Paris : Marché aux fleurs Reine Elizabeth II, halte bucolique hors du temps sur l'île de la Cité - IVème



Le Marché aux fleurs et aux oiseaux de l’ile de la Cité, embrasse le cœur historique de la ville. Lieu pittoresque de promenade, il attire touristes en goguette, promeneurs parisiens ou bien encore amateurs distingués de botanique. L’enclave enchantée claquemurée entre trois constructions massives, la Préfecture de Police, le Tribunal de Commerce et l’Hôtel-Dieu, intrigue autant qu’elle charme. Son atmosphère bucolique de joli village à deux pas de Notre Dame et de la Sainte Chapelle séduit les flâneurs avides d’authenticité. Avec cet insolite souvenir de la Belle Epoque, la halte hors du temps ravit les plus réfractaires. Mi-plein air, mi-couvert, ce marché hybride se déploie sur trois travées à l’ombre de vénérables arbres. Les six pavillons à la structure de fonte de type Eiffel du début du XXème siècle abritent des commerces aux couleurs chatoyantes. Douillettement lové place Louis Lépine, (1846-1933), préfet de police de la IIIème République, fondateur de la brigade criminelle au nom définitivement associé depuis 1902 au concours de la Foire de Paris, le Marché aux fleurs s’étend jusqu’au parapet du quai de la Corse. Là, quelques échoppes volantes, démontables ouvrent à l’occasion. Exubérance de couleurs, de parfums, fleurs de saison franciliennes, raretés exotiques, le foisonnement végétal propose une large sélection de plantes et arbustes complétée par des articles de décoration et de jardinage. Si les structures originelles accueillaient jusqu’à quarante commerçants, il en n’en demeure de nos jours qu’une petite quinzaine. Les allures de carte postale dissimulent mal la vétusté des installations et les conditions de travail toujours plus difficiles. La question d’une vaste campagne de restauration se pose depuis cinq ans. Cette année devait marquer le début de la rénovation pour l’instant suspendue.











En 1808, l’administration impériale fait l’acquisition du terrain vague situé entre le quai Desaix, futur quai de la Corse, et la rue de la Pelleterie, aujourd’hui disparue, afin d’y établir un marché aux fleurs et aux arbustes. Il a pour vocation de remplacer celui du quai de la Mégisserie, devenu trop exigu, victime de son succès. Inauguré le 6 août 1809, le nouveau lieu circonscrit par des bornes offre les agréments d’une promenade le long d’allées dégagées bordées d’arbres. Les deux fontaines réalisées par l’architecte Jacques Molinos (1743-1831) permettent d’approvisionner le marché en eau.

En 1824, sur l’emplacement de l’actuel Hôtel Dieu juste en face du Marché aux fleurs, Pierre Parissot, un mercier de la Cité, développe un commerce de vêtements confectionnés en série, vendus à prix fixe. Le magasin, baptisé La Belle Jardinière en hommage à son voisin fleuri, prend de l’ampleur, se diversifie. Il essaime points de vente et franchises. Le bâtiment originel est détruit à la suite des expropriations menés en 1864 par le baron Haussmann pour construire l’Hôtel Dieu. L’enseigne traverse la Seine et vient se nicher dans un grand magasin construit à sa mesure quai de la Mégisserie par l’architecte Henri Blondel. 











La ville de Paris mène de 1840 à 1843 une campagne de rénovation afin de moderniser le Marché aux fleurs. Un dallage en béton marque son emplacement exact délimité par des bordures en granit. Les deux bassins sont reconstruits et reliés aux égouts. Le marché se tient alors le mercredi et le samedi.

Les grands travaux d’Haussmann bouleversent la physionomie de l’île de la Cité. A l’occasion de la construction du Tribunal de Commerce entre 1860 et 1865, le Marché aux fleurs est amputé de sa partie ouest. Charles Marville qui photographie le marché en 1865, révèle la présence de halles très différentes des pavillons toujours en place. Ces structures en fonte rappellent celles du parc Georges Brassens où se tient le marché aux livres. En 1866, l’espace dédié au marché est déplacé d’une centaine de mètres et radicalement transformé. 

Réorganisé, il est inauguré en 1873 dans sa topographie actuelle avec six pavillons en fonte et fer de la maison André et Fleury. Le marché est équipé de fontaines Wallace qui remplace avantageusement les anciens bassins. Le dimanche, l’allée centrale Célestin Hennion est occupé par un marché aux oiseaux. Créé en 1861, cour du Marché Saint Martin, celui-ci est transféré sur le quai de la Corse en 1881. Lors du percement de la ligne 4 du métro, en 1906, des vestiges gallo-romains sont découverts parmi lesquels les reliquats du quai originel de l’île de la Cité. La station est mise en service en 1910.











A l’occasion des commémorations du soixante-dixième anniversaire du Débarquement en juin 2014, la souveraine britannique en visite à Paris qui avait découvert le lieu en 1948 lui rend à nouveau visite. Le Marché aux fleurs de la Cité est rebaptisé en son honneur Marché aux fleurs Reine Elizabeth II. 

La boutique historique de Pascale Meunier incarne la perpétuation de la tradition. Ses grands-parents se sont installés en 1938. Elle est la troisième génération à œuvrer en ces lieux. Autre figure emblématique du Marché aux Fleurs, Jean-Paul Margueritte a fondé la Maison de l’Orchidée en 1988. Sur ces étals foisonnant, la grande variété des fleurs illustre la multitude plastique des orchidacées. Spécimens d’une grande beauté, raretés exotiques, individus plus aisés à choyer pour les débutants, chacun trouvera son bonheur. Et de mars à octobre, les plantes carnivores s’invitent au bal. 

Marché pittoresque à la recherche de son lustre d’antan, ce jardin merveilleux poursuit son activité malgré les aléas du temps et les projets grandioses des édiles qui menacent son intégrité. Les commerçants ressentent de l’inquiétude vis à vis des différentes propositions de restauration. Des études ont été menées dans le cadre de la campagne de rénovation de l’île de la Cité d’ici 2040. Le diagnostic a révélé des pathologies structurelles. Le manque de modernité des installations rend les conditions de travail éprouvantes pour les commerçants. Une remise aux normes semble nécessaire et une solution durable doit être apportée au traitement des déchets.












En 2016, la proposition de restructuration la plus ambitieuse, la plus controversée aussi, délivrée par Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux et l’architecte Dominique Perrault, suggérait de « dessiner un grand carreau de verre sur l’emprise de l’actuel Marché aux fleurs comme une grande serre ». Une idée moins onéreuse soutenue par Edith Gallois, à ce moment conseillère de Paris, a retenu l’attention de la Ville. L’avenir du Marché aux fleurs pourrait bien être celui de vitrine du savoir-faire agricole francilien, de la biodiversité régionale. Pour redynamiser les commerces, la diversification de l’achalandage et la création de points de restauration sont envisagés. Si l’appel d’offres a bien été lancé, il semble que la récente crise sanitaire ait suspendu la progression de l’entreprise.

Marché aux fleurs et aux oiseaux Cité
Place Louis Lépine - Quai de la Corse - Paris 4
Horaires : Ouvert tous les jours de 8h à 19h30



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 4è arrondissement - Isabelle Brassart - Yvonne Cuvillier - Parigramme
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Félix et Louis Lazare - édition de 1844

Sites référents
Le Parisien