Paris : Fontaine Saint Michel, point de rendez-vous populaire et porte symbolique sur la Rive Gauche - VIème

 

La fontaine Saint Michel, point de ralliement animé du Quartier Latin, entretient le souvenir des manifestations étudiantes de mai 1968 et celui des affrontements pour la Libération de Paris en août 1944, objets d’une plaque commémorative. Son style, fruit de l’éclectisme caractéristique du Second Empire, emprunte à la Renaissance italienne. La structure, niche centrale encadrée de quatre colonnes et surmontée d'un fronton, s’inspire de celle de la fontaine Médicis. La réalisation monumentale occupe l’entièreté d’un mur pignon, jonction en angle aigu du boulevard Saint Michel et de la rue Danton. Son format, vingt-six mètres de haut et quinze de large, a été imposé par le désir esthétique de masquer ce pan aveugle. La réalisation de la fontaine décorative intervient, à la suite du bouleversement urbain engendré par les grands travaux du préfet Haussmann. L’aménagement de la nouvelle place Saint Michel est confié à l’architecte Gabriel Davioud (1824-1881), au service des Plans de la Ville de Paris depuis 1843. Concepteur de l’ensemble, il intègre parfaitement la fontaine dans son environnement. La place et les rues qui la bordent donnent une impression particulière d’homogénéité. Lors de son inauguration officielle, le 15 août 1860, l’esthétique de la fontaine Saint Michel fait l’objet de critiques variées. Des ajustements donneront lieu à des interventions mineures concernant son aspect. Elle est inscrite à l’inventaire des Monuments historiques par arrêté du 16 mars 1926.









Les grands travaux d’Haussmann ont métamorphosé le Quartier Latin. Les percements drastiques à travers les ilots encombrés du vieux Paris ont fait émerger une ville moderne selon le souhaite de Napoléon III. A la suite du décret signé le 11 août 1855, l’ancienne place du Pont Saint Michel débute sa transformation pour devenir notre actuelle place Saint Michel. Le chantier amorcé en 1856 court jusqu’en 1860. L’architecte Gabriel Davioud créé un vaste dégagement de 4500m2 qui amorce le boulevard Saint Michel et ferme la perspective du boulevard du Palais, au débouché du nouveau pont Saint Michel. 

Avant la réinvention du quartier par Haussmann, à l’emplacement de l'actuelle place Saint Michel se trouve une ancienne fontaine. Utilisée par les nombreux porteurs d’eau, sa présence est attestée dès 1624. Elle est alors alimentée par le château d’eau du quartier de l’Observatoire. La fontaine Saint Michel fera partie des ramifications de l’aqueduc d’Arcueil, charriant les eaux des sources des coteaux de Rungis, de Lahay, de Cachan et d’Arcueil. 

Le projet de la fontaine Saint Michel s’inscrit dans une démarche esthétique. Il s'agit notamment de masquer le mur pignon disgracieux. Davioud se montre tout d’abord hostile à l’idée de plaquer le monument contre cette façade. Avant de se résoudre aux desiderata du commanditaire, il envisage une fontaine placée au centre de la place, dans le style de la fontaine du Palmier place du Châtelet. Il est aidé dans l’établissement des plans de la fontaine par Flament, Simonet et Halo. Le chantier débute en 1858 et s’achève deux ans plus tard.

La forme particulière de la fontaine Saint Michel qui rappelle un arc de triomphe, évoque une sorte de porte monumentale ouvrant sur la Rive Gauche. Cette singularité reflète les contraintes matérielles auxquelles l’architecte a dû faire face. Afin d’animer le monument, de pallier à l’impression d’étroitesse du mur pignon haut de sept étages, le placement en contrebas léger de la place, l’exposition nord-est et le manque de lumière, Davioud a fait le choix d’un décor abondant décor et de la polychromie. La grande variété de matériaux, les différents types de pierres caractérisent l’ouvrage. Le soubassement est constitué de pierre jaune du Jura, veinée de rouge, la partie centrale de banc-royal de Mery pour la partie centrale. Les quatre colonnes corinthiennes ont été sculptées dans le marbre rouge du Languedoc. Le rocher sur lequel se tient Saint Michel, sculpté par Félix Saupin, est en pierre blanche de Soignies. L’attique composé en marbre polychrome est surmonté d’un panneau de marbre vert pâle.











Déployée sur quatre niveaux, la fontaine Saint Michel dispose de quatre vasques superposées en gradin dans un jeu de lignes horizontales. Au cœur de la niche se trouve un « Saint Michel terrassant le démon », oeuvre du sculpteur Francisque Duret (1804-1865). Le projet originel envisage comme figure centrale, une statue Napoléon avant de se tourner vers une thématique célébrant la Paix, qui sera abandonnée. La commission municipale insiste que perdure le souvenir de l’ancienne chapelle Saint Michel en la Cité. Le groupe en bronze, allégorie du Bien triomphant du Mal, librement inspiré du "Saint Michel terrassant le démon" de Raphaël, est réalisé par la fonderie d'art Thiébaut Frères. 

Les deux chimères ailées crachant de l’eau Henri-Alfred Jacquemart (1824-1896), de part et d’autre du bassin, étaient à l’origine chevauchées par des enfants. Ces sujets, éreintés par la critique, ont été enlevés en 1861. Pour les bas-reliefs, l’artiste Claude Vignon (1828-1888) a remplacé les dessins géométriques originaux, également sujets de vives critiques, par des rinceaux néo-renaissance, frise de putti joufflus. Au fronton supérieur, La Puissance et la Modération d'Auguste-Hyacinthe Debay (1804-1865) soutiennent les armes de la Ville de Paris et sa devise Flutuact nec mergitur, gravées sous la clef de l’arc de la niche. Les quatre statues de bronze disposées sur la corniche au-dessus des colonnes représentent les vertus cardinales, figures allégoriques classiques, La Prudence, de Jean-Auguste Barre (1811-1896), La Justice, d'Élias Robert (1821-1874), La Tempérance, de Charles Gumery (1827-1871), La Force, d'Auguste-Hyacinthe Debay (1804-1865).

Dans sa dédicace, « Sous le règne de Napoléon III, la Ville de Paris a élevé le monument pour perpétuer le souvenir de la glorieuse paix signée par les plénipotentiaires au Congrès de Paris le 30 mars 1855 », la fontaine Saint Michel conserve discrètement la mémoire d’un monument dédié à la Paix.

Fontaine Saint Michel 
Place Saint Michel - Paris 6



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Saint-Germain-des-Prés et son faubourg, évolution d’un paysage urbain - Dominique Leborgne - Parigramme
Paris de fontaine en fontaine - Jacques Barozzi - Parigramme
Le guide du promeneur 6è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme