Lundi Librairie : La disparition de Josef Mengele - Olivier Guez

 


Au lendemain de la Seconde Guerre Mondial, Josef Mengele (1911-1979), médecin chef du camp d’extermination d’Auschwitz, surnommé « l’Ange de la Mort » est exfiltré par les réseaux nais vers l’Amérique du Sud. Profitant de la clémence du régime argentin, à la tête duquel se trouve Juan Perón, envers les anciens caciques du Troisième Reich, Mengele débarque à Buenos Aires sous l’identité d’Helmut Gregor en juin 1949. Là, il s’invente une nouvelle existence, tout d’abord discret, il se cache puis peu à peu prend ses aises. Il fréquente la « nazi society », composée de nostalgiques du Reich et de figures majeures en exil : Eduard Roschmann, Adolf Eichmann l’un des artisans de la solution finale, Simon Sabiani, le maire de Marseille condamné à mort par contumace, pour sa politique de collaboration… Entre la fin des années 1950 et le début des années 1960, la reconnaissance internationale officielle des crimes nazis contre l’humanité relance la traque. Les opérations clandestines du Mossad, services de renseignement israélien, permettent de localiser Mengele. Mais des affaires internes suspendent les démarches. Le mandat d’arrêt émis par le gouvernement allemand n’aboutit pas. Le fuyard réactive les réseaux clandestins pour échapper aux tribunaux. Il se lance dans une cavale qui le mène du Paraguay au Brésil, change d’identité lorsqu’il passe d’un pays à l’autre. Les chasseurs de nazis Simon Wiesenthal et Hermann Langbein sont sur sa piste. Pourtant, Josef Mengele ne sera jamais capturé malgré les demandes d’extradition. Le monde pris dans une nouvelle tourmente craint un troisième conflit mondial tandis que fait rage la course à l’armement nucléaire, la guerre froide entre les Etats-Unis et l’URSS. Mengele meurt dans des conditions mystérieuses, noyé sur une place au Sud de Sao Paulo au Brésil en 1979. Enterré sous un faux nom, ses restes sont exhumés et identifiés en 1985.

Livre dense, roman historique ambitieux, « La disparition de Josef Mengele » a été distingué par le Prix Renaudot 2017. Oliver Guez, collaborateur du journal le Point a mené un travail de documentation, de recherche d’envergure. Durant plus de trois ans, il a enquêté sur place, de Günzburg la ville natale de Mengele en Allemagne à Serra Negra au Brésil afin de certifier l’exactitude des éléments historiques. La démarche journaliste menée par Olivier Guez a donné chair à une reconstitution minutieuse, un récit âpre, mais incarné.  La littérature vient combler les interstices, dimension romanesque, pour rendre compte de la réalité. L’auteur donne à voir l’homme derrière le monstre. Au travers les dialogues, les scènes du quotidien réinventés, il capture la vérité humaine du médecin tortionnaire. Il dit le fuyard veule, lâche, pitoyable. Il montre l’être traqué pathétique et « la banalité du mal » concept développé par la philosophe Hanna Arendt lors du procès Eichmann. 

Dans ce rapport à la réalité historique augmentée par la densité fictionnelle, Olivier Guez raconte l’après-guerre vu à travers les yeux d’un criminel nazi, la longue cavale, les planques, les réseaux, la paranoïa. Jusqu’à la fin de sa vie, le bourreau pervers ne manifestera aucun remord aucun regret. En tant que médecin chef du camp d’Auschwitz, il sélectionnait les déportés destinés immédiatement aux chambres à gaz et poursuivait des expériences médicales sur les déportés. Au nom de la science, de son intérêt particulier pour la génétique, il infligeait tortures, mutilations et tuait sans distinction enfants, vieillards, femmes enceintes. Au procès de Nuremberg en 1945, les Alliés pensaient que Mengele était mort. Il n’était donc pas recherché.

Corruption, fanatisme, dictature, Guerre froide, Olivier Guez décortique les arcanes complexes d’une trajectoire fugitive sous la forme d’un récit biographique haletant. Le romancier propose un éclairage inédit sur la personnalité de Mengele, portrait d’un homme empli de haine, ancré dans ses certitudes abominables. Un impitoyable sociopathe doublé d’un égoïsme forcené, plein d’ingratitude vis à vis de ceux qui l’aident. Olivier Guez cherche à éclaircir comment ce criminel de guerre, dont le nom terrorisait encore les rescapés du camp d'Auschwitz, a pu échapper à la justice durant trente ans. Passionnant. 

La disparition de Josef Mengele - Olivier Guez - Editions Grasset - Poche Le Livre de Poche



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.