Expo : Gisèle Freund - Ce Sud si lointain - Maison de l'Amérique Latine - Jusqu'au 7 janvier 2023

 

Sociologue, journaliste et photographe au style caractéristique, Gisèle Freund (1908-2000) est la première femme à intégrer l’agence Magnum dès sa création en 1947. Sa réputation de portraitiste a éclipsé la diversité de la production. Très tôt, elle signe des portraits en plan serré, aux couleurs étonnantes, images vibrantes qui traduisent la personnalité de ses sujets. Frida Khalo, Pablo Neruda, Henri Michaux, Susana Soca, Victoria Ocampo, Jorge Luis Borges, José Clemente Orozco, en 1981, le président nouvellement élu François Mitterrand ont tous posé sous son objectif. D'origine juive et communiste, Gisèle Freund est contrainte de quitter l'Europe en 1941. Elle fuit les persécutions nazies en Amérique du Sud où elle est accueillie à Buenos Aires par son amie, la femme de lettres argentine Victoria Ocampo. Dès lors, la photographe découvre un continent qui ne cessera de l’inspirer. Cette rencontre va marquer un tournant dans sa carrière et profondément influencer sa trajectoire. La Maison de l’Amérique Latine consacre une exposition à ce pan de son travail, au gré de ses périples du Mexique au Chili, de l’Uruguay au Brésil, du Pérou à l’Argentine. L’événement parisien « Gisèle Freund. Ce Sud si lointain » emprunte son titre à un poème de Luis Cernuda, "J'aimerais être seul dans le Sud", publié dans le recueil "Un rio, un amor" en 1929. 

Le commissaire d'exposition Juan Àlvarez Màrquez et le conseiller spécial Juan Manuel Bonnet ont réuni soixante-douze photographies dont la plupart ont été prises entre 1941 et 1952, parmi lesquelles quatorze images inédites jamais présentées au public. Le soutien de de l’Imec, Institut Mémoires de l'édition contemporain a permis de monter l’exposition grâce à la réalisation de tirages posthumes. L’intégralité des archives de Gisèle Freund sont déposées au siège de cette institution, à l’abbaye d'Ardenne dans le Calvados, près de Caen. 







Gisèle Freund reçoit son premier appareil photo, un Leica cadeau de son père, à l’occasion de l’obtention de son baccalauréat. Elle étudie la sociologie à Francfort et se rapproche d’un groupe d’étudiants communistes. En mai 1933, inquiétée par le nouveau régime, elle quitte l'Allemagne nazie pour poursuivre ses études à Paris. Elle soutient une thèse sur la sociologie de l'image, "La photographie au XIXème siècle en France" à la Sorbonne. Dès 1938, Gisèle Freund, précurseure, est l'une des premières à utiliser les pellicules Agfacolor dont les couleurs signeront un style de portrait. 

A Paris, elle se lie avec Adrienne Monnier et Sylvia Beach, fondatrices des librairies La maison des amis des livres et Shakespeare and Company. Elle fréquente l'avant-garde des lettres, James Joyce, José Ortega y Gasset, André Malraux, Henri Michaux, Roger Caillos de nombreux intellectuels sud-américains, le poète franco-uruguayen Jules Supervielle, Susana Soca poétesse et mécène uruguayenne, Pedro Figari peintre et écrivain également uruguayen. En 1941, Gisèle Freund quitte la France occupée, l'Espagne franquiste pour l’Argentine où elle retrouve Victoria Ocampo, fondatrice de SUR, revue littéraire et de sciences humaines, également maison d'édition. 








Gisèle Freund débarque en Amérique Latine en transatlantique par le Brésil. Ces premières images capturent les côtes, la nature et le contraste avec le modernisme des villes nouvelles, un monde rural entraperçu. Elle choisit paradoxalement souvent le noir et blanc pour saisir ces paysages du bout du monde. La photographe voyage à travers l’Argentine et le Chili. Elle est frappée par la beauté de la Terre de feu, la Patagonie. Elle s’aventure en Uruguay, en Equateur, en Bolivie, au Pérou et marque tout de suite un intérêt particulier pour le Mexique. 

Au fil de ces voyages sensibles, périples à la rencontre des populations, des autres, Gisèle Freund affirme une démarche humaniste, saisissant les visages des célébrités comme des anonymes. Elle réalise de nombreux reportages pour Times Magazine, Life, les parutions argentines La Naciòn et El Hogar, le journal mexicain Novedades. En 1950, la publication d’un photoreportage pour Life au sujet d'Eva Peròn et de son train de vie luxueux provoque la colère du régime. Elle est contrainte de quitter précipitamment l’Argentine. Ses engagements politiques traduits en images lui causeront d’autres problèmes. A l’invitation de Robert Capa, Gisèle Freund rejoint à sa création l'agence Magnum en 1947. Mais elle est obligée de la quitter en 1954, interdite de visa aux Etats-Unis du fait de ses affinités communistes. 









Le premier voyage de Gisèle Freund au Mexique date de 1947. Elle est invitée à Coyoacàn à la Casa Azul, où elle photographie Frida Khalo dans son jardin, ainsi que Diego Rivera à l'oeuvre sur sa fresque monumentale, Historia del Mundo. Eprise du pays, de ses habitants, elle revient plus longuement de de 1950 à 1952 pour documenter la vie quotidienne des populations indigènes, leurs conditions, leurs traditions. Oaxaca, San Cristobal de las Casas, San Juan Chamula, elle s’intéresse aux paysages, à l’existence villageoise, fêtes et cérémonies traditionnelles, scènes de marchés, femmes de Tehuantepec, mais aussi au quotidien des ouvriers, l'industrie, les usines. En ville, le mouvement muraliste de Diego Rivera, José Clemente Orozo, David Alfaro Siqueiros l’inspire. 

L’exposition « Gisèle Freund. Ce Sud si lointain » illustre une double approche, sociologique et artistique. Les images associées rendent compte d'une expérience humaine tout autant que d’une recherche esthétique. A ne pas manquer !

Gisèle Freund - Ce Sud si lointain 
Jusqu'au 7 janvier 2023

Maison de l’Amérique Latine 
217 boulevard Saint-Germain - Paris 7
Tél : 01 49 54 75 00
Horaires des galeries d’exposition : Du lundi au vendredi de 10h à 20h - Le samedi de 14h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.