Théâtre : L’Ecole des Femmes, de Molière - Adaptation et mise en scène Anthony Magnier - Le Lucernaire - Jusqu'au 29 mai 2022

 







A l’occasion du quatre-centième anniversaire de la naissance de Molière en 1622, événements et reprises rendent hommage au dramaturge. Anthony Magnier, fondateur de la compagnie Viva, propose au Lucernaire, une version originale de « L’école des femmes », et néanmoins fidèle. Pièce créée en 1662, ce texte féministe avant l’heure rend Molière célèbre et fait scandale. La pertinence troublante du propos, sa modernité vient questionner l’évolution de la société. Le spectacle invite à l’introspection sur les rapports homme/femme. La réflexion sur la condition féminine, les violences faites aux femmes, l’éducation comment moteur d’émancipation apparaît terriblement contemporaine

La mise en scène intelligente, précision alerte, souligne la double dimension burlesque et tragique de la pièce. La farce joliment incarnée rend moins douloureuse la noirceur intrinsèque du propos tout en éclairant l’ambivalence des personnages. Anthony Magnier a choisi de nourrir la proximité avec le public par des interactions modernistes dont la belle énergie communicative ne manque pas de provoquer les rires. La scénographie astucieuse emprunte au principe du théâtre de tréteaux dans une économie de moyens qui n’est pas sans rappeler les conditions de création de la pièce au XVIIème siècle alors que l’Illustre théâtre se produit en province dans des tournées sans financement. Brock signe un délicieux décor sorte de roulotte, de cabane, une baraque de foire propre à servir l’intrigue. 

Retournements de situation, quiproquos, ressorts comiques et moments dramatiques intenses, « L’école des femmes » alterne les scènes drolatiques portées par les deux valets de comédie et les échanges terribles où dominent Arnolphe, tyran intransigeant. Les ressources de la farce servent une pièce au propos tragi-comique dont la cocasserie ne fait pas oublier la grande cruauté. 




Belle présence, Mikael Fasulo, impeccable, incarne avec précision Arnolphe, misogyne aux convictions nauséabondes, qui cherche à contrôler son entourage par les pires moyens. Porté par sa déraison, il fantasme le bonheur conjugal sous les traits d’une poupée docile et inventent des principes d’éducation propices à cet état de sous-développement intellectuel. Sa suffisance, sa bêtise en font la proie de terribles désillusions, impuissant qu’il est face aux ruses de l’amour, à la vitalité de la jeunesse.  

Avec une aisance et une fluidité remarquable, Eva Dumont - en alternance avec Agathe Boudrières - et Victorien Robert - en alternance avec Matthieu Hornuss - se dédoublent pour devenir tour à tour le couple émouvant Agnès et Horace, ou le duo comique Alain et Georgette. Eva Dumont, Agnès jeune ingénue, jolie ballerine comme surgit d’une boîte à musique, que le vieil Arnolphe ne sort que pour son propre divertissement, glisse sur son visage un masque de la commedia dell’arte pour devenir, méconnaissable, la cocasse soubrette Georgette. Victorien Robert, confère à Horace le séducteur une jolie tendresse et à Alain, une gouaille réjouissante. Cette adaptation très réussie célèbre avec brio la puissance libératrice du désir et de l’amour. Savoureux !

L’Ecole des Femmes, de Molière 
Jusqu’au 29 mai 2022

Adaptation et mise en scène d’Anthony Magnier
Avec Mikael Fasulo (Arnolphe), Eva Dumont (Agnès et Georgette) en alternance avec Agathe Boudrières, Victorien Robert (Horace et Alain) en alternance avec Matthieu Hornuss

Création musicale : Mathias Castagné / Création Costumes : Mélisande De Serres / Création lumières Charley Hové / Décor : Brock / Administration : Anne Keriec / Diffusion : Coline Fousnaquer / coline.Fousnaquer.Viva@Gmail.Com / Production : Compagnie Viva / Coréalisation : Théâtre Lucernaire

Le Lucernaire 
53 rue Notre-Dame-des-Champs - Paris 6
Tél : 01 45 44 57 34



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.