Le Musée Paul Valéry de Sète fait face la Méditerranée et au Cimetière marin célébré par le poète. Au flanc du Mont Saint-Clair, son élégance toute moderniste s’harmonise à la minéralité du paysage méridional. Cette institution inaugurée le 26 novembre 1970 hérite des collections Arts et Traditions populaires à caractère local de l’ancien musée municipal ainsi que du précieux fonds légué en 1948 par Jeannie Valéry, l’épouse de l'homme de lettres. A ce premier ensemble fondateur, de nombreuses donations et acquisitions se sont ajoutées depuis cinquante ans. Sur le fil d’une vocation originelle double, les collections enrichies au fur et à mesure ouvrent des espaces de dialogues inédits entre les arts visuels, la peinture, la sculpture et le livre, la littérature. Le fonds Paul Valéry trouve dans celui dédié aux beaux-arts du XIXème et XXème siècles un écho foisonnant. Entre la peinture et la poésie, l’échange incessant mis en lumière souligne un cheminement commun. L’ensemble d’œuvres issues des deux écoles sétoises majeures, le groupe Montpellier-Sète et la Figuration Libre, prolonge cette rencontre heureuse. Au Musée Paul Valéry, les événements éphémères s’ancrent dans la même eau et embrassent dans un semblable mouvement art pictural et oeuvre d’écriture. La riche programmation pluridisciplinaire, manifestations en plein air dans les jardins, rencontres littéraires et poétiques, conférences, théâtre de poche, complètent les expositions temporaires d’envergure internationales. Terre de poètes, pays natal de Paul Valéry et Georges Brassens, source puissante d’inspiration pour les peintres, la ville de Sète laisse libre court à ses dispositions naturelles au sein de ce musée au propos captivant.
La nature enserre le Musée Paul Valéry dans un véritable écrin. Ce cadre idyllique, écrasé de soleil, dévoile un édifice imaginé par l’architecte Guy Guillaume (1924-1980) à la fin des années 1960. Le bâtiment de béton et de verre dans la veine du Mouvement Moderne initié par Le Corbusier, s’est vu attribué en 2018 le label Architecture contemporaine remarquable, label qui a succédé au Patrimoine du XXème siècle créé en 1999. La singularité et le caractère innovant de sa conception lui confère une beauté fascinante. Agrandi en 1989, le Musée Paul Valéry a fait l’objet d’un grand chantier de transformation à la fin des années 2000. Sa réouverture en 18 juin 2010 a initié un parcours renouvelé, une redistribution des espaces et une extension des salles ouvertes au public.
Sous la houlette de Maïthé Vallès-Bled, Conservateur en chef du Patrimoine, Directrice du Musée Paul Valéry et du Musée International des Arts Modestes, l’institution s’est découvert une nouvelle dimension. La personnalité de sa directrice, ancienne conservatrice du Musée Fleury de Lodève, fondatrice en 1998 du festival de poésie « Voix de la Méditerranée » prolongé à partir de 2010 à Sète par le festival « Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée », y est pour beaucoup. Le Musée Paul Valéry promeut la parole fondamentale du poète, inscrite dans son temps, expression libre de la réalité du monde.
Espace culturel atypique, où poètes et peintres se croisent, nouent des liens, il rassemble dans ses collections près de 4000 œuvres qui construisent des passerelles entre les arts, espace de conscience et d’échange. La Salle Paul Valéry, cœur vibrant du musée, expose une partie du fonds dédié au travail du poète, écrivain et philosophe dans une scénographie limpide propice à la curiosité. La collection se compose de trois-cents documents et œuvres parmi lesquels le premier manuscrit du « Cimetière marin », des ouvrages de bibliophilie, éditions originales, quatre-vingt dessins, pastels et aquarelles, qui illustrent un aspect méconnu de l’écrivain, Valéry peintre et dessinateur.
