Expo : L'encre en mouvement. Une histoire de la peinture chinoise au XXème siècle - Musée Cernuschi - Jusqu'au 19 février 2023

Chuang Che - Sans titre (1963)

Art du geste, du corps en mouvement, de la fugacité et de la précision, la peinture chinoise investit les espaces du Musée Cernuschi. Maîtres actifs en Chine, Qi Baishi, Fu Baoshi, Wu Guanzhong ou Li Jin, figures de la diaspora artistique, Chang Dai-chien (Zhang Daqian), Zao Wou-ki (Zhao Wuji), Walasse Ting (Ding Xiongquan) ou Ma Desheng, leur pratique, définie par l’usage de l’encre, illustre en creux les profondes mutations d’un pays réinventé au XXème siècle. L’exposition « L’encre en mouvement, une Histoire de la peinture chinoise au XXème siècle » réunit près de soixante-dix œuvres sur papier, signées par trente-quatre artistes aux profils contrastés. Ces fragiles productions, sensibles à la lumière et rarement présentées, sont toutes issues des collections du musée. L’institution parisienne conserve l’un des plus importants fonds de peintures chinoises modernes et contemporaines en Europe. Initié à l’aube des années 1950, il se compose d’acquisitions variées, pièces offertes par les artistes eux-mêmes, donations importantes telle que celle de Françoise Marquet-Zao, épouse de Zao Wou-ki. 

De l’héritage millénaire de la Chine impériale et la tradition des peintres lettrés, des étudiants voyageurs de la fin de l’empire à la Seconde Guerre Mondiale, du choc de la Révolution de 1949 à l’inflexibilité de l’ère Mao jusqu’à l’ouverture au début des années 1980, les spécificités de la peinture chinoise au cours du siècle dernier s’inscrivent dans le temps de l’Histoire. Les artistes chinois requalifient les notions de réalisme, d’abstraction, à l’aune des pratiques traditionnelles et de leurs engagements politiques. 



Kang Youwei - Souvenir de la dame Qiao -Réminiscence de la Falaise
rouge (années 1920) 

Qi Baishi

Qi Baishi - Poissons (détail) - (1947)

Chen Zhifo - Oies sauvages (détail) - Circa 1940


Yu Fei'an - Pivoines (détail) - (1947)

Chan Dai-chien (Zhang Daqian) Gibbon d'après Li Sheng (détail) - (1945)

Huang Binhong - Paysage (années 1940)


« L’encre en mouvement, une Histoire de la peinture chinoise au XXème siècle » se déploie sur le fil d’une scénographie chronologique, de la fin du XIXème siècle jusqu’aux années 1900. L’exposition invite le visiteur à concevoir l’art de la peinture à l’encre, ses profondes transformations plastiques, en corrélation avec les soubresauts de l’Histoire. 

Au début du XXème siècle, la pratique traditionnelle, rituel quotidien pour les maîtres anciens, mêle peinture et calligraphie. Cette peinture de lettrés trouve sa pleine dimension dans l’expressivité des paysages en marge des textes qu’ils soulignent et illustrent.

Afin de s’émanciper de ces canons, les peintres chinois de la première moitié du XXème siècle se tournent vers l’épure des écritures archaïques. Ils revisitent la tradition sans cesser d’utiliser le matériel classique, pinceau, encre, papier ou soie. Peu à peu, leur inspiration s’élargit pour s’inscrire dans une veine naturaliste. Ils évoquent un rapport différent à la réalité, prélèvent les éléments du réel en leur accordant une puissance narrative inédite. Déambulation au cœur d’une nature idéalisée, leurs œuvres complexes se peuplent de figures excentriques, d’une faune et d’une flore esthétisées à l’extrême.


