A la fin des années 1930, Herman J. Mankiewcz scénariste, script doctor rarement mentionné aux génériques des films sur lesquels il travaille, divertit les pontes des grands studios hollywoodiens de sa verve piquante. Amuseur au bout du rouleau, ces esclandres d’alcoolique lassent désormais ses anciens protecteurs. Sa carrière semble prendre un tournant fâcheux. Il est contacté pour écrire le scénario du premier film d’Orson Welles, la jeune révélation venue du théâtre et de la radio, à qui le studio RKO Pictures à donner carte blanche, passe-droit presque miraculeux à cette époque. Jambe dans le plâtre à la suite d’un accident de voiture, Mank est installé dans une maison isolée en plein désert par le producteur John Houseman, une infirmière, une secrétaire pour toute compagnie. Il a soixante jours pour boucler le script. Le scénariste en plein sevrage, cloué sur son lit par sa fracture, peine à trouver l’inspiration. Pour faire face à l’angoisse de la page blanche, il puise dans ses souvenirs mondains les clés de la future histoire de Charles Foster Kane, biopic romancé de son ancien mécène, le magnat William Randolph Hearst.
Les protagonistes réels, célébrités comme grands pontes des studios, comédiens, scénaristes, réalisateurs et producteurs, Louis B. Mayer, Irving Thalberg, Marion Davies, Charles Lederer, donnent à voir les relations entre les différentes strates de ce microcosme hollywoodien. La finesse des observations et les dialogues inspirés servent un propos truffé de références. La distribution impeccable incarne avec nuance les aspérités de ces figures mythiques. Gary Oldman est magnifique dans le rôle de Mank qu'il infuse de la malice et du désespoir, d'une humanité de fissures invisibles. Profonde, nuancée, Amanda Seyfried prête ses traits à Marion Davies la maîtresse de Hearst durant près de trente ans, et rendre avec brio les différentes facettes de cette femme. Charles Dance en Hearst est également très bien. David Fincher convoque les destins individuels pour évoquer la grande histoire du cinéma. Son film donne envie de regarder « Citizen Kane » d’un œil nouveau. On aurait tort de se priver.
Mank, de David FincherAvec Gary Oldman, Amanda Seyfried, Tom Pelephrey, Arliss Howard, Charles Dance, Lily Collins, Tuppence Middleton
Sortie sur Netflix le 4 décembre 2020
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