Street Art : Pimax, portrait d'un artiste engagé et solidaire

 

Street artist, peintre, sculpteur, DJ, d’une pratique artistique à l’autre, Pimax panache les genres en alchimiste du style. Il réinterprète des motifs iconiques, familiers de tous pour proposer de nouvelles narrations, propices à la réflexion. Nourf, Goldofuck, Astro, Marilyn et la banane, ses œuvres les plus connues empruntent des éléments issus de la bande-dessinée, des comics, des mangas, des blockbusters ou de bien l’histoire de l’art. A la force plastique du graphisme, plans contrastés, couleurs crues, univers pop, il associe le dynamisme des éléments surgis de la mémoire collective, des imaginaires communs par strates générationnelles. Refus du conformisme, du bon goût bourgeois, il revendique la subversion et l’humour dans l’universalisme de la culture populaire. Terreau fertile de la critique sociale. Au-delà de la figuration ludique, le message politique remet en question le monde tel qu’il est, dénonce les aliénations contemporaines. Pimax raconte l’époque et la société du spectacle. Pochoir, peinture, sculpture, son art militant, irrévérencieux, se fait instrument de transformation sociétale. L’intervention dans la rue, volontiers vandale, ouvre l’imagerie populaire, serait-elle même issue de l’enfance, aux implications politiques. Chroniqueur du monde actuel, Pimax réintroduit l’art au cœur de la cité, mu par une vision personnelle généreuse : la nécessité qu’il soit accessible à tous. Ainsi sa démarche dépasse le champ traditionnel de l’histoire de l’art pour aborder celui du social. Constat d’une mutation perpétuelle, il fusionne objets, idées dans la spontanéité des intuitions. Il s’inscrit en décalage avec les codes de l’art contemporain. Un parcours marqué par l’engagement et la solidarité.







En 1988, l’été de ses treize ans, une copine saxophoniste rencontrée au skate park jette un œil à la dérobée sur sa carte d’identité. Elle le surnomme Pimax, contraction de ses deux prénoms Pierre Maxime. Depuis la fille est sortie de sa vie mais le pseudo est resté. A la même époque, il produit ses premiers tableaux. A défaut de moyens, de supports classiques, il improvise et peint notamment sur des plaques intercalaires de palettes, récupérées dans les poubelles des supermarchés. 

De 1992 jusqu’aux années 2000, Pimax est très actif dans le milieu de la musique électronique. Il fait partie du Toulouse Hardcore Sound System, collectif underground qui réunit des groupes techno, jungle, et hardcore. Musiciens comme graffeurs baignent dans une même culture hip hop mâtinée de rock, punk et techno. Ils s’expriment dans des soirées clandestines, sur les ondes d’une radio pirate, par les graffitis qui conquièrent les murs. Les liens entre la musique et la peinture lui semblent évidents. Les CD, les mixtapes, vendus sur les parkings des raves se caractérisent par une forte identité graphique, des pochettes déclinées en sérigraphie, t-shirts, stickers. 

Né en 1975, Pimax s’inspire des motifs de la culture populaire des années 1980, tels que les animés japonais diffusés dans l’émission Club Dorothée. Au pochoir, il réinterprète Astro, Goldorak mais également ET. Il détourne les icônes de son enfance et diffuse largement les matrices auprès de ses proches. Goldofuck, un Goldorak au majeur tendu, nait dans le contexte de la scène hardcore de Toulouse. Le motif au pochoir revient régulièrement sur les murs de la ville dès que s’annonce un combat légitime, manifestations du 1er mai, pour les sans-papiers, le mariage pour tous. Détournement militant, message en réaction à l’actualité, il revendique liberté et solidarité.








Bambin, Pimax était terrifié par les reproductions des clowns de Bernard Buffet accrochés aux murs chez sa grand-mère. Il les redessine et les retravaille afin d’exorciser la peur. Dans le prolongement de cette démarche fondatrice, il poursuit en désacralisant l’histoire de l’art. Sur la piste d’Andy Warhol, Pimax s’intéresse au processus de multiplication des images en réponse aux excès de la société de consommation. Lorsqu'il croise le portrait warholien de Marilyn, omniprésent dans la culture populaire, et la banane du Velvet Underground, célébrissime pochette d’album, il rend hommage au maître du pop art. Et au passage, réinvente son pouvoir de dissidence par une forme d’humour potache. Pimax traduit son admiration pour César dans ces sculptures « La bombe de peinture », « Le ghetto blaster ». Il n’hésite pas à remixer la soupe Campbell de Warhol et le processus de César. Il s’empare des motifs les plus célèbres du Caravage, René Magritte, Vincent Van Gogh, Robert Indiana. A l’instar de la musique, il remixe les univers, s’inspire pour recycler, prélève des images afin d’introduire par la relecture une pensée inédite, vision distanciée ironique, éveil des consciences. 