Chan Dai-chien (Zhang Daqian) Deux tibétaines aux dogues (1945)
Pang Xunqin - Jeune fille portant une hotte (vers 1940)

Zhang Bide


Pan Yuliang - Nu assis au qipao rouge (1955)

Wang Shenglie - Esquisse pour Huit femmes se jettent dans le fleuve (1957)

Zao Wou-ki (Zhao Wuji) Sans titre (1989)


Walasse Ting (Ding Xiongquan) - Beauté - 1970


L’avènement des Républiques en Chine marque également une rupture dans le champ des arts. Les étudiants chinois voyagent vers l’Asie tout d’abord, au Japon en particulier, puis en Europe, Angleterre et Paris, et enfin aux Etats-Unis. Le dialogue interculturel ouvre de nouvelles voies plastiques. L’intérêt pour les techniques occidentales, l’influence de la photographie élargissent le vocabulaire formel, le répertoire de sujets, de matière. Les artistes chinois font converger la tradition de l’encre et la tentation de la modernité par une libération du geste. 

Dans une symbiose fertile, leurs œuvres empruntent certaines caractéristiques de l’art occidental. Leurs styles se diversifient tandis qu’ils renouvellent le rapport à l’encre, au pinceau. La position traditionnelle du pinceau à l’horizontal de la feuille implique de tracer le dessin à la perpendiculaire. Cette pratique accentue la vivacité du geste, fluidité du mouvement, vitesse et précision. Certains artistes adoptent la position européenne verticale pour peindre. 

Sous l’influence de l’école russe, le réalisme socialiste soviétique, l’art officiel de la République populaire de Chine, sous Mao Zedong de 1949-76, revendique l’idée de progrès social. Les débats théoriques redéfinissent une peinture nationale. 


Zao Wou-ki - Sans titre (1972)

Ma Desheng - Sans titre (1991)

Lin Jin - Le vrai corps (1993)

Wua Guanzhong - Forêt de bambous et champs irrigués (1992)



A la fin des années 1970 s’achève l’ère maoïste, et vient l’ouverture aux nouvelles formes. Les peintres chinois redécouvrent leur propre héritage tandis qu’ils se laissent tenter par les encres abstraites, les expérimentations plastiques. L’énergie du trait se fait évocation puissante de leur révolte, de leur quête d’émancipation. 

Des vidéos montrant les artistes à l’oeuvre ponctuent le parcours. Elles capturent la virtuosité du geste, le corps en mouvement et les enjeux plastiques de la pratique. Fascinant.

Les artistes : CAI Liang (1932-1995), CHANG Yu (1900-1966) dit Sanyu, CHEN Zhifo (1896-1962), CHU Teh-chun (1920-2014), CHUANG Che (né en 1934), DING Xiongquan (1929-2010) dit Walasse TING, DING Yanyong (1902-1978), FU Baoshi (1904-1965), HSIAO Chin (né en 1935), HUA Tianyou (1901-1986), HUANG Binhong (1865-1955), KANG Youwei (1858-1927), LI Huasheng (1944-2018), LI Jin (né en 1958), LIN Fengmian (1900-1991), MA Desheng (né en 1952), PAN Yuliang (1894-1977), PANG Xunqin (1906-1985), PU Ru (1896-1963), QI Baishi (1863-1957), TANG Xiaohe (né en 1941), WANG Shenglie (1923-2003), WANG Zhen (1867-1938), WU Changshuo (1844-1927), WU Guanzhong (1919-2010), WU Zuoren (1908-1997), XU Beihong (1895-1953), YAO Hua (1876-1930), YANG Jiechang (né en 1956), YU Fei’an (1889-1959), ZAO Wou-ki (1920-2013), ZHANG Bide (1921-1953), Chang Dai-chien (Zhang Daqian) (1899-1983), ZHU Xiuli (né en 1938)

L’encre en mouvement, une Histoire de la peinture chinoise au XXème siècle
Jusqu’au 19 février 2023

Musée Cernuschi
7 avenue Velasquez - Paris 8
Tél : 01 53 96 21 50
Horaires : du mardi au dimanche de 10h à 18h, fermé le lundi et les jours fériés
Tarifs : Parcours collections permanentes gratuit



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.