Paris : Village Saint-Paul, renouveau d'un pittoresque ensemble architectural du Marais, cadre entièrement restauré où s'épanouissent galeries d'art et antiquaires - IVème

 


Le Village Saint-Paul, pittoresque dédale de courettes pavées et de ruelles intérieures, séduit, depuis son inauguration au début des années 1980, les touristes du monde entier et les Américains en particulier. Ce réseau discret de galeries d’art et boutiques d’antiquités, accessible depuis les passages sous porche depuis les rues Saint-Paul, des Jardins-Saint-Paul, de l’Ave Maria, Charlemagne, est devenu le rendez-vous incontournable des collectionneurs. Au cœur du Marais historique, sa renommée dépasse largement les frontières. Pourtant longtemps boudé par les Parisiens eux-mêmes, le Village Saint-Paul annonce aujourd’hui sa renaissance après un vaste chantier de trois ans et demi. Plus vert, plus écologique, plus beau, il se tourne désormais résolument vers les riverains. Les commerces de bouche, épiceries, restaurants participent de la diversification des propositions. L’attractivité renouvelée touche désormais un public local et non plus seulement les visiteurs étrangers de passage. Galeries d’art, atelier de céramiques, bijouterie, antiquaires, librairie consacrée aux livres anciens, boutiques de décoration et de mobilier, échoppes de prêt-à-porter perpétuent la tradition. Sept petits espaces de 25m2 restent à pourvoir. Demeure la grande interrogation concernant la coexistence des nouveaux commerces et des riverains. La question de l’animation en soirée se pose. 











Le Village Saint-Paul tel qu’il existe aujourd’hui est une pure création des années 1970-80. Il se déploie sur les terrains des anciens jardins de la résidence royale de Charles V (1338-1380), l’hôtel Saint-Pol. L’ensemble est édifié au XIVème siècle. Le 22 février 1358, Etienne Marcel, le prévôt des marchands, mène une émeute populaire. A la tête d’une foule agitée, il pénètre dans le Palais royal de la Cité pour demander des comptes au roi. Le futur Charles V, qui sera couronné en 1364, encore dauphin mais qui gouverne durant l’absence de son père, est marqué par l’incident au point de souhaiter emménager ailleurs. Devenu souverain, il s’installe dans son nouveau domaine de l’Hôtel Saint-Pol, alternant avec le Louvre et le château de Vincennes. Par ce changement de résidence, il matérialise la séparation des pouvoirs, entre gouvernement et administration. 

Dès la fin du règne de François Ier, l’hôtel Saint-Pol fait pourtant l’objet d’un certain désamour de la part de la couronne. Au décès d’Henri II en 1559, Charles VII s’installe définitivement au Louvre. Le domaine du Marais est peu à peu démantelé. L’actuel Village Saint Paul se compose de bâtiments édifiés entre le XVIème et le XVIIIème siècles. L’ensemble homogène a pu être préservé grâce à la loi Malraux promulguée en 1962, laquelle a permis de placer le Marais sous la protection du statut de Secteur sauvegardé. 

Dans ce quartier historique malmené par les siècles, de nombreux ilots ont été désignés comme insalubres en 1919. Afin de limiter les foyers infectieux, les théories hygiénistes soutenues à l’époque prévoient de raser purement et simplement les immeubles anciens pour les remplacer par des constructions dotées d’aménagements modernes. Le projet est suspendu faute de moyens, avant d’être relancé au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale quand, dans les années 1960, la pénurie de logements se manifeste et l’appétit des promoteurs s’aiguise. En août 1962, la loi Malraux sauve le Marais qui devient le premier secteur sauvegardé de France. Les immeubles compris entre les numéros 5 et 21 de la rue des Jardins-Saint-Paul qui auraient dû être rasés sont préservés. Le 5 rue Saint Paul et les bâtiments situés du 2 au 6 rue de l’Ave Maria, sont abattus pour faire place à des constructions en béton destinées à accueillir des équipements publics parmi lesquels une crèche ainsi qu’une résidence pour personnes âgées.











Une entreprise de réhabilitation de l’ilot 16 est menée entre 1970 et 1981 par la RIVP, Régie immobilière de la Ville de Paris, aujourd’hui deuxième bailleur social parisien qui gère plus de soixante-mille logements sociaux. Cet grande campagne de restructuration concernant un espace de plus d’un hectare est réalisée sous l’égide de l’architecte Félix Gatier. L’opération concerne près de cinquante immeubles. Les bâtiments originels apparaissent comme très dégradés. Les logements sont vétustes. Plus de la moitié des appartements ne possède même pas l’eau courante. Deux-cent-trente-cinq nouveaux logements sont réaménagés avec tout le confort moderne possible. La surface moyenne des appartements passe de 23m2 à 58m2.

Un vaste curetage est mené au cœur du réseau de cours intérieures. Afin de dégager les espaces, quelques murs mitoyens sont abattus. La réhabilitation tend à valoriser l’ancien patrimoine architectural défiguré par des élévations anarchiques, les modifications variées telles que la division des logements en espaces toujours plus modestes. Dans les anciennes cours, la prolifération des baraques et ateliers de fortune d’artisans nécessite de repenser l’ensemble et d’inventer un cheminement piétonnier accessible à tous. Les courettes dégagées, plantées d’arbres, végétalisées, accueillent 6000m2 de locaux commerciaux, répartis en quatre-vingt boutiques. La nouvelle animation engendrée par les boutiques et galeries se recentrent autour des métiers d’art, restaurateur, ébéniste, les échoppes de prestige, les magasins haut de gamme, attirant chineurs passionnés et touristes en goguette. Deux fois par an, les commerçants organisent des manifestations culturelles façon biennale d’art. 











Pourtant quarante ans après sa création, le Village Saint Paul avait perdu de sa superbe et les logements avaient grands besoins d’être rénovés. La RIVP, en concertation avec les riverains, habitants et commerçants, a lancé une nouvelle campagne de restauration de 2018 à 2021. Mélanie David en charge de ce vaste chantier a collaboré avec l’architecte François Daune afin de redonner tout son lustre à cet ensemble unique. Deux-cent-quarante-trois logements ont été rénovés. La mise aux normes énergétiques a permis de revoir l’isolation, de changer les menuiseries dont mille-deux-cent fenêtres et de rénover les toitures en tuiles ou en zinc. Trente-deux façades ont été ravalées tandis que l’ensemble des cours et espaces extérieurs faisaient l’objet d’une réfection soigneuse. Les pavés en pierre ont été remplacés, réalignés tandis que sous les porches ils ont été troqués contre des éléments en bois moins bruyants pour assurer le confort sonore des riverains. 

Afin d’attirer l’attention sur la relance de l’activité et de la vie après ce long chantier, la signalétique repensée indique le périmètre du Village Saint Paul si discret. Elle invite les passants à pénétrer sous les arches pour découvrir cette atmosphère hors du temps pour chiner quelques trésors, déjeuner en terrasse ou boire un verre entre amis.

Village Saint Paul - Paris 4
Accès sous les porches des rues Saint-Paul, des Jardins-Saint-Paul, de l’Ave Maria, Charlemagne



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie 
Le Marais secret et insolite - Nicolas Jacquet - Parigramme
Le Marais, évolution d’un paysage urbain - Danielle Chadych - Parigramme
Le guide du promeneur 4è arrondissement - Isabelle Brassart et Yvonne Cuvillier - Parigramme