Lundi Librairie : Le jardin de Monet à Giverny : histoire d'une renaissance - Gilbert Vahé, Valérie Bougault et Nicole Boschung

 


« Le jardin de Monet à Giverny : histoire d’une renaissance » retrace l’entreprise poétique, et un peu folle menée à partir de 1977 par Gérald Van der Kemps, directeur de la Fondation Claude Monet, et Gilbert Vahé, chef jardinier de Giverny : insuffler de nouveau la vie aux tableaux du maître de l’impressionnisme. L’ouvrage nécessaire, érudit sans jamais pécher par didactisme, conte l’aventure de la réinvention des jardins. Chantier d’envergure. Au milieu des années 1970, cinquante ans après la disparition du peintre, ces icônes de l’impressionnisme ne sont plus. Gérald Van der Kemps et Gilbert Vahé vont faire revivre l’esprit de Claude Monet par le biais de ces jardins qui traduisent les relations du peintre à la nature. Associations audacieuses, sentiment d’immersion, invitation à la contemplation. Les deux hommes travaillent à poser les bases du domaine à venir. En 1980, la Fondation Claude Monet est créée et la propriété de Giverny inaugurée. Dix années supplémentaires seront nécessaires pour reconstituer les espaces où l’artiste a puisé son inspiration. Et quarante ans d’engagement pour leur donner leur aspect actuel. Plongée dans l’imaginaire du peintre, la visite des jardins de Giverny offre une expérience troublante. Pénétrer au cœur d’une toile impressionniste. Roman d'une épopée verte. [Retrouvez l'histoire des jardins résumée en fin de chronique]







La rédaction de cet ouvrage de référence très réussi, a débuté, il y a une trentaine d’années. Gilbert Vahé souhaite raconter les jardins de Giverny, dire l’exigence d’un métier, la passion chevillée au corps et rendre hommage à Gérald Van der Kemp. Le chef jardinier, happé par son sacerdoce, laisse le projet en suspens. Hugues Gall, directeur de la Fondation Claude Monet depuis 2008, et signe la préface du livre, s’intéresse de près à l’idée. Il attend les circonstances financières et éditoriales idéales pour mener à bien cette étude prometteuse.

Le volume monographique richement illustré, ode à l’écrin givernois, associe les agréments des beaux-livres et ceux d’un récit d’aventure haletant. De nombreux documents d’archives, photographies anciennes et récentes ponctuent les textes initiés par Gilbert Vahé et rédigés par Valérie Bougault en collaboration avec Nicole Boschung. Des extraits des précieuses correspondances de Claude Monet avec ses fournisseurs qui ont permis de retrouver l’aspect originel de ce lieu de mémoire émouvant. 






Déployé en trois sections, « A la recherche du jardin idéal », « A la recherche du jardin perdu », « Le jardin d’eau », le livre évoque les jardins dans leur contexte historique, leur vocation esthétique. La collaboration étroite entre Gérald Van der Kamp et Gilbert Vahé, confiance absolue, en rappelle une autre, celle de Monet l’artiste et ses jardiniers, les techniciens qui seront jusqu’au nombre de sept à œuvrer auprès du peintre.  

Au cœur de ce sanctuaire ressuscité, Gilbert Vahé décrypte l’un des aspects les plus étonnants de Giverny, l’échelonnement des floraisons au fil des saisons, la profusion de fleurs du 1er avril au 1er novembre. Il raconte la mise en scène d’un spectacle fascinant, un jardin en perpétuelle transformation, témoigne d’un savoir-faire unique, l’organisation du végétal dans une grande variété de spécimens. « Le jardin de Monet à Giverny : histoire d’une renaissance » invite à redécouvrir ce lieu telle une oeuvre picturale grandeur nature en pleine campagne normande. 

La réouverture de la propriété de Giverny est prévue le 19 mai 2021.

Le jardin de Monet à Giverny : histoire d'une renaissance 
De Gilbert Vahé, Valérie Bougault avec la collaboration de Nicole Boschung
Préface de Hugues R. Gall
Coédition : Maison et jardins Claude Monet-Giverny – Gourcuff/Gradenigo






Histoire des jardins de Giverny

Claude Monet (1840-1926) emménage à Giverny en 1883 dans une maison enserrée dans un jardin portager et un verger. Le peintre se prend de passion pour l’horticulture qui vit alors un véritable âge d’or. Son goût naissant le guide aussi bien vers la connaissance des plantes que la scénographie, mise en scène des couleurs, de l’ombre et de la lumière. Suivant les conseils avisés de Georges Truffaut, de ses amis, amateurs et collectionneurs éclairés, Gustave Caillebotte et Octave Mirbeau, le maître impressionniste compose ses deux jardins à l’instar de ses tableaux. Ils traduisent la grande originalité d’un regard unique. Monet conçoit un univers propice à la création, maison de crépis rose aux volets verts, le jardin en pente douce vers la voie ferrée, serres et à partir de 1890, le jardin d’eau.  

A la disparition de l’artiste, Michel Monet, son seul fils survivant, hérite de la propriété de Giverny et de ses collections. Il montre peu d’intérêt pour cette propriété. Blanche Monet-Hoschedé, veuve de Jean Monet, fils aîné du peintre, et fille d’Alice Hoschédé la seconde épouse de Claude Monet, entretient le jardin avec le chef jardinier Lebret. Lorsqu’elle meurt en 1947. Le jardin est laissé à l’abandon. En 1966, Michel Monet décède dans un accident. Il lègue par testament Giverny et ses collections à l’Académie des beaux-arts. La maison est délabrée, le jardin n’existe plus. Le manque de moyens limite la restauration. 

En 1976, la propriété fait l’objet d’une inscription au titre des Monuments historiques. A partir de 1977, à la demande de l’Académie des Beaux-Arts dont il est membre, Gérald Van der Kemp (1912-2001), conservateur en chef du château de Versailles de 1953 à 1980, conduit la réinvention de la maison et des jardins de Claude Monet à Giverny. L’insuffisance des budgets alloués le pousse à trouver des solutions alternatives. Gérald Van der Kemp et son épouse Florence font appel aux mécènes américains avec lesquels ils avaient noué des liens à l’occasion des campagnes de restauration de Versailles. 






Gérald Van der Kemp nomme chef jardinier, Gilbert Vahé, un jeune homme prometteur formé à l’Ecole nationale supérieure d’horticulture. Ce dernier pense ne rester qu’une année. Il demeurera à ce poste jusqu’en 2018. Entre 1977 et 1980, le tandem parcourt les archives, la correspondance, les factures, les commandes annotées afin de retrouver les plans du jardin et les plantes cultivées par Monet. Les arbres morts sont remplacés, les parterres reconstitués et les allées élargies afin d’accueillir les futurs visiteurs. Les fondations nécessaires de ce que deviendront les jardins aujourd’hui sont posées.
 
Sens de la communication et du marketing, Gérald Van der Kemp encourage l’un des plus importants collectionneurs américains de Monet à prêter des œuvres afin de monter une grande rétrospective dédiée au peintre au Metropolitan Museum de New York. C’est un succès. L’année suivante, l’exposition est présentée au Grand Palais à Paris. En 1980 la Fondation Claude Monet est créée. Elle gère la maison, les deux jardins, à savoir le clos normand et le jardin d’eau ainsi que les collections. Lorsque la propriété ouvre ses portes au public, l’engouement suscité par les expositions est tel qu’il est nécessaire de revoir les infrastructures. Depuis Giverny est devenu une destination de renommée internationale, un incontournable. Ce lieu de mémoire est si prisé que la propriété est désormais le site touristique le plus visité en Normandie après le Mont-Saint-Michel. 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.