Willard Russell a grandi dans une petite communauté rurale de l’Ohio, un patelin miséreux où violence et bigoterie constituent la toile de fond d’un quotidien gris. Vétéran de la Seconde Guerre Mondiale traumatisé par les horreurs vécues sur le front japonais, il n’entend plus l’appel de Dieu depuis son retour au pays, au grand désespoir de sa mère. Modeste dans ses aspirations, il multiplie les petits boulots manuels pour constituer un pécule. Il épouse Charlotte, une serveuse de diner, rencontrée lors d’une permission et s’installe dans un bled paumé en Virginie. Lorsque Charlotte tombe gravement malade, il retrouve des réflexes qui confinent à la superstition la plus crasse, imposant à leur fils, Arvin, une dizaine d’années, des rituels de dévotion d’une grande cruauté. Willard se suicide après l’enterrement de Charlotte. Arvin, orphelin, est recueilli par sa grand-mère et son oncle. Destin tout tracé de maltraitance, de traumas. Roy, un prédicateur illuminé, se pense capable de ressusciter les morts. Le trop séduisant révérend Preston abuse des jeunes filles de sa paroisse. Sandy et Carl, un couple de serial killers, kidnappent des autostoppeurs avant de les tuer dans des mises en scène sexuelles macabres. Le frère de Sandy, policier corrompu, tente de dissimuler les preuves. Suicides, meurtres, viols font partie du quotidien.
Adaptation du best-seller de Donald Ray Pollock qui prête sa voix au narrateur du film, « Le Diable tout le temps » embrasse pleinement les codes du Southern Gothic avec ses paysages si particuliers, ses accents improbables et ses déviances. Fidèle dans sa transcription à l’écran, Antonio Campos, producteur et réalisateur de la série « The Sinner », dresse un portrait très sombre d’une Amérique des laissés pour compte des années 1950 aux années 1960. Drame noir, cette chronique poisseuse d’une rare cruauté est hantée par des personnages désaxés, dont le destin tragique est marqué par la sauvagerie des hommes.
Le cinéaste s’empare de l’imagerie du Midwest profond, celui des affreux, sales et méchants, avec un certain panache qui ferait pardonner une tendance à enchaîner les clichés. Il déploie un univers sordide, atmosphères étouffantes et moites. Les hommes de foi douteux qui dominent ces communautés rurales imposent leur vision pervertie et assurent leur emprise délétère. La décrépitude morale semble totale. Des êtres abjects « habités par le diable » s’en prennent aux plus vulnérables. Les névroses, les maladies mentales font basculer les personnages vers la tragédie.
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