Ailleurs : Cathédrale Notre Dame de Reims, dix clés pour une visite éclairée d'un chef-d'oeuvre de l'architecture gothique

 

La Cathédrale de Reims, joyau de l’art gothique, est inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1991. Lieu de sacre des rois de France depuis le XIème, Notre-Dame de Reims est l’héritière de plusieurs édifices cultuels successifs. L’originel aurait vu le jour au Vème siècle sous l’impulsion du saint patron de la ville, saint Nicaise. Le chantier de la Cathédrale actuelle débute en 1211 et s’achève vers 1345 pour le gros oeuvre. En 816, Louis Ier dit le Pieux (778-840), fils de Charlemagne, est le premier monarque français consacré à Reims dans l’église primitive par le pape Etienne IV. Jusqu’au XVIIIème siècle, cette cérémonie assoit la légitimité du pouvoir royal conféré par Dieu. La statuaire remarquable de la façade, du XIVème siècle, caractérise une esthétique foisonnante. Les deux-mille-trois-cent statues forment des processions : la galerie des rois au sommet, des scènes bibliques parmi lesquels l’épisode de la Reine de Saba ou encore l’Ange au sourire devenu emblème de la ville. 




Trésor architectural hautement symbolique, emblème de la féodalité et de l’Ancien Régime, la Cathédrale attise la colère des révolutionnaires. Statues brisées, portails arrachés, sceptre et main de justice brûlés, elle échappe pourtant à la destruction et devient magasin à fourrage. L’architecte Eugène Viollet-le-Duc dirige la restauration en 1860. 

Au cours de la Première Guerre Mondiale, la Cathédrale de Reims, cible privilégiée de l’artillerie allemande, est frappée par près de trois-cents obus. Le mécénat américain des milliardaires, Andrew Carnegie et John Davidson Rockefeller finance en grande partie la reconstruction de la cathédrale martyre dévastée au lendemain du conflit. L’architecte Henri Deneux (1874-1969) mène la restauration de 1915 à 1938. 

Découvrez avec nous dix clés pour préparer une visite éclairée de la Cathédrale de Reims. 









1/ Une cathédrale fruit de plusieurs édifices successifs

La première cathédrale consacrée à la Vierge est édifiée selon la tradition au début du Vème siècle. L’évêque saint Nicaise, patron de la ville de Reims, saint céphalophore mort en 407 ou 451, décapité par les Vandales ou les Huns, fait établir ce lieu sur les vestiges des thermes de la ville antique. Il cherche à asseoir le statut social et politique de l’évêché. Le baptême de Clovis, roi des Francs par l’évêque Remi de Reims, un 25 décembre entre 496 et 499, incarne une unité religieuse et politique de faire Nation.  

En 816, la cathédrale primitive en mauvais état est reconstruite à la demande de l'archevêque Ebbon. L'architecte impérial Rumaud prend en charge le chantier. Il se prolonge jusqu’en 846 sous l'épiscopat d'Hincmar. La deuxième cathédrale est consacrée le 18 octobre 862 en présence de Charles II dit le Chauve (823-877). Au début du Xème siècle, une ancienne crypte datant de la première cathédrale, redécouverte, est consacrée à saint Rémi. Elle devient le cœur des cathédrales successives. L’autel se dresse à cet endroit depuis quinze siècles. À partir de 976, l'évêque Adalbéron agrandit la cathédrale carolingienne. Au milieu du XIIème siècle, l'archevêque Samson fait démolir la façade et l’unique tour, pour édifier une nouvelle façade encadrée de deux tours sur le modèle de la basilique Saint-Denis. Un nouveau chœur à l’ouest et des chapelles à l’est sont aménagés. 

Sous le règne de Philippe Auguste, le 6 mai 1210, un incendie ravage le lieu de culte. A la suite de cet accident dévastateur, l’archevêque Albéric de Humbert initie la construction d’un édifice plus vaste. Il pose la première pierre d'une nouvelle cathédrale de Reims le 6 mai 1211. Le chantier initial qui durera près de deux siècle débute par le chevet terminé vers 1241, vers 1250 allongement de la nef, quatre architectes successifs, cette première phase aboutit à la fin du XIIIème siècle. 









