Expo Ailleurs : Clouet. À la cour des petits Valois - Cabinet d'arts graphiques du Château de Chantilly - Jusqu'au 2 octobre 2022

 

Au château de Chantilly, l’exposition « Clouet. À la cour des petits Valois » s’attache à rendre compte du développement d’un genre particulier à la cour de France au XVIème siècle, le portrait d’enfant. La série de dessins réunis par Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897) ainsi que les prêts exceptionnels de la Bibliothèque Nationale de France et de la collection Ortiz témoignent de l’essor artistique de la Renaissance française. Sous le crayon de Jean Clouet (1480-1540) et François Clouet (avant 1520-1572), les princes et les princesses au destin historique sont réunis en un album de famille émouvant. Fils et filles de François Ier (1494-1547), puis d’Henri II (1519-1559) et Catherine de Médicis (1519-1589) apparaissent dans l’innocence et la fragilité de leurs plus jeunes années. Le Cabinet d’arts graphiques du Musée Condé nous invite le temps d’un événement exceptionnelle dans l’intimité de la dynastie des Valois-Angoulême au plus près des enfants royaux. L’expérience humaine, très incarnée, donne à voir l’enfance et l’adolescence des grandes figures de la cour des Valois. Outre les airs de famille évidents, il est troublant de suivre l’évolution des jeunes bambins joufflus et insouciants qui deviennent des enfants conscients de leur statut, puis des adolescents déjà pleinement dans leur rôle princier. Aux nombreux dessins de cette nurserie royale, se joignent deux séries peintes, la première, assez restreinte, peu d’œuvres nous étant parvenues, réalisée par Jean Clouet lui-même, et la seconde que les études récentes attribuent à son fils, François Clouet qui travaille à partir des dessins de son père au début des années 1540. A l’occasion de cette exposition, une vaste campagne de restauration a été menée par les équipes scientifiques du Musée Condé. De nouvelles recherches ont permis de réviser les corpus, mieux dater les oeuvres et revoir les identifications grâce notamment aux annotations manuscrites de Catherine de Médicis.  

François de France et Marguerite de France, enfants de François Ier

Henri de France futur Henri II, deuxième fils de François Ier




Le goût pour le portrait d’enfant exprimé par François Ier traduit sa fierté de compter une abondante descendance alors que ses rivaux politiques sont moins chanceux. Henri VIII d’Angleterre peine à concevoir un héritier. Charles Quint n’engendre un fils que tardivement. A cette époque de forte mortalité infantile, l’inquiétude concernant la perpétuation de la lignée se manifeste précocement.  François d’Angoulême, futur François Ier, appartient à la branche cadette de la maison royale de Valois. A l’origine, il n'est pas destiné à régner. Faute d’héritier mâle, Louis XII fait de son petit cousin au quatrième degré, l'héritier présomptif de la couronne, en qualité d'aîné de la maison de Valois dans l'ordre de primogéniture, en vertu de la loi salique.

François Ier se flatte d’être le père de nombreux enfants. L’iconographie prolifique autour de la nurserie royale donne l’occasion de mettre en scène la fécondité royale, associée à l’opulence mais également d’asseoir la légitimité de la branche des Valois-Angoulême. Les portraits des cinq enfants, destinés à être diffusés dans toute l’Europe, jouent un rôle politique. Les princes et princesses portent les couleurs de leur père. Ils sont élevés à Blois et à Saint Germain en Laye, loin de la cour afin de les protéger des maladies et des intrigues. Les parents se soucient de leur éducation, de leur hygiène et plus largement de leur quotidien. Les portraits montrent leur évolution physique et servent de bulletin de santé. Avec le début de la Renaissance, la conception de l’enfant comme individu se développe.







Jean Clouet réalise ses premiers portraits à la pierre noire et à la sanguine à partir de 1524. Jusque-là, les dessins ne servaient que d’études préparatoires à des tableaux à venir. Croquis pris sur le vif, simplicité de la composition, Clouet impose un style nouveau, d’une grande modernité. Il privilégie l’expression et la finesse du trait. Ces portraits, visages de face ou de trois-quarts, répondent à des codes particuliers, quelques éléments décoratifs, des coiffures élaborées, des esquisses de vêtements.
 
