Expo Ailleurs : Paul Durand-Ruel et le post-impressionnisme - Propriété Caillebotte - Yerres - Jusqu'au 24 octobre 2021

Georges d'Espagnat
 

A l’occasion de l’exposition événement « Paul Durand-Ruel et le post-impressionnisme », la Propriété Caillebotte met en lumière la troisième génération d’artistes soutenue par le marchand d’art des impressionnistes, ses derniers poulains. Paul Durand-Ruel (1831-1922) a déjà dépassé la soixantaine lorsqu’il s’attache à cinq artistes liés par leur vocabulaire plastique au courant post-impressionniste. Plus tout à fait aussi fringant mais toujours enthousiaste, il contribue à lancer Gustave Loiseau, Maxime Maufra, Henry Moret, Georges d’Espagnat, Albert André. La Propriété Caillebotte présente une soixantaine d’œuvres rarement exposées pour certaines, même, une première, révélatrice du travail de ces peintres, témoignage du goût persistant du marchand d’art. Moins novateurs que les générations précédentes, moins cotés aussi, ces peintres sont pourtant présents dans de nombreuses collections à travers le monde, institutions publiques, ou collections privées. Le dialogue des tableaux réunis souligne un talent de coloriste commun, une certaine simplicité, la fraîcheur des paysages bretons, la lumière de la Méditerranée, la douceur des scènes intimistes, l’élégance des natures mortes. 


Gustave Loiseau

Gustave Loiseau

Gustave Loiseau

Gustave Loiseau

Gustave Loiseau

Gustave Loiseau


Gustave Loiseau


Tout au long de sa carrière, Paul Durand-Ruel n’a fait confiance qu’à son flair sans jamais se laisser influencer par les académismes ou la mode du moment. Féru d’avant-garde, convictions esthétiques chevillées au corps, il prend conscience bien avant tout le monde de la révolution impressionniste, celle de Monet, Pissarro, Renoir. Il noue des liens privilégiés avec ce groupe d’artistes dès la fin des années 1860. Fervent défenseur de leur travail, il favorise l’originalité de ses protégés. Il les soutient financièrement jusqu’à son propre endettement et en contrepartie signe des contrats d’exclusivité. Paul Durand-Ruel va bouleverser le marché de l’art par sa vision novatrice radicale, son sens de la modernité et des affaires. Il est l’un des premiers à se tourner vers le marché américain émergent bien plus ouvert que celui de la vieille Europe. Par son engagement personnel, durant près de cinquante ans, Durand-Ruel oeuvre à la reconnaissance critique et public du mouvement impressionniste. Sa démarche portée par une conviction sans faille accompagne l’évolution du regard. Il créé les dispositions modernes. 

Dès ses premiers pas au sein du commerce familial qui expose Théodore Géricault, Eugène Delacroix, Gustave Courbet, le jeune Paul Durand-Ruel s’intéresse aux artistes qui assument leur rupture avec l’académisme. Il prend des initiatives et soutient l’école de Barbizon, Théodore Rousseau, Jean-François Millet, Camille Corot. En 1870, lors de la guerre franco-prussienne, Paul Durand-Ruel déplace son activité à Londres où il fait la connaissance de Claude Monet et Camille Pissarro. De retour à Paris en 1872, il rencontre Alfred Sisley puis Auguste Renoir.  

En sa qualité de marchand d’art, il invente des principes novateurs qui vont radicalement transformer le marché. Il cherche en premier lieu à mettre les artistes à l’abri du besoin afin qu’ils puissent pleinement exprimer leur talent. Il s’attache les peintres par des contrats d’exclusivité qui lui donne accès à l’intégralité de leur production. Paul Durand-Ruel achète des toiles massivement. Entre 1891 et 1922, il acquiert près de 12 000 tableaux.  Au-delà du soutien financier et moral, ces contrats d’exclusivité lui permettent de contrôler les prix et d’être en mesure d’aider les amateurs d’art à se constituer des collections entières. Autre nouveauté, le marchand d’art lance le concept des expositions individuelles. Il imagine l’accès libre à ses galeries. Afin de valoriser ses peintres auprès des collectionneurs et des institutions, il élabore une nouvelle forme de discours critique. Il crée la Revue internationale de l’art et de la curiosité et fait la promotion des artistes dans la presse. Paul Durand-Ruel est l’un des premiers marchands d’art européen à comprendre l’émergence du marché américain. Il créé un réseau de galeries internationales, Londres, New York. Outre-Atlantique, il écoule la production de ses écuries auprès d’un public bien plus ouvert à la modernité. Il n’hésite pas à associe le monde de l’art à celui de la finance. Afin de soutenir les artistes émergents, il présente aux grands financiers les œuvres comme des placements. L’art devient une valeur marchande avec une côte soumise aux aléas de la vie économique.  

Troisième génération d’artistes, entrée dans l’écurie Durand-Ruel à partir de 1890, les post-impressionnistes, seront ses derniers protégés. Durant-Ruel, en fin de carrière, jouit enfin d’une réputation internationale. Par ses choix, ses affinités, il affirme encore et toujours les mêmes inclinaisons esthétiques, couleurs, vivacité, énergie, simplicité. L’âge venant, se sentant décliner, il confie de plus en plus la gestion des affaires comme des carrières à ses héritiers. Le marchand d’art meurt en 1922. Gustave Loiseau, Maxime Maufra, Henry Moret, Georges d’Espagnat, Albert André, bien que présents dans les fonds des grands musées, les collections privées, demeurent moins connus que leurs illustres prédécesseurs. Les cinq peintres mis en lumière à la Propriété Caillebotte présentés ici comme un groupe s’illustrent néanmoins par leur singularité. L’exposition souligne leurs points communs, les similarités stylistiques mais elle témoigne surtout de la patte Durand-Ruel, de ses affinités très personnelles. Paysages, scènes de genre, peintures décoratives, comme un air de déjà-vu.


