Expo : Les Fables de la Fontaine, oeuvres préparatoires inédites - Musée Gustave Moreau - Jusqu'au 18 octobre 2021



L’exposition « Les Fables de la Fontaine, oeuvres préparatoires inédites » au Musée Gustave Moreau éclaire puissamment le processus créatif de l’artiste. La sélection de travaux réunis permet de considérer sous un angle inédit la genèse d’une riche série ainsi que l’interprétation par le peintre des écrits du moraliste. Enfance de l’art et souvenirs d’écolier rejaillissent à chaque pas. En 1879, Antony Roux (1833-1913), collectionneur et mécène, fait appel à Gustave Moreau (1826-1898) pour intégrer une écurie d’artistes travaillant sur un projet d’illustration des Fables de la Fontaine. Les premières aquarelles réalisées par le peintre enthousiasment tellement le riche commanditaire que ce dernier abandonne les pistes suggérées par les autres. La production de Moreau éclipse celle de ses pairs. Roux lui confie l’entièreté de l’entreprise. Il s’agit pour le père du symbolisme de renouveler la proposition iconographique autour d’un classique de la littérature. Entre 1879 et 1894, il exécute près de soixante-quatre aquarelles. L’échange avec le collectionneur est incessant. Celui-ci n’hésite pas à intervenir dans la réflexion plastique de l’artiste. Réunies pour la première fois depuis 1906, trente-cinq aquarelles devaient être présentées à l’occasion d’une exposition dédiée au Musée Gustave Moreau puis dans un second temps au musée britannique de Waddesdon Manor. La crise sanitaire a bouleversé les agendas. L’événement français reporté à trois reprises, les aquarelles seront finalement exposées en premier lieu en Angleterre du 16 juin au 17 octobre 2021, avant de rejoindre Paris à partir du 27 octobre 2021 jusqu’au 28 février 2022. 











Le Musée Gustave Moreau a choisi de mettre à profit la scénographie déjà en place dans ses espaces. La structure culturelle a fait le pari d’une exposition en deux volets. La phase initiale qui vient d’être inaugurée, a été recentrée, à défaut de pouvoir dévoiler les travaux aboutis, sur les nombreuses œuvres préparatoires issues des fonds de l’institution, parmi lesquelles de nombreux inédits. Ainsi l’exposition « Les Fables de la Fontaine, œuvres préparatoires inédites » se donne pour vocation de susciter dès aujourd’hui le désir et la curiosité envers l’événement dans sa forme originelle qui se tiendra à l’automne prochain. Afin de pallier à l’absence des aquarelles finalisées, elles seront néanmoins présentées dès aujourd’hui sous la forme de miniatures photographiques aux côtés des croquis exploratoires ainsi que quelques eaux fortes réalisées par le graveur Félix Bracquemont à la demande de Moreau entre 1885 et 1886. 

Une quarantaine d’études aborde dans son ensemble la commande passée par Antony Roux à Gustave Moreau. Théophile Amédée Antonin Roux, fils d’un opulent négociant marseillais, vit de ses rentes entre Marseille, Monte-Carlo et Paris. Doté d’un flair certain et d’un goût prononcé pour la modernité, il est l’un des premiers collectionneurs à s’intéresser à l’oeuvre de Rodin. Sa double passion pour Jean de la Fontaine ainsi que la bibliographie lui inspire l’ambitieux projet d’une édition illustrée unique des fables, une oeuvre associant ses peintres favoris. Jules Eli Delaunay (1828-1891) qui présentera Moreau à Roux en 1879, réalise douze aquarelles et recommande d’autres peintres au collectionneur, Eugène Lami, Henri Gervex (1852-1929), Henri Harpignies (1819-1916), Gustave Doré (1832-1883). En moins de trois ans, Roux fait l’acquisition de près de cent-quatre-vingt aquarelles, lesquelles sont exposées en mai et juin 1881 à la galerie Durand-Ruel. Gustave Moreau y présente vingt-cinq feuillets. Ses propositions séduisent la critique, le public et surtout le commanditaire. L’entreprise artistique se recentre exclusivement sur son travail. L’idée d’un ouvrage collectif est abandonnée dès 1882 puis celle d’un livre. Antony Roux fait aménager une galerie dans sa demeure marseillaise afin d’exposer les aquarelles de Gustave Moreau. Les œuvres des autres artistes sont vendues. 











Les travaux préparatoires que le Musée Gustave Moreau met en lumière aujourd’hui nous parlent du lent mûrissement des idées, de l’esthétique singulière, du jaillissement de l’énergie démiurgique. Par d’innombrables croquis préalables, Moreau stimule ses propres imaginaires, convoque le songe, l’enchantement. Dynamisme des lignes, pureté du trait, fluidité des compositions, la démarche révèle une sincérité, une forme de simplicité et de lumière. L’alchimie entre l’artiste et son commanditaire semble flagrante, ainsi que celle entre le peintre et le fabuliste.  

Le processus créatif s’incarne en deux étapes distinctes. La réalisation s’établit en deux actes. Eloigné de la veine naturaliste, Gustave Moreau demeure néanmoins sensible à la plastique du règne animal. A travers ces feuillets se lit un souci constant de la conformité anatomique, un souci de justesse dans la représentation des animaux. Son travail de recherche se révèle tout autant scientifique que plastique. Pour cela, il se rend à la Ménagerie du Muséum d’histoire naturelle où il multiplie les croquis sur le vif, saisissant la morphologie, les attitudes, quête d’exactitude et de réalisme animalier. 

Ses travaux préliminaires soulignent l’importance du décor, la surcharge baroque des ornementations et le goût du détail foisonnant. Moreau fréquente assidument le Louvre où il étudie et copie les œuvres des maîtres, tableaux, dessins, sculptures, objets. La peinture flamande l’inspire puissamment. La documentation relève d’une grande importance dans sa démarche qui se prolonge dans un second temps en atelier. A travers les illustrations des Fables de la Fontaine, il entre en rupture avec sa propre voie créative et cherche à se renouveler. 










L’ensemble des œuvres abouties est présenté en 1906 dans une grande exposition à l’initiative de Robert de Montesquiou et de la comtesse Greffulhe quelques années après le décès de Gustave Moreau. A la disparition d’Antony Roux, les aquarelles sont vendues par ses héritiers. Miriam Alexandrine de Rothschild (1884-1965) en acquiert soixante-trois sur soixante-quatre. Spoliées par les Nazis, seules trente-cinq demeurent, les autres ont disparu. Elles ne sont plus désormais connues que par les photographies d’époque ou bien grâce aux travaux préparatoires que le Musée Gustave Moreau présente à l’occasion de ce premier volet d’exposition. De quoi donner une furieuse envie au visiteur de revenir en octobre prochain pour voir les aquarelles côtoyer les préliminaires. 

Les Fables de la Fontaine, œuvres préparatoires inédites
Jusqu’au 17 octobre 2021

Musée Gustave Moreau
14 rue de la Rochefoucauld - Paris 9
Tél : 01 83 62 78 72
Horaires (à vérifier en fonction des directives sanitaires gouvernementales) : Ouvert du mercredi au lundi de 10h à 18h - Fermé le mardi


Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.