Ailleurs : Centre Pompidou Metz, hybridation formelle et architecture fonctionnelle du projet signé Shigeru Ban et Jean de Gastines


Le Centre Pompidou Metz, antenne lorraine de l’institution parisienne, a ouvert ses portes au public le 12 mai 2010. Lieu autonome dans ses choix scientifiques et culturels, il ne possède pas de fonds propre. Les œuvres présentées à l’occasion des divers événements sont prêtées par le Centre Pompidou Paris, par des musées internationaux partenaires variés et également par des collectionneurs privés. L’établissement public de coopération culturelle est le fruit de la toute première expérience de de décentralisation d’une institution de ce type. Lors de la gestation du projet, plusieurs villes se sont portées candidates. Metz a été finalement sélectionnée en raison de sa position géographique unique. Implanté à la frontière de l’Allemagne, de la Suisse et du Luxembourg, le Centre Pompidou Metz est devenu en dix ans un véritable pôle d’attraction pour le public européen. L’identité forte du bâtiment imaginé par le tandem d’architecte Shigeru Ban et Jean de Gastines joue un rôle considérable dans le prestige de l’institution. L’édifice dont la structure a bénéficié d’innovations étonnantes incarne une véritable hybridation des genres, un métissage des cultures. La fluidité de l’architecture embrasse une technicité à la pointe doublée d’une volonté d’épure formelle radicale. La toiture ondulante a vu le jour grâce au tour de force constitué par la charpente en bois. Composée de 18km de poutres en lamellé collé, 1600 pièces toutes uniques, elle est recouverte d’une membrane en fibre de verre et téflon. Le bâtiment du Centre Pompidou Metz entretient une relation intime à l’environnement direct. Paradoxalement, sa beauté, fruit de l’innovation la plus inspirée, découle directement d’une quête de fonctionnalité muséale.







Le Centre Pompidou Metz est devenu la pierre angulaire de l’opération d’aménagement du quartier de l’Amphithéâtre mené au sein de la capitale de la Mirabelle dans le cadre d’un projet d’urbanisation d’anciennes friches ferroviaires. En janvier 2003, le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon annonce la création du Centre Pompidou Metz, première réalisation d’une politique de décentralisation de la culture. Un concours international, appel aux projets architecturaux, est lancé. Le jury est composé d’un collège d’élus locaux et de personnalités parmi lesquels Jean-Marie Rausch, alors maire de Metz et président de la Communauté d’agglomération de Metz Métropole, Bruno Racine, président du Centre Pompidou à Paris de 2002 à 2007, d’architectes dont Richard Rogers associé à Renzo Piano pour la création du bâtiment du Centre Pompidou Paris. Le 26 novembre 2003, le projet lauréat de Shigeru Ban et Jean de Gastines avec la collaboration de Philip Gumuchdjian est présenté au public.

L’architecte japonais Shigeru Ban a construit sa réputation grâce à l’utilisation de systèmes innovants et de structures en tubes de carton. Il a été le promoteur de l’homologation du carton comme matériau de construction. Très engagé auprès de causes humanitaires, il a développé des formes d’habitat temporaire d’urgence qui ont permis d’aidé des victimes de catastrophes naturelles comme le tremblement de terre à Kobé en 1995, en 1999 à Kaysnali en Turquie, à Bug en Inde en 2001. Shigeru Ban travaille régulièrement en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés. Associé à Jean de Gastines sur ses dossiers européens depuis 2000, ils ont notamment signé en duo l’Institut du Canal de Bourgogne, ainsi qu’un ensemble de logements sociaux à Mulhouse dans le cadre d’un projet expérimental mené par Jean Nouvel. La première pierre du Centre Pompidou Metz a été posée le 7 novembre 2006 par Claude Pompidou, épouse de Georges Pompidou. Le chantier s’est prolongé jusqu’en 2010.

La structure du Centre Pompidou Metz, développée autour d’une flèche centrale qui culmine à 77 mètres, clin d’œil à la date d’inauguration du Centre Pompidou en 1977, à Paris, évoque celle d’un vaste chapiteau entouré d’un parvis et de deux jardins. Effet miroir du plan général de l’édifice, la toiture est déployée en hexagone de 90 mètres de largeur, pour une surface de 5000m2. La configuration étonnante en courbes et contrecourbes s’inspire d’un chapeau en bambou tressé aperçu par Shigeru Ban à la Maison de la Chine à Saint-Germain-des-Prés. 

La complexité de la charpente en bois, élément autoportant, emprunte ses volutes organiques à l’art traditionnel de la vannerie. Les modules hexagonaux composés de lames espacées de 2,90 mètres, reprennent le motif du cannage dans un système de lamellé collé qui confère à la structure une résistance unique et permet d’envisager des poutres de longueurs hors normes fois. Le maillage superposé en deux couches rallonge la portée jusqu’à environ 40 mètres. La charpente est recouverte d’une toile protectrice qui n’est pas moins étonnante. Cette membrane étanche en fibre de verre et téflon, en PTFE (poly-tétra-fluoro-éthylène, réalisée au Japon, recréé un environnement naturellement tempéré. L’approche esthétique et technique se révèle énergétique et écologique tout en assurant la maîtrise des conditions d’exposition et de conservation des œuvres. Afin de contrôler les performances de la structure finale, le Centre Science et Technique des Bâtiments a mené en 2005 des études aérauliques complètes à la soufflerie Jules Verne de Nantes. Les trois séries d’analyses développées ont permis d’anticiper les actions de la neige ainsi que les incidences du vent sur le bâtiment et son environnement.





L’ensemble des espaces du Centre Pompidou Metz cumulent une surface globale de 10 700 m2 dont 5020 dédiés aux expositions. Trois galeries traversent l’édifice établi sur un plan hexagonal où la lumière naturelle embrasse l’édifice. Les volumes intérieurs ont été conçu dans le prolongement de l’extérieur. Les architectes ont aboli la frontière entre le dedans le dehors grâce notamment à la façade vitrée modulable, rétractable. L’intérieur de la Grande Nef est visible à la fois depuis le jardin Nord et le parvis, serre où prospèrent d’étranges fleurs et prolongement naturel des espaces végétalisés. 

L’entrée par le Forum se divise en section accueil information, billetterie, boutique librairie, et vestiaires. Le plateau pluridisciplinaire dispose de l’Auditorium Wendel, 144 places, idéal pour les projections, cinéma, conférences. Le Studio, 196 places, polyvalent, est consacré au spectacle vivant. Au rez-de-chaussée, le Café Le 10 s’ouvre sur le jardin tandis que le restaurant La voile blanche, au premier étage, bénéficie d’une vaste terrasse en surplomb orientée au sud. 

Les volumes remarquables imaginés par les architectes ouvrent le champ des possibles entre plateaux libres et espaces intimiste. La modularité de ces espaces d’exposition exceptionnels propose une lecture alternative des pratiques artistiques, une diversité d’approche suscitant l’originalité. La Grande Nef au rez-de-chaussée, lieu de flexibilité par excellence avec une hauteur sous plafond variant entre 5,70 et 18 mètres offre une liberté scénographique unique. Ses 200m2 traversé de lumière accueillent les œuvres monumentales qui peinent à trouver ailleurs les conditions de leur présentation.

Superposées sur trois étages et disposées en quinconce, les trois galeries du Centre Pompidou Metz sont constituées de parallélépipèdes de béton long de 80 mètres. L’approche innovante imaginée par les architectes, un assemblage d’éléments sans piliers porteurs intérieurs, se rapproche des techniques employées pour construire les ponts. Aux extrémités de chaque module, de vastes baies vitrées sont ouvertes sur les panoramas iconique de la ville, trois points de vue fabuleux sur la gare ferroviaire classée aux monuments historiques, l’église Sainte-Thérèse et la Cathédrale Saint-Etienne de Metz.  






 Le Centre Pompidou Metz est entouré de deux jardins et d’un vaste parvis, accessible directement depuis la gare, dont les dimensions rappellent celles de la piazza Beaubourg. Ce parvis a été conçu par les agences Nicolas Michelin et Paso Doble, spécialiste paysagiste qui ont également travaillé ensemble sur le Jardin Nord. Un ingénieux système de collecte des eaux pluviales de la toiture et du parvis traverse les deux hectares plantés de prunus de cet espace vert parcouru de nombreuses passerelles pour faciliter la traversée des piétons. Le Jardin Sud, espace privatif créé par l’Agence Nicolas Michelin et le paysagiste Pascal Cribier se divise en deux aires l’une végétale plantée de bouleaux, l’autre plus minérale. Le PTS (Paper Tube Structure) de Shigeru Ban, centre nomade des opérations, bureau temporaire de l’architecte installé sur les toits du Centre Pompidou à Paris durant le chantier, a été réimplanté après de transformation de façon pérenne dans le Jardin Sud pour devenir un nouveau lieu de création.

Autonome par nature, le Centre Pompidou Metz n’a pas pour vocation de devenir un lieu d’exposition des réserves du Centre Pompidou Paris. Laurent Le Bon, directeur de 2010 à 2015, puis Emma Lavigne, directrice de 2015 à 2019 ont accompagné la concrétisation de ce projet culturel, la définition d’une identité propre que la nouvelle directrice Chiara Parisi entend bien perpétuer. La volonté de démocratiser l’art moderne et contemporain et l’ouverture vers un large public marquent depuis les origines le projet de développement de cet établissement atypique.  Arts plastiques, architecture, danse, vidéo, performances, concerts, projections, la variété des domaines abordés et des pratiques représentées confère à cette institution un statut particulier, à la fois espace de découverte et de création. Chaque année, quatre à six expositions temporaires d’envergure sont organisées. La programmation pluridisciplinaire qui accompagne ces évènements, spectacles, cinéma, conférences, ateliers jeune public, conforte la position d’acteur culturel majeur du Centre Pompidou Metz. 

Centre Pompidou Metz 
1 parvis des Droits de l’Hommes - 57020 Metz
Tél : 03 87 15 39 39
Horaires : 
- du 1er avril au 31 octobre : lundi, mercredi, jeudi de 10h à 18h - vendredi, samedi, dimanche de 10h à 19h - fermé le mardi
- du 1er novembre au 31 mars : lundi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche de 10h à 18h - fermé le mardi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.