Paris. 1668. Au théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, la comédienne Mademoiselle Du Parc s’apprête à monter sur scène. Marquise incarne alors le rôle-titre de la pièce « Andromaque » que Jean Racine, son amant et père de sa fille illégitime née en mai 1668, a écrit pour elle. Gabriel Nicolas de la Reynie, lieutenant général de police s’invite dans sa loge à l’improviste. Sur ordre de Louis XIV, il est venu interroger Marquise au sujet de ses relations avec certains grands hommes du royaume. L’émissaire du roi tente d’élucider un mystère, une rumeur selon laquelle certaines pièces de Molière seraient en réalité des œuvres de Pierre Corneille. A l’occasion de cet entretien, ils reviennent sur la trajectoire de la comédienne qui à trente-cinq ans est au sommet de sa gloire. Née Marquise-Thérèse de Gorla, elle danse toute gamine sur les tréteaux de son père, bateleur de foire. Poussée par la passion des planches, elle désire devenir comédienne. Elle intègre la troupe de Molière et épouse René Berthelot dit Du Parc, dit Gros René abonné aux rôles comiques de valet. Des tournées en province jusqu’à la reconnaissance à Paris, le charme, le talent et la beauté de Marquise font tourner les têtes.
Alors qu’est célébré le quatre-centième anniversaire de la mort de Molière, le texte de Philippe Froget rend hommage à l’une de ses comédiennes, Mademoiselle Du Parc. Les libertés prises avec la réalité historique, savoureuses embardées anachroniques, empruntent les chemins du prétexte romanesque. La polémique autour de la paternité des pièces de Molière ne date que du XXème siècle. Mêlant les alexandrins classiques et la prose contemporaine, l’adaptation théâtrale fidèle proposée par Chloé Froget, fille de l’auteur, nous ouvre les portes de l’Illustre Théâtre pour mieux en découvrir les coulisses et l’intimité.
La trajectoire méconnue de Mademoiselle Du Parc, malgré un film « Marquise » réalisé par Véra Belmont en 1997 avec Sophie Marceau, ne manque pas de rebondissements rocambolesques. Portrait d’une femme de tête, impétueuse et ambitieuse, d’une grande amoureuse, « Aime comme Marquise » célèbre la détermination d’une personnalité fascinante. Comédienne de l’Illustre Théâtre de 1653 à 1667, elle est maîtresse présumée de Molière, de d’Artagnan, de Louis XIV, de Jean de la Fontaine. Marquise repousse les avances de Pierre Corneille. Il a cinquante-deux ans, elle en a vingt-six. Vexé par la fin de non-recevoir, amertume de barbon, il lui écrit un poème qui débute ainsi : « Marquise, si mon visage / A quelques traits un peu vieux, / Souvenez-vous qu’à mon âge / Vous ne vaudrez guère mieux. » En 1962, Georges Brassens adapte « Stances à Marquise » en chanson et donne la chance à la comédienne de répliquer par une dernière strophe savoureuse, réinventée par Tristan Bernard : « Peut-être que je serai vieille, / Répond Marquise, cependant / J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille, / Et je t'emmerde en attendant. »
Economie de moyens, créativité stimulée, changements de décors et de costumes à vue, Chloé Froget a imaginé une scénographe ingénieuse. Le dispositif de scène à deux niveaux évoque deux époques dans une reconstitution très vivante. Simultanéité très cinématographique, passé et présent se côtoient dans mise en abyme astucieuse. Au fil des souvenirs, de Pézenas à Rouen, du Louvre à Vaux-le-Vicomte, de Palais Royal à l’Hôtel de Bourgogne, la pièce donne à voir les rivalités entre troupes, la jalousie entre les acteurs, les luttes de pouvoir.
Sur la scène du théâtre La Bruyère, les quatre comédiens endossent tous les rôles. Aurélie Noblesse et Chloé Froget prêtent leurs traits à Marquise à ses débuts et à trente-cinq ans au faîte de sa carrière, quelques mois avant son décès soudain à la suite d’une fausse couche, ainsi qu’à Madeleine Béjart, inquiète du succès de sa cadette. Xavier Girard et Christophe Charrier incarnent tour à tour Molière, Gros-René, Corneille, Racine. Représentation sensible, humour, délicatesse, cette pièce rythmée joliment incarnée nous offre une belle soirée de théâtre populaire.
Aime comme MarquiseLe lundi à 20h et le dimanche à 16h
Jusqu’au 20 juin 2022
Auteur Philippe Froget
Metteuse en scène Chloé Froget
Distribution : Céline Espérin ou Aurélie Noblesse, Xavier Girard, Christophe Charrier, Chloé Froget
Lumières Damien Peray
Scénographie Chloé Froget
Costumes Viollaine de Merteuil
Musiques originales Christophe Charrier
Théâtre La Bruyère
5 rue La Bruyère - Paris 9
Tél : 01 48 74 76 99
theatrelabruyere.com
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