Paris : The Welcoming Hands, une oeuvre de Louise Bourgeois - Terrasse du Jeu de Paume - Jardin des Tuileries - Ier

 

« The Welcoming Hands » de Louise Bourgeois (1911- 2010), se compose d’un ensemble de six bronzes patinés au nitrate d’argent. Des mains entrelacées, marquées par l’existence, se retiennent, s’enlacent, se réconfortent. Les divers éléments placés sur des socles de granit de taille et de forme variées convoquent l’intime et l’universel. Modelées d’après les mains de l’artiste à l’exception d’une minuscule menotte d’enfant, ces formes accueillantes invitent à la caresse protectrice, dans des gestes bienveillants de tendresse, d’ouverture au monde. La vie des êtres se lit dans leurs mains, abîmées ou pas par le travail, par l’âge jusqu’à l’innocence potelée des mains d’enfants. L’oeuvre entre en dialogue avec l’expérience commune du réel vivant, mouvant. A travers « The Welcoming Hands » Louise Bourgeois, artiste française naturalisée américaine, évoque un sujet émouvant, à consonance autobiographique, l’expérience de l’émigration aux Etats-Unis. Elle a quitté la France en 1938 pour épouser l’historien d’art américain Robert Goldwater (1907-1973). Dépôt du Fonds national d’art contemporain, l’ensemble a été installé sur la terrasse du Jeu de Paume en 2000 à l’occasion de l’implantation aux Tuileries d’un important corpus contemporain. Désormais, les chefs-d’œuvre du XXème siècle entament un dialogue puissant avec l’histoire des lieux et de l’art. 











Louise Bourgeois, artiste iconoclaste, a inventé un vocabulaire plastique très personnel, traduction des mouvements de l’inconscient. Par le biais d’un processus créatif cathartique, elle exorcise les traumas d’enfance les souffrances sans omettre la dualité des émotions. Dans son oeuvre volontiers organique, l’ambivalence tout autant que la confrontation permettent d’apprivoiser les sentiments négatifs. Avant la guerre, elle se forme aux Beaux-Arts à Paris auprès de Wlérick et Fernand Léger. A partir de 1945, elle se rapproche d'Ossip Zadkine qui lui transmet un goût certain pour le travail du bois et la verticalité.

Dans les années 1950, Louise Bourgeois explore des thèmes par série, répétition de motifs et effets de variations, subtiles altérations. Son registre étendu embrasse dans des productions parallèles le minimalisme, l’épure radicale qui investit l’espace et des œuvres complexes symbolistes, ensembles expressifs et sensibles, mais également des nus féminins figuratifs très emblématiques. Malgré une reconnaissance tardive en Europe, Louise Bourgeois a profondément influencé les nouvelles générations d’artistes, figure féminine tutélaire de l’art contemporain. 

L’œuvre « The Welcoming Hands » a été composée en 1996. A cette période, Louise Bourgeois réalise une série de moulage de bras et de mains dont la gestuelle traduit douceur, réconfort. Le modelé classique revendique une filiation manifeste avec le travail d‘Auguste Rodin « Les Mains d’amants » (1905) et « La Cathédrale » (1908). Louise Bourgeois expérimente un processus similaire de collages de morceaux de sculpture. La dimension modulaire s’inspire également de Rodin. Louise Bourgeois confie néanmoins le modelage des mains à des artisans. 

« The Welcoming Hands / Les mains de bienvenue : ce sont des mains amicales. Vous voyez ces mains ouvertes, cet entrelacement de formes et cette prise ferme. Les mains sont vulnérables et accueillantes. C'est le désir de toucher et d'être touché, de bercer et de caresser. Elles expriment la manière dont un adulte tient la main d'un enfant, avec un sentiment de protection et d'affection. Les mains sont généreuses, elles révèlent que nous aimons, quoiqu'il arrive. Chacun a son importance, chacun a un rôle, chacun est bienvenu. »










Cet ensemble est le fruit d’une commande initiée par une institution publique, l’administration du Battery Park au sud de Manhattan New York. L’oeuvre « The Welcoming Hands » est placée sur les bords de l’Hudson river en face d’Ellis Island, île qui abrita de 1892 à 1954, les services d’immigration, lieu de transit obligatoire des candidats au rêve américain, un centre devenu aujourd’hui un musée. Louise Bourgeois a composé les six modules afin d’évoquer l’histoire des lieux. 

Peu de temps après l’inauguration, l’artiste et l’administration de Battery Park City entrent en conflit. L’ouverture d’un musée de l’Holocauste sur le site où est exposé l’ensemble signé Louise Bourgeois recontextualise de façon troublante les fragments anatomiques, désormais sujets à réinterprétation. L’ensemble des six modules « The Welcoming Hands » est déplacé, que Louise Bourgeoise soit consultée, dans un périmètre isolé du parc. Par l’entremise de son assistant Jerry Gorovoy, l’artiste fait savoir qu’elle trouve la démarche insultante, contraire au droit moral. Une véritable bataille juridique s’engage. L’institution publique ayant acquis l’oeuvre pour un montant de 350 000 dollars, s’estime propriétaire de celle-ci et libre de la déplacer à sa convenance. Louise Bourgeois fait valoir son droit moral, le déplacement allant à l’encontre de l’intention première, du propos. 

A la suite de cet imbroglio, l’oeuvre « The Welcoming Hands » est acquise par l’Etat français. Les six éléments intégrés au jardin des Tuileries en 2000. Louis Bourgeois attachée à la ville de sa jeunesse, de sa formation, retrouve dans ce déménagement forcé vers un lieu plus accueillant une connexion avec le sujet même de l’oeuvre, la fragilité des liens, la vulnérabilité et la confiance prudente.

The Welcoming Hands - Louise Bourgeois
Terrasse du Jeu de Paume
Jardins des Tuileries - Paris 1

Sites référents
Ministère de la Culture



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.