Paris : Hommage à Albert Camus, une oeuvre de Michel Poix - Xème




L’Hommage à Albert Camus, une oeuvre de Michel Poix (1933-2018), a été inauguré au débouché de la rue éponyme, place du Colonel Fabien, en 1986. La sculpture monumentale s’inscrit dans le cadre de la ZAC Grange-aux-Belles, opération d’urbanisme menée par l’architecte Jean-Claude Bernard. L’ensemble a été achevé en 1983. Le monument, commandé en 1984, rejoint son point d’ancrage actuel deux ans plus tard. Composé d’un socle de béton surmontée d’une figure d’acier inoxydable, il culmine à 5,50 mètres de hauteur. Volutes de métal, foisonnement de courbes, de pleins et de déliés, un ruban de Möbius enveloppe une silhouette humaine dans une torsion rutilante. L’oeuvre symbolise la pensée complexe d’Albert Camus. 








Natif du Nord-Pas-de-Calais, Michel Poix, l’auteur de cet hommage à Albert Camus voit le jour dans une famille modeste d’ouvriers, militants. Son père cheminot l’initie tôt aux combats politiques. Michel Poix débute sa vie professionnelle comme électronicien dans l’aéronautique. La main de l’ouvrier, ainsi que le travail de l’artisan qui modèle la matière, lui inspirent ses premières expérimentations artistiques en autodidacte. Au début des années 1960, il fait ses premières tentatives de sculptures figuratives. A travers la création plastique, il exprime ses colères, ses révoltes, ses joies. Il imagine des formes déchiquetées, parcourues de fissures qui laissent passer la lumière. Il explore les possibilités de l’étain, matière dont il a acquis la maîtrise en travaillant sur les composants électroniques industriels

En 1968, Michel Poix peut se consacrer entièrement à l’art. Son processus de création va connaître trois phases distincts en lien direct avec les matériaux employés : étain, acier inoxydable puis cuivre. Jusqu’au début des années 1970, il travaille l’étain métal lourd et mou qui limite les dimensions de ses sculptures. En 1974, il découvre l’oeuvre du sculpteur Albert Féraud (1921-2008), manipulateur inspiré d’un nouveau matériau : l’inox. Fasciné par les possibilités plastiques de l’acier inoxydable, Michel Poix conçoit des œuvres aux dimensions monumentales. Ce métal propice aux créations destinées aux espaces extérieurs lui ouvre les portes des commandes publiques. Son sens des compositions, sa recherche d’harmonie et d’équilibre séduisent les architectes.

L’artiste organise les courbes dans un entrelacs fluide, libérant l’exubérance des lignes, sculptures aériennes d’une grande densité esthétique. Fêlures, fractures, dynamisme, les personnages fendus en deux, traduction du mouvement des corps, deviennent des motifs récurrents, « Porteur de nuage » en 1979 ou « L’Homme qui s’habille de soleil » en 1978. 








Michel Poix conçoit le processus créatif comme un engagement physique avec la matière, traduction des mouvements de l’âme. Il produit sculptures, volumes, dessin et aquarelles afin de représenter « la fragile poésie de la nature à la modernité métallique de cette aube du XXème siècle ». Les éléments tubulaires incarnations de la contemporanéité, des techniques et des savoir-faire, rencontrent l’harmonie naturelle des formes du corps, sujet traditionnel revisité avec fougue. Les torsions, violence et beauté, délicatesse et souffrance, soulignent les contradictions de la condition humaine. L’artiste ne cesse de revendiquer tout au long de sa vie un engagement humaniste. Au début des années 1990, Michel Poix s’engage dans un processus d’assemblage de plaques de cuivre et soude des éléments pré-formés selon la technique utilisée dans son ancien métier d’électronicien. 

Oeuvre puissante détachée des courants académiques, il embrasse une figuration émancipée des canons classiques qui flirte parfois avec l’abstraction notamment pour « L’oiseau Briart » oeuvre datée de 1990, placée un an plus tard à l’entrée du parc Briart à Evry-Courcouronnes. Les sujets gagnent en sensualité avec cette nouvelle technique, nus féminins. En 1992, il signe « Aux Anges », « L’Echarpe », « Margot ». Emancipation de la forme et propos politisé, « L’Arpenteur des solitudes » et « Le guitariste chilien dans un stade » marque un tournant dans sa recherche plastique.

Michel Poix a réalisé de nombreuses sculptures monumentales destinées à l’espace public, en France, en Afrique du Sud, en Allemagne. Parmi celles-ci un buste de Teilhard de Chardin à Chamalières, un buste de Michel Simon au musée du Petit Palais à Genève. Son travail a fait l’objet d’expositions importante en France et à l’étranger, en Suisse, aux Etats-Unis, Luxembourg, Italie, Espagne. Etabli en 1996 à Villemoiron avec son épouse Monique, Michel Poix s’est éteint en pays d’Othe en 2018.


Hommage à Albert Camus - Oeuvre de Michel Poix
Place du Colonel Fabien à l'entrée de la rue Albert Camus - Paris 10
Métro Colonel Fabien ligne 2



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.