Paris : Pont Neuf, le plus vieux pont de Paris, vénérable ouvrage inauguré en 1607 - Ier



Le Pont Neuf est considéré comme le plus ancien pont de Paris. Longtemps cœur vibrant de la ville, il a été inauguré en 1607, à la suite d’un vaste chantier. Les travaux, perturbés jusqu’à être interrompus à plusieurs reprises par les troubles liés aux Guerres de Religion, se sont déroulés sur près d’une trentaine d’années. Projet d’Henri II, entamé par Henri III, finalisé par Henri IV, le Pont Neuf s’inscrit dans le désir royal de créer un site exceptionnel à la pointe de l’Île de la Cité. Cet impressionnant ouvrage incarne à son achèvement le savoir-faire des artisans français. Par sa structure technique et dans sa forme même, il propose des innovations radicales pour son temps. Premier pont à traverser entièrement la Seine, il relie la rive droite à la rive gauche en traversant l’extrémité occidentale de l’Île de la Cité. Il se compose de deux éléments distincts qui se rejoignent sur le terre-plein central. Premier pont de Paris dépourvu d’habitations selon la volonté d’Henri IV, ses trottoirs, une grande nouveauté à l’époque, sont désormais les plus anciens de Paris. Classé aux monuments historiques depuis 1899, le Pont Neuf, relativement peu modifié au fil des siècles, témoigne par des ajustements mineurs mais significatifs, des évolutions de la ville.










Jusqu’au XVIème siècle, à Paris le fleuve ne se franchit qu’en deux points. Le Petit Pont et le Grand Pont de l’Île de la Cité, deux constructions d’époque gallo-romaine illustrent le manque d’aménagements. La nécessité d’un pont traversant entièrement, d’un seul tenant, la Seine se fait sentir. Henri II envisage de relier par une passerelle le quai de l'École, l'île du Palais et le quai des Augustins. Il meurt en 1559 avant d’avoir mené à bien son projet. Son troisième fils, Henri III (1551-1589) couronné en 1574, valide la construction par lettres patentes le 16 mars 1578. Il pose officiellement la première pierre le 31 mai 1578, en présence de Catherine de Médicis, la reine mère, et de la reine Louise de Lorraine Vaudémont, son épouse. De 1588 à 1599, les désordres politiques fruits des Guerres de Religion, interrompent le chantier. Le roi Henri IV (1553-1610) qui règne de 1589 à 1610 ordonne par lettres patentes de mai 1598 la reprise des travaux. Ce choix prolonge un ensemble d’aménagement mené à la pointe de l’Île de la Cité, création de la place Dauphine, sœur de la place des Vosges, derrière l’ancien palais des Capétiens, ouverture de la rue Dauphine et dans la même optique agrandissement du palais des Tuileries relié au palais du Louvre.

Il existe une controverse sur la paternité du Pont Neuf. Selon la théorie la plus répandue jusqu’à récemment, les travaux sont menés initialement sous la direction des architectes Jacques et Baptiste Androüet du Cerceau. En 1579, Baptiste Androüet du Cerceau, architecte royal depuis le 17 octobre 1578, et Pierre des Illes modélisent la structure du pont. Selon une version alternative, l’entrepreneur du pont, Guillaume Marchant (décédé en 1604) aurait travaillé selon ses propres plans avec Thibault Métezeau, et Pierre des Illes, et secondé à partir de 1584 par François Petit. Les frères Androuet du Cerceau, membres de la commission royale de surveillance du Pont Neuf, auraient seulement supervisé la finalisation et l’entretien de l’ouvrage.











Initialement, le Pont Neuf doit être bordé de maisons, une coutume très établie à cette période. Des caves aménagées dans les piles sous les arches sont reliées par des souterrains. Mais au redémarrage des travaux, Henri IV prend l’initiative d’annuler la construction des maisons afin de préserver la perspective depuis la toute nouvelle galerie du Louvre. L’inauguration en 1607 révèle un ouvrage d’envergure, d’une longueur 232 mètres, et d’une largeur 22 mètres inédites. Le pont tout en maçonnerie possède une structure particulière divisé en deux sections. Le premier segment, le grand bras, s’étend de la rive droite, quai du Louvre jusqu’à la statue équestre d’Henri IV et possède sept arches d’ouverture. Le second, le petit bras, aboutit quai Conti soutenu par quatre arches. Les piles sont édifiées sur des plateformes de madriers posées directement sur le fond du lit. Elles sont surmontées de refuges en tour ronde. Les 385 mascarons, décors des consoles surmontées de corniches moulurées, sont attribués à Germain Pilon pourtant décédé en 1590. A défaut d’être lui-même intervenu sur la matière, les dessins sont probablement son oeuvre.

