Paris : Immeuble du 95 rue Montmartre, structure de fers apparents et briques émaillées, le rationalisme constructif de Sylvain Périssé, ingénieur civil - IIème


 
L’immeuble au 95 rue de Montmartre, aussi modeste soit-il, présente des caractéristiques esthétiques intrigantes. Edifié à la fin du XIXème siècle, sa structure particulière, pans de fer apparents et maçonnerie de briques en grès en partie émaillées, emprunte à l’architecture industrielle. En 1897, Sylvain Périssé (1837-1918), ingénieur constructeur des Arts et Manufactures, nos actuels Travaux Publics, ancien élève de l’Ecole Centrale, promotion 1858, achète une parcelle rue Montmartre sur laquelle se trouve déjà un édifice. Il obtient une autorisation de démolition et fait raser cette bâtisse afin de réaliser son projet celui d’un immeuble à armature de fer et revêtement de céramique. Spécialiste des structures métalliques, il s’inspire dans son entreprise d’une planche signée Viollet-le-Duc, issue des « Entretiens sur l’architecture », livre publié en 1872. Le dessin pensé à l’époque comme une curiosité expérimente le principe du support de fonte et des briques vernissées. Vingt-sept ans plus tard, Sylvain Périssé applique le concept dans cet immeuble de rapport situé au 95 rue Montmartre. A travers l’expression formelle des préceptes du rationalisme constructif, Sylvain Périssé développe une réflexion sur la structure architecturale. 







Depuis l’Exposition Universelle de 1889, l’alliance du verre et du métal a très largement essaimé. Ce combo réservé jusque-là aux immeubles commerciaux, industriels ou aux ateliers, se diffuse dans l’architecture d’habitation à partir de 1898. Avant 1900, le fer n’est utilisé que très ponctuellement dans les immeubles de rapport destinés aux logements. Il gagne peu à peu du terrain. 

Dans un premier temps, le métal est employé pour la conception des bow-windows, des oriels, des jardins d’hiver. Anecdote intéressante, jusqu’en 1902, le règlement d’urbanisme exige que les bow-windows soient démontables tant leur esthétique paraît peu évidente. L’emploi du fer laissé apparent se limite souvent aux linteaux des fenêtres. Petit à petit, les pans de métal remplacent les pans de bois sur cours. Néanmoins pour les façades sur rue, il est réservé aux bâtiments industriels et commerciaux, ou bien aux immeubles de l’avant-garde Art Nouveau signés Guimard ou Sauvage. 








Sylvain Périssée, ingénieur civil et président honoraire de l'Association des industriels de France a puisé l’inspiration dans ces deux principes, avant-garde et industrie, pour imaginer l’immeuble du 95 rue Montmartre. Il dirige lui-même le chantier qui s’achève en 1899. A Paris, il s’agit de l’un des premiers immeubles d’habitation et de rapport présentant une surface vitrée aussi importante. Structurée par des fers apparents, la façade semble presque entièrement constituée de verre, hormis les allèges des baies recouvertes de briques émaillées. Dans les teintes ocres et vertes, celles-ci forment des motifs géométriques. Les éléments décoratifs en sous-face de l’oriel (fenêtre en encorbellement) suggèrent une contribution des Grandes Tuileries d’Ivry fondées par Emile Muller, céramiste favori de Guimard. 

Immeuble 95 rue Montmartre - Paris 2



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie 
Grammaire des immeubles parisiens - Claude Mignot - Parigramme
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme