Ailleurs : Musée Industriel de la Corderie Vallois, richesse du patrimoine industriel normand - Notre-Dame-de-Bondeville

 

Le Musée industriel de la Corderie Vallois, inauguré en 1994 par le département de la Seine Maritime, se niche au creux de la vallée du Cailly à Notre-Dame-de-Bondeville. Cet ancien moulin à papier du XVIème siècle, transformé en filature puis en corderie en 1880 est demeuré en en activité jusqu’en 1978, produisant cordes et tresses de coton. Devenu institution muséale, il célèbre le savoir-faire des ouvriers normands et la longue histoire de l’industrie cotonnière. L’établissement désaffecté, propriété et usine de la corderie sont inscrits aux Monuments par arrêté du 15 janvier 1975. Le parc de machines-outils dont une partie date du XIXème siècle est classé au titre des objets mobiliers depuis 1984. Le site promis à la destruction au lendemain de sa fermeture a été sauvé grâce à l’engagement d’une association locale et des descendants des directeurs, Pierre Vallois, petit-fils de Jules Vallois fondateur de la corderie et Maurice Vallet, le dernier dirigeant. L’ensemble entièrement restauré à l’occasion de la création du musée, est activé à heure fixe pour les visites. La corderie en état de fonctionnement est toujours animée son antique système hydraulique relié à la grande roue, témoignage vivant du patrimoine industriel normand. Le Musée de la Corderie Vallois, premier musée industriel de France, organise de nombreuses expositions temporaires.









A partir du XVIIIème siècle, les cotonnades très en vogue font l’objet de toutes les convoitises. La demande explose. La Normandie, ses nombreux ports fluviaux et maritimes, accueillent les navires en provenance des pays producteurs de matières premières, notamment le coton en provenance des Etats-Unis, de l’Inde, de l’Egypte, de la Chine, du Pakistan. Echanges commerciaux lucratifs, éthique douteuse. Marchands et fabricants rouennais organisent la transformation du coton, la production de bobines et divers textiles dans les campagnes normandes, zones rurales où la main-d'œuvre demeure bon marché. Filage, ourdissage, tissage, en 1730 vingt-mille ouvriers parmi lesquels un grand nombre de femmes travaillent pour l’industrie. Ils sont plus de cent-mille à la fin du siècle. Les productions régionales, les « siamoises du pays de Caux » étoffes tissées dont la trame de coton est renforcée de lin ou de soie, ainsi que les indienneries, des tissus imprimés, sont réputé. La vallée du Cailly, site propice aux filatures hydrauliques développe une économie basée sur l’industrie cotonnière. L’utilisation répandue des machines anglaises mécaniques à eau lui valent le surnom de « petite Manchester ». 

A Notre-Dame-de-Bondeville, Jean Toussaint, marchand de Darnétal, exploite un moulin à papier du XVIème siècle à partir de 1759. Dans la région, ces anciens moulins à papier ou à grain sont modifiés pour répondre à leur nouvelle vocation cotonnière. Au XIXème siècle, la vallée connaît un véritable essor économique. L’expansion de l’industrie cotonnière entre 1815 et 1820 donne naissance à quinze nouvelles filatures sur les rives du Cailly. 

En 1819, Charles Désiré Fouquet, teinturier blanchisseur à Bapeaume, acquiert la propriété de Notre-Dame-de-Bonneville. Sa veuve Marie-Rose Fouquet entreprend de grands aménagements en 1821. Elle fait édifier un bâtiment de quatre étages à pans de bois le long de la rivière. Sous le règne de Charles V, une ordonnance royale du 18 janvier 1825 autorise la reconversion du moulin à papier en moulin à coton. Les structures hydrauliques sont adaptées, une roue monumentale, d’un diamètre de 7,30 mètres, large de 3,90 mètres, installée. 

Le 9 août 1836 Edouard-Henri Rondeaux, indienneur à Bolbec, signe un accord de vente pour racheter la propriété. L’équipement de machines-outils se porte à cinq-mille broches. En 1856, la manufacture expérimente une machine à vapeur auxiliaire afin de renforcer la puissance de la roue hydraulique. L’utilisation peu concluante sera rapidement abandonnée. 









En 1850, le long de la rivière Cailly, sur un territoire long de quarante-quatre kilomètres, se trouvent cinquante-et-une filatures, quatre entreprises de tissage, vingt-deux indienneries, dix-sept teintureries. Mais la guerre de Sécession aux Etats-Unis de 1861 à 1865 entraîne des problèmes d’approvisionnement en matières premières. La crise du coton pousse les propriétaires à convertir temporairement le site de Notre-Dame-de-Bondeville en filature de laine.

Jules Vallois (1842-1918), cordier à Saint-Martin-du-Vivier, se voit contraint de quitter sa manufacture originelle, lorsque le cours d’eau sur lequel se trouve son établissement est détourné afin d’alimenter la ville de Rouen. La captation prive l’usine de l’énergie nécessaire à son fonctionnement. En 1880, il loue la filature de Notre-Dame-de-Bondeville. Il la transforme en corderie mécanique. Il se porte acquéreur des terrains et bâtiments, auprès de la famille Rondeaux en 1897, grâce aux indemnités versée par la ville de Rouen. Désormais propriétaire, il investit et fait le choix de machines-outils anglaises en fonte installées au rez-de-chaussée sur lesquelles sont fabriquées cordes câblées et moulinées, tandis qu’au premier étage, les machines françaises plus légères, petites tisseuses des ateliers Merles et frères à Saint-Chamond, produisent des cordelettes tressées. L’ensemble est animé par le système de roues hydrauliques visible lors des visites. 

Jules Vallois décède en 1918, il a soixante-seize ans. Son fils Gaston cède le fonds de commerce à Henri Bresch, ingénieur vosgien, tout en conservant son poste de directeur de l’usine. Il assure la délicate transition entre l’héritage du XIXème siècle et le XXème siècle. La question de la modernisation, de la mécanisation coûteuse et la crise de 1929 engendrent des difficultés financières. Suzanne Bresch, fille d’Henri, et son époux Maurice Mallet le soutiennent dans son activité. Gaston Vallois meurt en 1952.
 









La désindustrialisation, la délocalisation des usines, la décolonisation et le manque d’approvisionnement en matières premières marque le déclin de l’activité textile en France. Dès les années 1950, l’industrie cotonnière de la Haute-Normandie expérimente des difficultés insurmontables. Afin de pallier au manque à gagner, la corderie diversifie sa production avec des passementeries, de la bonneterie, des filets de pêche, des mèches à briquet. Maurice Mallet est contraint de déposer le bilan en octobre 1978.

Le syndicat intercommunal de Notre-Dame-de-Bondeville achète le terrain à la famille Vallois toujours propriétaire. La corderie en mauvais état est alors menacée par un projet immobilier voisin. Maurice Mallet et Pierre Vallois, petit-fils de Jules Vallois s’attachent à la sauvegarde du site soutenus dans leur action par l’Association du Musée de l’Homme et de l’Industrie, les Monuments historiques et Musée de France, les collectivités territoriales Région et Département.

Le 15 janvier 1975, bâtiment et roue sont inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Le 27 février 1984 la plupart des machines sont classées au titre des objets mobiliers du monument. En 1989, la région Haute Normandie devient propriétaire du bâtiment. Lieu de mémoire, le site est restauré et aménagé afin de créer un musée archéologique industriel, restituant l’ambiance des ateliers. En 1994, le Musée de la Corderie Vallois, premier musée industriel de France est inauguré. Il est transféré sous la houlette de la Métropole Rouen Normandie le 1er janvier 2016.

Musée Industriel de la Corderie Vallois
185 route de Dieppe - 76 960 Notre-Dame-de- Bondeville
Tél : 02 35 74 35 35
Horaires : Ouvert au public tous les jours de 13h30 à 18h. Mise en fonctionnement des machines avec visites commentées à 14h, 15h, 16h et 17h
Fermé les 1er janvier, 1er mai, 1er et 11 novembre et 25 décembre.
Tarif : Accès gratuit dans les collections permanentes



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.