniques et novatrices. 

La Fondation d’entreprise Louis Vuitton revendique une vocation culturelle en faveur de l’art moderne et de l’art contemporain, pérennisant les actions de mécénat engagées depuis 1990 par le groupe LVMH. Elle éclaire une certaine rivalité entre deux hommes d’affaires, deux collectionneurs, Bernard Arnault et François Pinault. Ecrin unique, le bâtiment imaginé par Frank Gehry apparaît comme la réponse parisienne de Bernard Arnault à l’établissement de la Collection François Pinault à Venise au Palazzo Grassi inauguré en 2006 et à la Punta della dugna en 2009. Depuis l’inauguration de la Fondation Louis Vuitton en 2014, François Pinault a répliqué avec la Bourse de Commerce.








Inspiré par l’architecture haussmannienne, les icônes parisiennes du XIXème siècle, le Grand Palais, les verrières du Jardin d’Acclimatation, l’architecte Frank Gehry a imaginé pour la Fondation Louis Vuitton un édifice à la modernité radicale. La ligne générale s’inscrit dans un dynamisme des volumes porté par d’amples proportions. Les audaces plastiques développées par l’architecte donnent l’illusion d’un bâtiment vaste de 7000m2 en mouvement. L’agence Studios Architecture, en charge du développement et de la finalisation a secondé l’agence Gehry Partners sur le territoire français. Cette conception en équipes autonomes a été rendue possible grâce au déploiement du logiciel 3D Digital project, initié par Gehry Technologies à partir de l’outil Catia de Dassault Systèmes. Cette répartition des tâches a permis de relever les défis techniques et de croiser les savoir-faire. Vinci entreprise générale, assisté de Quadrature ingénierie a géré la direction des équipes tandis qu’à la coordination, le bureau SETEC Bâtiments pensait la structure de l’édifice et l’étude des fluides. 

« L’iceberg », coque de métal vaste de 9000m2, se pose sur l'infrastructure en béton armé. Revêtue de 19 000 panneaux courbes en béton fibré Ductal et de 6000m2 de verrières cintrées, l’enveloppe blanche se déploie en facettes multiples. L’ensemble se compose d’une succession de formes uniques disposées en décalage, motif que Gehry qualifie d’en « tremblement de terre ». Au sommet, surplombant les terrasses arborées, la structure de poutres d’acier et de bois estompe la frontière entre le bâtiment et la toiture.

Le long de la façade, des ouvertures rythment les volumes, failles scellées par des éléments de verre, superpositions de parois vitrées à courbure variée. Les douze voiles de verre couvrent une surface de 13 500m2. Un four spécifique a dû être inventé afin de mouler les 3600 panneaux de verre. Ces derniers, sérigraphiés de pastilles, réfléchissent à 50% l’énergie lumineuse dans un souci vertueux d’économie d’énergie. Les effets de transparence du verre abolissent les notions d’intérieur et d’extérieur. Ils initient un dialogue entre l’architecture et l’environnement. L’entreprise ALEP a établi les schémas de cohérence avec le paysage et scénographié l’intégration du bâtiment dans son environnement. Lignes droites et courbes se succèdent dans une évocation organique vibrante. L’effet miroir, réflexion de la lumière et du milieu naturel sur la surface des façades, explore les limites du geste architectural et de son implantation. La structure générale s’élève à 26 mètres de haut tandis que les voiles en verre de l’ouvrage culminent à 46 mètres. 









La genèse de la Fondation Louis Vuitton remonte à 2001. A l’occasion d’une visite au musée Guggenheim de Bilbao, Bernard Arnault fait la connaissance de l’architecte Frank Gehry. Ils s’entretiennent alors d’une entreprise d’envergure, la création d’un espace dédié à l’art digne de la passion de l’homme d’affaires et collectionneur. La Fondation Louis Vuitton, cadre institutionnel du futur musée, relevant des activités de mécénat du groupe LVMH, voit le jour en octobre 2006. En date du 1er janvier 2007, la Ville de Paris accorde une convention d’occupation, concernant une parcelle d’un hectare dans le Bois de Boulogne sur laquelle devra être construit un musée, convention d’une durée de cinquante-cinq ans, au terme desquels le bâtiment reviendra à la municipalité. 

Le permis de construire est délivré août 2007. Le chantier ouvre en mars 2008. L’entreprise Vinci, deuxième entreprise mondiale des métiers des concessions et de la construction, entame les travaux de terrassement et le développement des parois moulées. 2011 marque la fin du gros oeuvre et pose de la charpente métallique de l’iceberg - iceberg et verrière ayant été conçu par le bureau d’étude française RFR + TESS. Eiffage construction métallique réalise les douze voiles de verre. En 2012, les coques de l’iceberg sont installées ainsi que les panneaux en Ductal puis des verrières. Le 18 décembre 2013 marque officiellement la pose de la dernière pierre. 

Ducks Scéno, agence française, scénographie les surfaces muséographiques qui occupent 3850m2, répartis en onze galeries d’exposition. L’architecte Frank Gehry et l’agence Nagata Acoustics concept conçoivent l’auditorium et les espaces connexes. La réception du bâtiment est datée du 28 février 2014. Au printemps 2014, ont lieu les derniers aménagements paysagers des abords de l’édifice. Le bâtiment à haute qualité environnementale souligne l’engagement du groupe LVMH pour le développement durable. L’impact du chantier puis de l’exploitation du site sur la faune et la flore, les écosystèmes, la nappe phréatique a fait l’objet d’une réflexion poussée. Certaines mesures illustrent le souci de préservation des ressources naturelles telle que la récupération des eaux pluviales afin d’alimenter système de nettoyage des façades et des verrières ainsi que le bassin et l’arrosage des espaces plantés. La Fondation Louis Vuitton est inaugurée le 20 octobre 2014, en présence du président François Hollande. Elle ouvre au public le 27 octobre 2014.







Les prévisions budgétaires envisageaient un coût total initial de 100 millions d’euros. Selon une enquête publiée dans la revue Marianne en 2017, le projet aurait coûté au final 800 millions, dont 610 millions incombant à l’Etat, 3/4 du coût final de la construction faisant l’objet de déductions fiscales, d’avantages accordés au groupe LVMH lors de cette opération. La plainte déposée en 2018 par l’association Fricc, Front républicain d'intervention contre la corruption, pour « des faits d'escroquerie et de recel, de fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale contre la fondation Louis-Vuitton et le groupe LVMH en lien avec la construction du bâtiment » a été classée sans suite par le Parquet en septembre 2019 en raison d’une « absence d’infraction ».

8 avenue du Mahatma Gandhi - Bois de Boulogne - Paris 16
Métro Les Sablons ligne 1
Horaires : Lundi, mercredi, jeudi de 11h à 20h - Vendredi nocturne jusqu’à 21h ou 23h - Samedi et dimanche de 9h à 20h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.