L’abondante correspondance professionnelle et personnelle propose un éclairage alternatif sur la personnalité de Paul Valéry. Au fil de ces lettres manuscrites, derrière la figure de l’intellectuel austère, l’intimidante stature du penseur, se découpe en filigrane celle du poète sensible, du père aimant, de l’amant passionné. La correspondance entretenue avec Stéphane Mallarmé, ensemble de lettres acquises par le musée en 2015, celles adressées à sa fille Agathe, obtenues en 2017 ou encore les missives échangées avec Jeanne Loviton, révèlent un Valéry intime, charmeur, au sens de l’humour piquant, plein de tendresse envers ses proches, torturé par le doute au sujet de l’écriture.
Le département d’Arts et Traditions Populaires du Musée Paul Valéry est consacré aux éléments faisant référence aux événements historiques locaux et à la grande coutume des tournois de joutes nautiques dont de nombreux artistes, EGO, François Desnoyer, Gabriel Couderc, Pierre François se sont fait l’écho. Cette pratique ancestrale, profondément ancrée dans l’identité de la ville, remonte à la création du port en 1666 et perdure de nos jours. Tous les étés, les canaux s’animent dans une parade traditionnelle des jouteurs. Le fonds spécifique dénombre costumes, lances, pavois, instruments de musique, gravures, maquettes et un ensemble de maquettes de bateaux datant du XVIIIe au XXe siècle, de Méditerranée ou de l’Atlantique.
Sept-cents peintures, un millier de dessins, la collection beaux-arts du Musée Paul Valéry célèbre les artistes qui ont puisé leur inspiration dans les paysages du Midi, sa lumière, son littoral. Les œuvres classiques, académiques et orientalistes du XIXème siècle, signées Abraham Storck, Alexandre Cabanel, Albert-Ernest Carrier-Belleuse, Jules Lefebvre, Joseph Noël Sylvestre composent un pan contrasté de la visite où le tableau réaliste de Gustave Courbet, « Mer calme à Palavas » (1857) marque l’esprit.
Les collections permanentes relève l’intérêt porté à l’Ile Singulière par de nombreux artistes, Johan Barthold Jongkind, Robert Mols, Julius Hintz, Jules Troncy, Albert Marquet dont le très beau « Voilier à Sète » de 1924 - ou bien encore les Sétois Aristide Chapuzot et Toussaint Roussy. Le vaste fonds graphique du Musée Paul Valéry réunit un important ensemble du XIXème et XXème siècles, dans lequel se trouvent de nombreuses œuvres majeures de Gustave Doré, Edgar Degas, Paul Cézanne, Henri Matisse, Maurice Marinot, Jacques Villon, Marcel Gromaire, Albert Dubout.
La création du XXème siècle est personnifiée par des artistes tels que Maurice Marinot, Raoul Dufy, Jean Messagier, A-Sun Wu, Ladislas Kijno, Yan Pei-Ming. Les deux écoles sétoises qui ont offert une renommée internationale à la ville dans le domaine des arts plastiques y trouvent une place particulière. Le Groupe Montpellier-Sète - François Desnoyer Jean-Raymond Bessil, Gérard Calvet, Gabriel Couderc, Camille Descossy, Georges Dezeuze et Pierre Fournel, André Blondel, Colette Richarme et Jean Hugo - capte l’âme et les couleurs de l’Ile Singulière.
La Figuration Libre, sa descendance directe, née au début des années 1980, s’exprime par les œuvres de Robert Combas, de Hervé Di Rosa et Richard Di Rosa. Leur vision ludique de l’expression plastique traduit un rejet de l’art conceptuel, intellectualisé, déshumanisé. Ces artistes incarnent le retour à une figuration néo-expressionniste, exubérante, colorée, saturée, qui puise ses références dans la culture populaire, le rock, la bande dessinée, les médias de masse. A leur suite, l’école sétoise contemporaine suit un cheminement aux pratiques diverses. Proches de Combas et Di Rosa, ces peintres, Topolino, André Cervera, Aldo Biascamano, Christophe Cosentino, ont côtoyé Pierre François auquel ils empruntent la variété des supports, et l’inclinaison pour une figuration débridée.
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