Dès l’ouverture au public, une ordonnance royale permet l’installation de marchands ambulants et de boutiques nomades. A partir de 1619, les échoppes volantes déploient leurs étals dans les corbeilles en demi-lune. Au fil du temps des installations plus pérennes voient le jour. Une chicane oppose les bouquinistes aux libraires du quartier qui voient dans leur trafic sur le pont, une concurrence déloyale. Ces derniers parviennent à faire interdire la présence des bouquinistes. Une ordonnance royale réaffirme cette interdiction en 1742.

En 1702, il existe sur le Pont Neuf vingt-deux bâtiments éclairés par vingt lanternes. Mais en 1756, un arrêté du Conseil d’Etat prohibe tout commerce sur le pont. A la suite de tractations intenses, le Conseil du roi autorise en 1769 la construction de boutiques dans les corbeilles surmontant les piles du pont. Les demi-rotondes sont offertes à l’Académie royale des arts. En 1775, Soufflot conçoit vingt nouvelles boutiques sur les hémicycles. Merceries, gravures en caractères à jours, cireurs de bottes, tondeurs de chiens, vendeurs de jouets, de briquets phosphoriques et de pastilles du sérail s’y installent. Des stands proposent gaufres, beignets et pommes de terre frites, les fameuses pommes Pont Neuf. 









Au début du XIXème siècle, la structure du Pont Neuf fatiguée par le poids de l'Histoire montre des signes de faiblesse. En 1827, l’arche adjacente au quai des Augustins est restaurée. Puis une vaste campagne rénove les voûtes de 1848 à 1855. A cette occasion, les échoppes disparaissent. Les corbeilles sont dégagées des boutiques et autres baraquements, les caves sont bouchées. Les refuges sont dotés de nouveaux bancs faisant corps avec le parapet. Les candélabres au gaz conçus par Victor Baltard font leur apparition en 1854. Les plaques de fonte sur le socle de chaque réverbère s’ouvrent sur des niches qui dissimulent les robinets d’arrivée du gaz, accès facile pour réparation et entretien. 

La pompe de la Samaritaine, première pompe élévatrice d’eau, est construite entre 1602 et 1608 l’ingénieur hydraulicien Jean Lintlaër. Jouxtant le Pont Neuf, elle est mise en service à l’achèvement de l’ouvrage. Les roues élèvent l’eau jusqu’à la hauteur du pont. Elle alimente les palais du Louvre et des Tuileries. L’édifice élégant installé sur pilotis est coiffé d’un campanile ornée d’une horloge. La façade est ornée d’un bas-relief en bronze représentant Le Christ et la Samaritaine au puits. La pompe sera entièrement reconstruite en 1715 mais devenue inutile en 1817, elle est détruite. Le grand magasin de la famille Cognacq-Jay, fondé en 1870, lui rend hommage en lui empruntant son nom, la Samaritaine.








L’actuelle statue équestre d’Henri IV tournée vers la place Dauphine remonte à 1818. Elle remplace la statue originelle fondue à la Révolution en 1792. L’originale, oeuvre de Jean de Bologne et son élève Pierre Tacca, commandée par Marie de Médicis, a été installée en 1614. Tout d’abord cheval sans cavalier, le monument sera finalisé en 1635 par des bas-reliefs et un ensemble de bronze, aux angles du piédestal, quatre esclaves signés Barthélémy Tremblay, Francesco Bordoni et Pierre de Francqueville. Ces œuvres ont rejoint les collections du Louvre. La statue déboulonnée en 1792, l’emplacement demeure vide au cours du Consulat et du Second Empire. En 1814, la Restauration, une statue d’Henri IV en plâtre dont le modèle s’inspire de la précédente vient ranimer le souvenir du Vert Galant. En 1818, la statue en bronze réalisée par le sculpteur néo-classique François Frédéric Lemot est définitivement mise en place. Le décor de bas-reliefs en bronze est complété en 1820.

Le Pont Neuf, lieu privilégié, a longtemps été choisi pour accueillir souverains étrangers et futures reines. Témoin de l’histoire, le Pont Neuf porte les marques de crues significatives sur deux de ses piliers l’un en aval l’autre en amont. En 1985, Christo, pionnier du land art, l’a emballé le temps d’une création éphémère spectaculaire qui a attiré près de trois millions de visiteurs. Tour à tour rendez-vous populaire animé et carrefour des élégances, le Pont Neuf nous est parvenu dans un état de conservation remarquable grâce à la solidité de sa structure et aux restaurations consciencieuses menées au fil des siècles. La dernière, contemporaine, s’est achevée en 2007. Désormais, il est particulièrement prisé pour ses accès au délicieux square du Vert Galant et à la très érotique place Dauphine.

Pont Neuf Paris 1



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - Sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 1er arrondissement - Philippe Godoÿ - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Félix et Louis Lazare

Sites référents
Base Mérimée