2/ L’achèvement de la cathédrale est retardé au XIIIème siècle par les épidémies de peste, la Guerre de Cent ans et les accidents 

Les tours imaginées dès le XIIème siècle ne sont édifiées qu’au XVème siècle. En 1481, les plombiers œuvrant aux soudures de la toiture oublient un réchaud qui enflamme les combles. La charpente disparaît dans cet incendie. Le grand clocher à la croisée du transept s’effondre. Les rénovations engloutissent des fonds considérables, engendrant un retard dans l’érection des flèches et l’élévation de la façade occidentale. En 1516, le couronnement des flèches abandonné faute de budget.

3/ Une succession d’architectes 

Les inscriptions du labyrinthe disparu en 1778, relevés du XVIIème siècle indiquent plusieurs architectes successifs, Jean d'Orbais (1211-1231), Jean le Loup (1231-1247), Gaucher de Reims (1247-1277) puis Bernard de Soissons (1255-1282/1287). Prennent la suite, Adam vers 1290, Robert de Coucy mort en 1311, Colart, connu en 1328, Gilles de Saint-Nicaise, connu en 1352 et 1358, Jean de Dijon, connu en 1389, 1402, 1411, Colard de Givry (1416-1452). Viollet-le-Duc mène la restauration à partir de 1860 et au lendemain de la Première Guerre Mondiale, Henri Deneux prend en charge le chantier qui dure de 1915 à 1939. 









4/ Un lieu dépositaire de la Sainte Ampoule

Selon la tradition, la Sainte Ampoule était le trésor de l'abbaye Saint-Remi de Reims depuis la seconde moitié du IXème siècle. La fiole contenant une huile sacrée aurait servi à l’occasion du baptême de Clovis. Ce baume mélangé au saint chrême a servi lors du sacre des rois depuis le Xème siècle. C’est cette onction qui aurait conféré un pouvoir de thaumaturge aux monarques français, intermédiaires entre Dieu et le peuple. 


5/ Sept des rois capétiens n’ont pas été sacrés à Reims

Hugues Capet est sacré à la cathédrale Notre-Dame de Noyon ou à la cathédrale Notre-Dame de Reims en 987 par Adalbéron, archevêque de Reims. Robert II à la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans en 987 par Adalbéron, archevêque de Reims. Louis VI à la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans en 1108 par Daimbert, archevêque de Sens. Jean Ier meurt tout de suite après sa naissance. Henri IV à la cathédrale Notre-Dame de Chartres en 1594 par Nicolas de Thou, évêque de Chartres. Louis XVIII n'est pas sacré et Louis-Philippe Ier, roi des Français, non plus.








6/ Cathédrale martyre durant la Première Guerre Mondiale

Symbole de la France éternelle, la Cathédrale de Reims est victime de l’acharnement des troupes allemandes. L’artillerie pilonne le monument sans relâche durant quatre ans. Plus de trois-cents obus atteignent la cathédrale. Le 19 septembre 1914, un terrible incendie détruit une grande partie de la cathédrale. Les gargouilles crachent les quatre-cents tonnes de plomb fondu de la toiture. Au lendemain du conflit, les murs ont tenu mais les dégâts à l’intérieur sont considérables. Charpente brûlée, voûtes crevées, vitraux brisés, grande rosace fendue, sculptures calcinées, orgues consumés, transept ravagé, la Cathédrale n’est plus que ruines.

7/ La restauration à la suite de la Première Guerre Mondiale

Au lendemain de l’armistice, la question se pose de reconstruire la Cathédrale de Reims ou de conserver le monument en ruines comme symbole de la barbarie. La restauration débute sous la direction d’Henri Deneux, architecte des monuments historiques, nommé en 1915 architecte en chef de la cathédrale de Reims. L’Etat propriétaire de l’édifice finance en partie la reconstruction, soutenu par les dons des fondations américaines Carnegie et Rockefeller. La charpente en béton armé, prouesse technique, remplace celle de bois, incendiée. Le 18 octobre 1937 la cathédrale rendue au culte est à nouveau consacrée par le cardinal Suchard en présence du président Albert Lebrun. La messe célébrée par l’archevêque le 8 juillet 1962 en présence du général de Gaulle et du chancelier Adenauer marque symboliquement la réconciliation franco-allemande.