Le street art, art du geste public, remet en question les pratiques conventionnelles. En se délivrant des lieux où l’art est présenté d’ordinaire, la galerie, l’atelier, le musée, il ose la confrontation directe, sans filtre, avec un public. Les oeuvres sont projetées librement dans la triviale réalité du quotidien. Incertitude des réactions ou de l’intégration naturelle à l’espace urbain, l’artiste embrasse l’humilité du processus. Cet art sauvage, immergé dans un milieu original, procède d’une esthétique radicale du surgissement. Il s’affranchit des normes, des contraintes afin de requalifier la géographie sensible de la ville par le biais d’une expression artistique alternative, prélèvement du réel à un niveau essentiel.

Dans cette pratique artistique déclarative et participative, par essence rebelle, Pimax ne boude pas son plaisir de subversion. Descendre dans la rue engendre une nouvelle dynamique. L’intrusion de l’artiste au cœur de la cité en fait un territoire d’intervention propice aux revendications, à la réflexion critique et politique. En s’emparant des murs, espaces dévolus à la publicité et donc à la promotion d’un système sociétal unique, il s’engage dans une correction esthétique radicale et redonne du sens au paysage urbain visuellement saturé. 








Dans les années 2000, accessoiriste dans le cinéma, Pimax est accompagné en permanence de sa chienne Posca, croisée boxer staff. Des plateaux de tournage aux soirées clandestines, le molosse le suit partout. L’homme communique avec l’animal par des onomatopées « nourf nourf » qui deviennent le surnom du chien. Lorsque son amie à quatre pattes meurt, Pimax reprend une centaine de toiles hommages à Bernard Buffet, Pablo Picasso, René Magritte sur lesquelles il peint au premier plan le personnage de Nourf. Evènement fondateur, nouvelle orientation plastique. 

Ce chien anthropomorphique devient une sorte d’alter ego fictionnel de l’artiste. Grandes dents, yeux ronds références au graphisme des Simpson, et pansement à la façon du chat Hercule dans les aventures de Pif le chien, il incarne les codes de la culture urbaine, casquette, skateboard, aérosols. Le processus autobiographique décalé, réaction à la vie quotidienne, à l’actualité, prend les traits de l’aimable canidé rouge. 

Pratique régie par un phénomène d’insémination et de diffusion virale, l’art urbain répond à des principes de création qui associent la furtivité, l’interdit et le goût pour la clandestinité. Sa fascination pour l’Urbex conduit Pimax à intervenir dans des lieux abandonnés, des usines désaffectées. Il peint sur des murs lépreux, des devantures, des camions. Reflet des mutations de la société, il célèbre la cité moderne, l’esthétise sous un angle inattendu. Le graffeur prend son temps, une quinzaine d’années, pour accepter d’être qualifié de street artiste, un titre perçu comme une étiquette et donc insupportable. Il a longtemps refusé que sa proposition soit assimilée à l’art urbain qu’il juge trop mainstream. 







Pour être exposé en galerie, trouver sa place sur le marché de l’art et vivre de sa pratique, Pimax est contraint d’accepter quelques concessions mais demeure réfractaire aux concepts de spéculation autour des œuvres, aux effets de com et de marketing. Il conçoit un très grand respect pour ceux qui choisissent de rester dans une démarche underground. Les premiers pas de Pimax en galerie passent par la sculpture. Sa peinture au style figuratif volontairement naïf ne séduit pas d’office les marchands d’art. Il diversifie sa production sans renoncer à son désir de subversion. Pochoirs, peinture, sculpture en résine, quand l’artiste lance des pistes de réflexion, provoque une réaction, le public s’empare du message qu’il réinterprète. 

Artiste solidaire, Pimax s’engage régulièrement auprès d’associations qui travaillent avec des enfants autistes, des malades du cancer, des jeunes de Casablanca et du XIVème arrondissement. Toujours en accord avec ces principes généreux, il a créé en 2020 la Nourf Art School, espace d’échange, de rencontres, de résidence, qui oeuvre à la transmission des savoirs et au partage avec les plus jeunes et les plus défavorisés. 

Pimax
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Le paratonnerre
Street Artwork
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un blog culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.