Expo : Des images et des hommes - Bâmiyân 20 ans après - Musée national des arts asiatiques Guimet - Jusqu'au 21 juin 2021


Le Musée Guimet commémore la destruction des Bouddhas monumentaux du site de Bâmiyân par les Talibans le 11 mars 2001 à travers une exposition resserrée d’une grande densité, d’une émouvante poésie, d’une douloureuse mélancolie, « Des images et des hommes - Bâmiyân 20 ans après ». A 200km de Kaboul, cette vallée sur la route de la soie, au confluent des influences, indiennes, grecques, romaines, était occupée depuis le IIIème siècle. Au VIème siècle, une communauté de moines bouddhistes installée là depuis l’Antiquité a sculpté directement dans la pierre des falaises situées à 2 500 mètres d’altitude, des colosses somptueux parmi lesquels deux Bouddhas emblématiques de 38 et 52 mètres. Ces œuvres qui avaient traversé intactes les siècles sont devenues le symbole du patrimoine culturel de l’humanité martyrisé par l’obscurantisme. 










Les premiers témoignages des visiteurs occidentaux sur le site de Bâmiyân datent du Moyen-Âge. De nombreuses photographies du XIXème siècle font l’écho de l’engouement pour ce lieu fascinant. Les recherches scientifiques menés dans les années 1930 en collaboration avec les autorités locales ont complété la connaissance intime des richesses de l’art préislamique en Afghanistan.

L’exposition est dédiée à Joseph Hackin (1886-1941) et Ria Hackin (1905-1941), archéologues et conservateurs du musée Guimet. A partir de 1923, Joseph Hackin mène des fouilles importantes en Afghanistan, à Bâmiyân et à Begrâm. Il épouse Ria en 1928. Désormais, elle l’assiste à partir dans tous ses voyages. Au musée Guimet, la date d’ouverture de l’exposition le 24 février 2021, leur rend hommage. Disparus il y a quatre-vingt ans dans le torpillage de leur navire par les allemands en 1941, Résistants de la première heure, compagnons de la Libération, ils avaient rejoint le général de Gaulle. Leur lettre de ralliement est présentée au cours de l’exposition.

Les œuvres archéologiques retrouvées sur le site au cours de leurs travaux dans les années 1930, aujourd’hui derniers vestiges préservés de Bâmiyân, ont rejoint les collections du musée à l’initiative du couple. Parmi celles-ci se trouvent trois mains de Bouddhas, dont l’une en terre crue du Vème / VIIème siècle porte encore des traces de dorure. Les relevés des décors peints ou modelés dans la terre crue de la centaine de grottes, détruites également, copies réalisées lors des différentes missions, évoquent les merveilles détruites par le fanatisme religieux. Des photographies anciennes prises lors des premières expéditions côtoient les petites statuettes rapportées au début du XXème siècle, une magnifique tête de Déva du Vème / VIème siècle.










Le dynamitage du site de Bâmiyân en 2001 s’inscrit dans une longue histoire de destruction iconoclaste fruit d’une lecture orthodoxe du Coran, prescrivant la destruction des représentations figuratives religieuses. L’hostilité aux images sacrées des autres religions supportée par un dogme rigoriste a engendré dégradations et persécutions dès le XIXème siècle. Les vestiges des statues mutilées, les yeux et la bouche martelées, retrouvés au début du XXème sur le site témoignent de cette propension à considérer les œuvres bouddhiques comme des idoles à détruire. Les Bouddhas monumentaux sculptés dans les falaises avaient été déjà endommagés avant 2001.

En 1996, lors de la prise de Kaboul, les Talibans pénètrent dans le musée et s’en prennent aux collections archéologiques. Ils détruisent à la masse 2 500 statues avant de les jeter dans des fosses communes.  Le 11 mars 2001, les Talibans cherchent à détruire les Bouddhas monumentaux de Bâmiyân. Après des tirs de chars d’assaut insuffisants, ils emploient des explosifs. Dans la grande bataille de la communication, ils diffusent les images de cette destruction dans le monde entier, provocant la sidération et l’effroi, six mois avant le 11 septembre. L’atteinte à la mémoire des hommes et au patrimoine est reconnue depuis comme un crime contre l’humanité. 










 
A l’occasion de l’exposition qui se tient au musée Guimet, le plasticien Patrick Convert a mené un projet photographique d’envergure avec le soutien de l’ambassade de France. Une fresque panoramique de seize mètres de long rend compte de l'ensemble que forme la falaise de Bâmiyân, longue de dix kilomètres, où se trouvaient les Bouddhas disparus. A l’aide d’un drone, Patrick Convert a compilé quatre-mille fichiers, prises de vue réduites et compressées, afin de rendre compte de la beauté de ce site, sa fragilité. Aujourd’hui, la vallée de Bâmiyân enclave chiite dans un pays majoritairement sunnite, demeure une zone sensible 

En attendant une réouverture prochaine des musées et autres établissements culturels, le musée Guimet propose une visite guidée de l’exposition sur Youtube ici 

Des images et des hommes - Bâmiyân 20 ans après
Jusqu'au 21 juin 2021




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.