Peu d’informations nous sont parvenues concernant le parcours de Jean Clouet, peintre officiel de François Ier. D’origine flamande, il appartient à la suite du roi dès 1516. Ses œuvres traduisent une influence de l’art flamand et du maniérisme florentin. L’exposition « Clouet. À la cour des petits Valois » réunit pour la première fois depuis le XVIème siècle trois tableaux de Jean Clouet, représentant Henri de France duc d’Orléans futur Henri II (1519-1559) le deuxième fils de François Ier, Madeleine de France, future reine d’Ecosse (1520-1537), Charles de France, duc d’Angoulême puis duc d’Orléans (1522-1545).

La notoriété actuelle de Jean Clouet doit beaucoup au groupe de cent-trente dessins conservés au Musée Condé. Mais sa réputation a probablement dépassé ses seules productions, les portraits de la famille royale étant souvent attribués d’office au peintre officiel en titre. De fait, souvent les œuvres de Jean Clouet et de son fils François Clouet se confondent. 







La série de portraits d’enfants conservés à Chantilly éclaire la façon dont les commandes royales ont contribué à la diffusion d’un genre et à la prolifération de dessins au XVIème siècle. Les nombreuses actualisations demandées par les souverains régnant permettent de suivre l’évolution physique de leur progéniture. Et lorsqu’ils sont absents, Clouet reprend d’anciens portraits qu’il vieillit. A la suite de la défaite de la bataille de Pavie en 1525, François Ier est prisonnier de l’empereur Charles Quint. Après un an de captivité, il est libéré contre des concessions importantes. Le Traité de Madrid, en 1526, lui impose de livrer ses deux fils aînés, le dauphin François et son cadet, le futur Henri II. Les princes demeurent otages en Espagne pendant plus de quatre ans. Ils sont libérés le 1er juillet 1530. Durant cette période, Clouet continue de mettre à jour les portraits.

Jean meurt en 1540, la charge est reprise par son fils François. Alors que les premiers troubles liés aux guerres de religion font rage, Catherine de Médicis et Henri II commandent de nombreux portraits de leurs enfants résidant à Saint-Germain-en-Laye. Passionné de dessin, la reine réunit près de trois-cent-trente-six portraits, ses enfants, ses proches et les figures de la cour, l’une des toutes premières collections d’arts graphiques connue. 

François de France, le dauphin, futur François II (1544-1560), Marie Stuart reine d’Ecosse (1542-1587) son épouse à partir de 1558, élevée en France dès 1548, Charles de France, duc d’Angoulême puis d’Orléans, le futur Charles IX, (1550-1574) troisième fils du couple royal, Henri de France, duc d’Anjou, futur Henri III (1551-1589), Marguerite de France (1553-1615) future Reine Margot, première épouse d’Henri IV, François de France, duc d’Alençon (1555-1584) se retrouvent tous au Musée Condé dans un vaste album de famille de la petite enfance. Certains portraits annotés de la main même de Catherine de Médicis, révèlent une facette intime de la personnalité de la reine, mère soucieuse du bien-être de ses enfants. 






L’exposition dévoile un émouvant et peu commun portrait du futur Henri III, malade tête posée sur l’oreiller ainsi qu’un rare portrait du futur François II et son pendant peint d’après Clouet plus récent, préempté par le Musée Condé à l’occasion d’une vente chez Artcurial. Clouet inspire les peintres de son entourage. Les canevas de ses dessins sont repris sous la forme de miniatures ou de tableaux dès 1552 tandis que des portraitistes moins célèbres Germain Le Mannier, Jean Decourt poursuivent l’exploration de cette mode.

Catherine de Médicis lègue sa collection de dessins à sa petite-fille, la grande duchesse de Toscane. Ils sont conservés à Florence chez les Médicis avant d’être vendus par un marchand d’art à des amateurs anglais en 1737. Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), propriétaire de Chantilly fait l’acquisition d’une grande partie d’entre eux auprès d’un marchand d’art londonien Colnaghi. L’ensemble entre dans les collections du Musée Condé entre 1886 et 1887.

Clouet. À la cour des petits Valois
Jusqu’au 2 octobre 2022

Cabinet d'arts graphiques du Château de Chantilly
Domaine de Chantilly
7 rue Connétable Château - 60500 Chantilly
Tél. : 03 44 27 31 80



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.