Maxime Maufra

Maxime Maufra

Maxime Maufra

Maxime Maufra

Henry Moret

Henry Moret

Henry Moret

Henry Moret

Henry Moret


Gustave Loiseau (1865-1935) passe son enfance à Pontoise qui sera son point d’ancrage esthétique. En 1880, apprenti charcutier, il découvre la peinture à Montmartre avec Fernand Quignon. Il s’inscrit aux Arts décoratifs en 1887. Bref crochet en 1891 à Auvers-sur-Oise, il est de retour à Pontoise de 1904 à 1935. Gustave Loiseau passe tous les étés à Pont-Aven, à la pension Gloanec avec ses amis Maxime Maufra, Henry Moret et Emile Bernard. Il signe un contrat avec Durand-Ruel. Ses toiles sont exposées à New-York. Sans relâche, il peint les paysages de Pontoise et sa région, croque le quotidien de la ruralité, dans des scènes champêtres mais également celles de l’activité humaine, le marché, les dockers au travail, des instantanés de rue à Paris. Ses séries de paysages à différentes saisons, les falaises, les ports, les églises, laissent deviner l’influence de Claude Monet. Ou de Durand-Ruel.

A Nantes, Maxime Maufra (1861-1918) est initié à la peinture par Charles et Alfred Leduc mais son père le destine à une carrière dans les affaires. Lors d’un séjour linguistique à Liverpool, il découvre l’oeuvre de William Turner. Choc esthétique. Il visite le Pays de Galle et l’Ecosse, ces paysages l’inspirent. Lorsqu’il revient en France en 1884, il mène en parallèle ses affaires et ses travaux picturaux. Charles Le Roux lui fait découvrir l’impressionnisme. Au salon de 1886, les œuvres de Maufra sont remarquées par Octave Mirbeau. Finalement, le peintre à mi-temps se consacre enfin entièrement à son art à partir de 1890. Il rencontre Emile Bernard et Paul Gauguin qu’il rejoint à Pont-Aven. Maxime Maufra est l’un des premiers artistes à s’installer au Bateau-Lavoir de Montmartre en 1893. Deux ans plus tard, il croise le chemin de Paul Durand-Rue. Le marchand lui consacre des expositions en solo et l’incite à suivre sa propre voie. Il encourage sa prédilection pour les paysages, les marines de Bretagne. Sous son influence, Maxime Maufra abandonne la manière symboliste et synthétiste pour revenir à l’impressionnisme de Monet et Sisley. 

Henry Moret (1856-1913), élève du peintre lorientais Ernest Coroller, suit les cours aux Beaux-Arts de Paris à partir de 1876 puis à l’Académie Julian. Il débute au Salon des artistes français de 1880. Il fait la connaissance de Marius Gourdault qui lui révèle l’impressionnisme. Il séjourné l’été à Doëlan pour exposer ensuite en 1881 au Salon des indépendants. Henry Moret rejoint le groupe impressionniste au Pouldu. En 1888, il intègre l’école de Pont-Aven à la suite de sa rencontre avec Gauguin et ses amis. A partir de 1890, il travaille sous contrat avec Paul Durand-Ruel. Le marchand d’art destine ses toiles au marché américain. Il lui consacre une exposition individuelle en 1898. La côte sud du Finistère, le littoral du Morbihan, les îles bretonnes, la Manche, les Pays-Bas, Henry Moret déploie sa palette de paysagiste mariniste. Il revient au fur et à mesure vers une technique plus impressionniste qu’il hybride d’accents synthétistes, formes architecturées et touche désordonnée.


Georges d'Espagnat

Georges d'Espagnat

Georges d'Espagnat

Georges d'Espagnat

Albert André

Albert Andrré

Albert André

Albert André


Formé aux Arts décoratifs et aux Beaux-Arts de Paris, Georges d’Espagnat (1870-1950), caractère farouche et indépendant, préfère arpenter le Louvre en autodidacte plutôt que de suivre les cours de ces deux prestigieuses institutions. Grand voyageur, il parcourt le Maroc en 1898, l’Europe de 1905 à 1910, puis la France, le Quercy, Collioure, la Normandie. Sa manière singulière, dessin synthétisé, désordre de la touche, s’inscrit dans la lignée des Fauves et des Nabis. Ses scènes intimistes évoquent Pierre Bonnard et Edouard Vuillard. Il s’illustre par ses portraits d’écrivains et d’artistes, les scènes de plein air, les compositions à plusieurs personnages. Sa rupture avec Paul Durand-Ruel, à la suite de divergences artistiques et personnelles, nuira beaucoup à sa carrière.

Albert André (1869-1954) devient l’ami de Paul-Elie Ranson, Louis Vallat et Georges d’Espagnat à l’Académie Julian. Il fréquente les Nabis, Pierre Bonnard, Edouard Vuillard, Maurice Denis, Félix Vallotton, mais également Paul Signac et Albert Marquet. Proche du critique d’art Georges Besson, son travail est remarqué en 1894 lors du Salon des indépendants par Paul Durand-Ruel et Auguste Renoir. Il noue une solide amitié avec ce dernier et un contrat avec le premier grâce auquel il vend beaucoup de tableaux aux Etats-Unis. A l’écart des courants officiels, Albert André assume un style libre et moderne. Il renoue au fil de son évolution artistique avec un certain réalisme.

Paul Durand-Ruel et le post-impressionnisme
Jusqu’au 24 octobre 2021

Propriété Caillebotte
8 rue de Concy - 91330 Yerres
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 14h00 à 18h30
proprietecaillebotte.fr
Page Facebook
Fil Twitter
Galerie Instagram



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.