Paris : Ancienne enseigne peinte et réclame pour des commerces disparus aux numéros 1 et 3 de la rue des Grands Degrés - Vème

 


Aux numéros 1 et 3 de la rue des Grands Degrés, publicité et enseigne peintes attirent l’attention sur ces maisons inscrites à l’inventaire des Monuments historiques par arrêté du 21 décembre 1984. Sur la première façade « Ancienne maison d’Avignon et Beauchange - E. Gautier - Enseigne, décoration, entrepreneurs » annonce la présence à la fin du XIXème, début du XXème siècle d’un artisan spécialiste des décors peints. A la fois réclame et enseigne d’un commerce, les variations, lettrages, dessins aux détails d’influence romaine, motifs évoquant des allégories antiques, blason américain, offrent un échantillon des talents picturaux à disposition. La seconde façade au numéro 3 rue des Grands Degrés plus étroite prolonge l’enseigne et ajoute aux motifs précédents une publicité qui vante les mérites d’un commerce de calicots. 






1866 Photographe Charles Marville 



Les bâtiments du XVIIIème siècle, à l’angle de la rue Maître Albert et de la rue des Degrés, illustrent par leur état de préservation l’évolution du quartier Saint Victor. Jusque dans les années 1970, l’arrondissement demeure plutôt modeste. Les rues Maître Albert et des Grands Degrés sont ponctuées de commerces populaires, bistrots et marchands de charbon. A deux pas de la Sorbonne et de Saint Michel, c’est encore la bohème. Plutôt que de faire table rase du bâti historique, de grandes opérations de réhabilitation ont permis de le restaurer harmonieusement les anciennes maisons comme celles des numéros 1 et 3 de la rue des Grands Degrés. Sur les photographies de Charles Marville datant de 1866, le rez-de-chaussée du numéro 1 est occupé par la Maison Perrier, bar à vins. L’enseigne est complétée par de la publicité extérieure décrivant les services et aménagements du commerce : au-rendez-vous des Limousins, commerce de vins en gros et au détail, billard au premier. A l’étage, déjà se devinent une enseigne ou une publicité pour un peintre décorateur de façades.

Au XIXème siècle, l’essor des magasins de nouveautés sous Louis-Philippe et la naissance des grands magasins sous le Second Empire éclairent la profonde évolution de la société et du commerce. L’expansion des enseignes à vocation décorative et publicitaire ainsi que des réclames peintes reflète cette mutation dans l’espace même du quotidien urbain. Dès les années 1830, le « Journal des peintres en bâtiment et en décors » traduit l’intérêt et la demande importante de la part des commerçants pour de nouvelles formes. Les noms s’inscrivent en devanture de boutique en lettres de couleur, souvent du rouge ou de l’or. L’enseigne peinte artistique offre un contrepoint intéressant par sa dimension créative.

La ville moderne, théâtre original des grandes artères haussmanniennes, voies commerçantes, embrasse l’omniprésence des signes, foisonnement inédit. La quête d’un pouvoir d’attraction visuelle donne naissance à des enseignes de plus en plus singulière. Les expressions de cet art commerçant explorent le champ des possibles : propositions en saillie ou apposées directement sur la façade, lettrage monumental ou dessin figuratif. Les matériaux hétérogènes verre, zinc, bois répondent à l’étendue des techniques employées émail, peinture, sgraffito, mosaïque… 






1955


Au tournant du XXème siècle, l’enseigne prend de plus en plus la forme de lettres. L’art décoratif au service du commerce cherche alors le moyen de différencier l’enseigne de la publicité extérieure. La lisibilité de la façade dépend du dispositif visuel. Ainsi l’enseigne au 1 rue des Grands Degrés traduit cette évolution. Peinte directement sur la façade et pensée pour être lue de face, le choix de l’emplacement au deuxième étage prend en compte la situation du commerce, les conditions de lisibilité, la possibilité d’être lu de loin grâce la perspective dégagée, ainsi que la visibilité pour les piétons ou depuis une voiture à cheval. 

Un décryptage attentif de la ville contemporaine, tour patrimoine nostalgique, révèle les traces de ces vieilles enseignes. Désormais afin d’être préservés, ces décors de la rue sont souvent prélevés pour être conservés dans les musées tels que le musée Carnavalet qui leur consacre toute une salle.  

1 / 3 rue des Grands Degrés - Paris 5



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du promeneur 5è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme
Connaissance du vieux Paris - Jacques Hillairet - Editions Rivages