Ailleurs : Jardins et vestiges de l'abbaye Notre Dame d'Argenteuil, mémoire d'Héloïse, patrimoine médiéval unique

 

L’abbaye Notre-Dame d’Argenteuil, fondée au VIIème siècle, demeure jusqu’au XIIème siècle une communauté de Bénédictines. La célèbre Héloïse y prend le voile à la demande de son époux Abélard. Elle accède à la charge prieure de l’abbaye en 1129. La prospérité de la communauté attire alors l’attention de l’abbé Suger, puissant abbé de Saint-Denis. A la suite de son intervention, les moniales sont chassées et l’abbaye devient un prieuré d’hommes. Réputée pour ses vignobles et ses productions maraîchères, l’abbaye d’Argenteuil connaît des revers de fortune à partir du XVIIème siècle. A la Révolution, les bâtiments confisqués au Clergé, désormais biens nationaux, sont vendus pour servir de carrière de pierre. Il n’en reste plus traces quand le site embrasse une vocation industrielle en 1916. Des fouilles archéologiques menées de 1989 à 1996 mettent à jour les reliquats de l'abbaye. Aujourd’hui visibles, mis en valeur, jardins et vestiges sont ouverts au public. Patrimoine unique à découvrir au cœur d’une ville qui a beaucoup souffert des bombardements de la Seconde Guerre Mondiale.








L’existence d’un monastère de Bénédictines dédicacé à Marie est attestée dès le VIIème siècle par un acte notarié daté de 697. Sous les Mérovingiens, l’abbaye accueille les jeunes filles de haute lignée avant leur mariage. Selon la tradition, la Sainte Tunique, vêtement tissé par la Vierge pour son Fils, habit de la Passion, est offerte par l'impératrice Irène de Byzance (752-803) à Charlemagne (741-814). La relique est déposée à l’abbaye Sainte-Marie, vers 803/804. Théodrade (vers 785 - 844/53), sa fille, est mentionnée comme abbesse en 814. La brutalité des raids normands sur la ville depuis le fleuve entre 845 et 862 impacte les revenus des communautés religieuses. En 846, un assaut contre Houilles dévaste la ville. Les lieux de culte sont incendiés. Le monastère sombre dans l’abandon.

La reconstruction débute à la fin du Xème siècle à l’initiative d’Adélaïde d’Aquitaine (952-1004), reine des Francs, épouse d’Hugues Capet. La nouvelle congrégation développe vignes et terres maraîchères. L’abbaye prospère particulièrement grâce à la production et le commerce du vin. La célèbre Héloïse (1092-1164), épouse d’Abélard, femme de lettres rejoint l’abbaye de Sainte-Marie d’Argenteuil en 1118. Elle en devient prieure en 1129.

A la même époque, l’abbé Suger (1080/81-1151), élu abbé de Saint Denis en 1122, ennemi des Montmorency et d'Abélard, nourrit des ambitions politiques. L’homme puissant cherche à loger les frères sous son ordre. L’opulence de l’abbaye d’Argenteuil attire sa convoitise. Afin de spolier les sœurs bénédictines de Sainte-Marie d’Argenteuil, l’abbé Suger produit un faux lors d’un concile à l’abbaye Saint-des-Prés. Le document falsifié qu’il affirme dater de 828, attesterait que l’abbaye aurait été confiée à Théobrade à condition qu’elle devienne par la suite propriété de l’abbaye de Saint Denis. Les moniales sont chassées sans ménagement et l’abbaye devient un prieuré d’hommes. Les religieuses se réfugient à l’abbaye du Paraclet. Par la suite, l’abbé Suger conseiller du roi est nommé régent de France de 1147 à 1149 à l’occasion du départ de Louis VII pour la deuxième croisade.








A partir de 1156, les religieux exposent à nouveau la Sainte Tunique, dissimulée lors des raids normands. Elle est exhumée afin de réactiver la tradition des pèlerinages, génératrice d’importants revenus. La Guerre de Cents ans, la Peste noire, les expéditions des Grandes Compagnie de mercenaires pilleurs, ravagent le pays. En 1411, l’abbaye Notre-Dame d’Argenteuil est mise à sac par le parti d’Orléans, les Armagnacs qui s’opposent aux Bourguignons. En 1499, une nouvelle église paroissiale est construite. En 1518, le monastère est placé sous le régime de la commende. Désormais, les revenus sont perçus personnellement par l’abbé nommé par le roi.

En 1562, en pleine Guerres de Religion, les troupes huguenotes de Louis de Condé (1530-1569), prince du sang converti, prennent la ville d’Argenteuil. L’abbatiale incendiée est en grande partie détruite. A la suite de ces incidents, la chapelle Saint Jean attenante, à découvrir ici, est cédée à un vigneron laïc qui la transforme en cellier. La congrégation de Saint-Maur à qui le monastère a été rattaché en 1646, relance la vénération de la Tunique du Christ. Six processions solennelles se déroulent chaque année.

Le 21 janvier 1699, une violente tempête, abat le clocher de l’abbatiale qui s’écroule dans le chœur. La restauration très partielle marque la première étape d’un lent déclin. La commende du prieuré est confiée à l’abbé Fleury en 1707. En 1758, seuls quatre moines demeurent. A la Révolution, biens du Clergé sont confisqués et nationalisés. Le 27 septembre 1790, les bâtiments du prieuré d’Argenteuil sont vendus puis désormais carrière de pierre peu à peu démantelés. Il n’y plus trace de bâti en 1916.







De 1917 à 1984, les établissements Debet et Kornberger, spécialiste de la petite mécanique, occupe le terrain comme en atteste un bâtiment industriel en meulière toujours intact. Lorsque la société ferme, la Ville acquiert les parcelles. A l’occasion de la modernisation du quartier, la Mairie fait procéder à des sondages lesquels révèlent d’importants vestiges. Les fouilles archéologiques menée de 1989 à 1996 mettent à jour les vestiges de l’abbatiale, une chapelle basse. De la une crypte sous l’emplacement du chevet, dont le voûtement a disparu, demeurent une partie des murs et six bases de piles qui forment le plan à trois nefs de quatre travées, ponctué d’un petit autel et d’un bassin liturgique. Les fouilles permettent de tracer le plan de la salle capitulaire et du cloître. Elles dévoilent la présence d’une nécropole mérovingienne, ainsi que des céramiques et des pavements du XIIIème et du XIVème siècle. Les lieux sont inscrits aux Monuments historiques par arrêté du 14 novembre 1996. 

Les architectes Jean-Pierre Feugas et David Bigelman du cabinet Ville & Architecture sont chargés par la Ville du projet de valorisation de ce patrimoine unique. Les abords sont aménagés afin d’accueillir du public. L’architecte du patrimoine Sébastien Cord imagine un auvent haut de 7,5m afin de protéger les vestiges de la crypte par un toit en zinc vaste de 420m2 soutenu par de fins poteaux. Des passerelles en acier galvanisé et plancher de charpente, platelage en bois exotique imputrescible, permettent de circuler autour des ruines.







Trois jardins thématiques voient le jour sur une parcelle vaste de 5340m2. Le jardin médiéval évoque celui de l’abbaye originelle, avec bassins d’eau et plantations d’herbes médicinales. Le jardin productif, ses vignes, ses figuiers blancs et ses pommiers, évoque la production maraîchère historique de la ville. Le troisième espace compose un jardin impressionniste en hommage aux peintres du XIXème siècle, résidents d’Argenteuil, Claude Monet, Gustave Caillebotte… L’édifice industriel devient espace d’exposition et d’ateliers.

Les jardins de l’abbaye Notre-Dame d’Argenteuil sont inaugurés le 2 mars 2014 par Philippe Doucet, député-maire d’Argenteuil et Chantal Colin première adjointe au maire, en présence de Monseigneur Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise.

Jardins et vestiges de l’Abbaye Notre-Dame d’Argenteuil
19 rue Notre Dame - 95100 Argenteuil 
Tél : 01 34 23 45 34
Horaires : Tous les jours de 11h à 18h 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.