8/ Des vitraux exceptionnels

La Cathédrale de Reims, chef-d’œuvre de l’architecture gothique, inspire les architectes du XIIIème siècle qui innovent avec les fenêtres rémoises, une technique reprise dans toute l’Europe. Les châssis indépendants des murs qui l’entourent permettent d’agrandir les surfaces vitrées et de faire entrer la lumière.

Le XIXème siècle et les bombardements de la Première Guerre Mondiale détruisent une grande partie des vitraux de la Cathédrale. Dès la fin du gros oeuvre de la restauration en 1937, le maître-verrier Jacques Simon recompose les vitraux qui peuvent être sauvés. Il travaille sur les fenêtres hautes à partir des calques relevés par son père. Il crée la petite rose du portail central de la façade ouest, dite des Litanies de la Vierge, les baies des portails latéraux, rose du bras sud du transept suivi dans les années 1950, du vitrail du champagne. 

En 1974, Marc Chagall réalise trois verrières dans la chapelle d’Axe. En 2004, l’Etat lance une commande publique toujours dans le cadre de la restauration. A cette occasion, l’artiste allemand Imi Knoebel (né en 1940) collabore avec l'atelier rémois Simon Marq créé en 1640, qui a réalisé plusieurs vitraux de Chagall, et avec les ateliers parisiens Duchemin. Il imagine six vitraux modernes pour la chapelle sud et nord. Ils sont inaugurés en juin 2011. La Cathédrale de Reims, lieu patrimonial, marque son ouverture au monde contemporain.







9/ L’Ange au sourire l’emblème de Reims 

Sculpté vers 1240, l’Ange au sourire se trouve à gauche du portail nord de la façade occidentale de la cathédrale. Ange psychagogue, accompagnateur des âmes, il apporte la palme du martyre à saint Nicaise, l’évêque décapité. Son sourire iconique, ainsi que celui de ses frères, est considéré comme très innovant dans la sculpture médiévale. L’Ange au sourire regarde vers la droite et en miroir l’Ange de l’Annonciation qui devrait se trouver aux côtés de saint Nicaise regarde vers la gauche. 

La statue de l’Ange au sourire devient l’emblème de la ville de Reims à la suite de la restauration menée par Henri Deneux. Durant la Première Guerre Mondiale, un incendie dévastateur se déclare le 19 septembre 1914. L’ange est décapité par la chute d’une poutre de l’échafaudage d’où est parti le feu. La tête chute de quatre mètres cinquante et se fracture en vingt morceaux. Dès le lendemain, l’abbé Thinot prend soin de collecter les éléments qui sont transférés dans les caves de l'archevêché de Reims. Le 30 novembre 1915, l'architecte Max Sainsaulieu, redécouvre la tête de l’ange. A l’occasion de la propagande anti-allemande, il devient le symbole du patrimoine détruit par l’ennemi. Les restaurateurs s’ingénient à lui redonner son intégrité grâce à des relevés et un moulage conservé au Musée des monuments français. L’Ange au sourire retrouve sa place le 13 février 1926.







10/ Persistance de la légende du lac souterrain

Un reportage canular diffusé à la télévision un 1er avril dans les années 1970 donne corps à l’improbable légende d’un lac souterrain sous la cathédrale. Des touristes sont présentés en train de faire une promenade en barque. Mais il s’agit bien d’un poisson d’avril. Si la rumeur d’une source ou d’une nappe phréatique, courrait déjà avant cette vidéo, la cathédrale ne se trouve pas dans ces dispositions. Elle est construite sur le roc. Les fondations classiques sont d’ailleurs accessibles aux chercheurs.

Cathédrale de Reims
Place du Cardinal Luçon - 51100 Reims
Horaires : Ouvert tous les jours de 7h30 à 19h30
cathedrale-reims.fr



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.