L’Hôtel des Téléphones, dit Central téléphonique Gutenberg, amalgame les genres et les époques dans une composition des plus intrigantes. Deux tourelles d’angle d’inspiration médiévale, de vastes verrières empruntées au vocabulaire architectural industriel du XIXème siècle, la pimpante citadelle est revêtue de briques vernissées bleu ciel, tout à fait Art déco avant l’heure. Dans un quartier marqué par l’esthétique haussmannienne triomphante et la pierre blonde, le Central Téléphonique Gutenberg détonne. Le téléphone, dont l’invention en 1876 est attribuée à l’écossais Graham Bell (1847-1922), est introduit en France à partir de 1879 par le biais de réseaux privés. Le Ministère des Postes et des Télégraphes les nationalise en 1889. A Paris, l’engouement pour ce mode de communication inédit est à son comble. Afin de répondre à la demande grandissante de raccordement, il devient nécessaire de créer de nouveaux centraux téléphoniques d’envergure. L’architecte Jean Boussard (1844-1923) est chargé d’édifier le plus vaste de Paris. Mais sa forteresse médiévale bleu layette inaugurée en 1893 est détruite par un incendie en 1908. Charles Giroud (1871-1955) la reconstruit quasiment à l’identique. Il reprend le fer, le verre des verrières monumentales, la brique vernissée mais opte pour une structure en béton armé, matériau nouveau. Le Central Gutenberg garde sensiblement la même silhouette malgré un niveau supplémentaire. De trois étages, il passe à quatre. De nos jours, cet édifice iconique de l’histoire du réseau téléphonique parisien n’est protégé que par le plan d’urbanisme local. Premier bâtiment construit par l’Etat dans le cadre d’un programme de service public naissant, il ne bénéficie pourtant pas d’une inscription à l’inventaire des Monuments historiques.
1892 Plans de Boussard dans la revue La Semaine des constructeurs |
1893 Revue La Construction moderne - planche 53 |
1893 Revue La Construction moderne - planche 54 |
1908 Carte Postale - Central téléphonique Gutenberg après l'incendie |
1908 Carte Postale - Central Téléphonique Gutenberg après l'incendie |
Circa 1930 Rue du Louvre |
Lorsqu’un incendie éclate en 20 septembre 1908, le bâtiment est dévasté. La structure métallique a plié dans la fournaise faisant s’effondrer les planchers. Pire, une grande partie des lignes téléphoniques sont coupées. Les dégâts matériels impressionnants laissent pourtant une lueur d’espoir. Une partie des installations techniques du premier étage est indemne. Début 1909, des locaux provisoires rattachés à ces rescapées sont installés dans la cour. Les fondations, le rez-de-chaussée et le premier étage épargnés par l’incendie vont permettre une reconstruction au budget serré. Le permis de construire est délivré le 22 novembre 1909. L’architecte Charles Giroud mène le chantier. Il préserve l’aspect général du central et ses spécificités esthétiques. Il conçoit une structure de béton armé Hennebique innovante. Un étage supplémentaire en encorbellement est ajouté. Le nouveau bâtiment est inauguré en 1912.
En 1923 deux annexes sont édifiées aux extrémités de l’ancienne rue Gutenberg, l’une destinée à l’installation de cabines téléphoniques côté rue du Louvre, l’autres aux services téléphoniques rue Jean-Jacques Rousseau. Elles sont supprimées en 1936. Entre 1944 et 1980, les espaces intérieurs sont modernisés à la suite de campagnes successives. Désormais propriété de la société Orange, l’Hôtel des Téléphones demeure une illustration flamboyante du potentiel de l’architecture fonctionnaliste.
Hôtel des Téléphones ou Central téléphonique Gutenberg46bis rue du Louvre - Paris 2 / 55 rue Jean-Jacques Rousseau - Paris 1
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