Ailleurs : Château de Vaux-le-Vicomte, splendeur architecturale du Grand Siècle, source d'inspiration de Versailles



Le Château de Vaux-le-Vicomte, situé au sud-est de Paris, modèle d’inspiration du château de Versailles, a miraculeusement échappé aux remaniements drastiques du XVIIIème et XIXème siècle qui ont marqués la plupart des châteaux français. Son état de conservation remarquable malgré les siècles et les péripéties raconte l’histoire de passionnés tombés amoureux de ce fleuron du patrimoine français. De fait, l’architecture de Vaux-le-Vicomte a connu peu d’altérations depuis sa construction. Ce domaine de 500 hectares dont 70 de jardin, est, de nos jours plus grande propriété privée classée de France. Son nom restera pour toujours associé à celui de son commanditaire, Nicolas Fouquet (1615-1680) Surintendant des Finances de Louis XIV au destin contrarié. Trois maîtres d’oeuvre façonnent ce domaine somptueux : l’architecte Louis Le Vau, le peintre-décorateur Charles Le Brun, le paysagiste André le Nôtre. Rêve d’un homme d’influence, objet de convoitise, splendeur de pierre et de végétation, le château de Vaux-le-Vicomte ne cesse de fasciner les foules.







En 1641, alors au faîte de sa gloire, Nicolas Fouquet acquiert de vastes terrains près de Maincy. Trois villages sont déplacés, des travaux monumentaux de déboisement et de terrassement sont lancés, 18 000 artisans engagés. La sécurité des chantiers s’avérant à cette époque des plus aléatoires, Fouquet fonde un hôpital à l’usage de ces derniers à Maincy. L’aménagement des jardins est finalisé en 1652.  Le château s’élève entre 1656 et 1659.  L’esthétique de Vaux-le-Vicomte intervient comme l’aboutissement d’une longue évolution des châteaux français depuis la Renaissance jusqu’au Grand Siècle. Le domaine combine les différents éléments classiques à des inventions plastiques et pratiques. L’opulence particulière des décors intérieurs frappe les esprits. De nouveaux parcours sonores immersifs au château de Vaux-le-Vicomte, les audioguides du futur proposent une visite des lieux inédites pour une expérience sensorielle enthousiasmante dont je vous parlais en détails ici

Cette résidence digne d’un roi illustre la puissance économique et politique de son commanditaire. Cette fonction de représentation trouve une traduction dans l’agencement même des pièces. Le rez-de-chaussée est consacré aux espaces de réception tandis que les appartements privés se trouvent dans les étages.  L'architecte Louis Le Vau (1612-1670), devient premier architecte du Roi en 1654. Il développe un style qui emprunte à la fois au classicisme à la française marié et au baroque. Sur le chantier de Vaux-le-Vicomte, il est secondé par son élève Daniel Gittard (1625-1686) et appuyé par le maître-maçon Michel Villedo (1598-1660) conseiller et architecte des bâtiments du roi puis maître général des bâtiments du roi, ponts et chaussées de France sous Louis XIV. 







A Vaux-le-Vicomte, Le Vau porte l’accent sur la monumentalité de l’ensemble plutôt que sur la tradition française auquel répond néanmoins le plan masse et les pilastres colossaux. Le logis édifié sur une plateforme, le château émerge, esthétique du surgissement, posé sur un socle entouré de douves. Les matériaux sont hiérarchisés selon les préceptes de l’époque : grès pour le soubassement, façades en calcaire et brique réservée aux communs. Louis Le Vau imagine des dispositions originales. La rotonde centrale intègre un très grand salon à l’italienne placé en avant-corps sur la façade arrière et ouvert sur les jardins dans la perspective jusqu’au parc. Les fenêtres sont caractérisées par des tables ornées de bas-reliefs couronnant les baies en place de frontons. 

A l’intérieur, les plafonds à voussures offrent de nouvelles possibilités décoratives. Le peintre Charles Le Brun (1619-1690) fondateur de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648, directeur de la Manufacture royale des Gobelins et grand décorateur de la Galerie des Glaces à Versailles dirige les délicats travaux de peintures qui donnent ce cachet d’une richesse ébouriffante au château. La modénature apparaît particulièrement soignée. Dans les appartements du roi, peintures et stucs en relief sont associés. Les cheminées monumentales dites à l’italienne complètent les dispositions originelles. 








Le paysagiste André Le Nôtre (1613-1700), Contrôleur général des bâtiments du Roi à partir de 1657, auteur des jardins de Chantilly et Versailles, établit à Vaux-le-Vicomte la grammaire définitive des jardins dits à la française. Le site privilégié dispose d’une forêt, des eaux vives de deux rivières, de pentes harmonieuses. Le Nôtre délimite pour les jardins un espace rectangulaire de 33 hectares sur un axe unique long de 1 500 mètres, vaste perspective scandée par les cascades et la grotte. De nos jours, elle se termine sur une copie monumentale de l’Hercule Farnèse ajoutée au XIXème siècle. Cette ligne très épurée est recoupée par plusieurs axes transversaux dont le plus important est constitué par un grand canal. 

Le Nôtre a souhaité troubler les sens par des illusions d’optique qui modifient la perception des distances, alternant tapis vert des pelouses et bassins. Des 40 originaux, 24 nous sont parvenus. L’eau, difficile à dompter et donc symbole de fortune, abonde sous ses formes dormantes ou jaillissantes. Autour du château, les terrasses ponctuées de fleurs et de parterres de buis dits parterre de broderie déploie l’extravagance maîtrisé d’un riche décor ornemental. Dans ces jardins innovants, la sculpture fait partie intégrante de la composition. Le Nôtre a collaboré avec les plus célèbres sculpteurs de son époque François Girardon (1628-1715), Michel Anguier (1612-1686) Mathieu Lespagnandelle (1616-1689). Nicolas Poussin a été sollicité pour réaliser les dessins des termes.








Dès 1670, les célèbres fêtes données par Nicolas Fouquet en l’honneur de la cour sont abondamment commentée par ses amis écrivains. La Fontaine, Mademoiselle de Scudéry, Madame de Sévigné chantent la beauté de Vaux-le-Vicomte. A la demande de Fouquet, Molière compose L’Ecole des maris et Les Fâcheux. Mais le ministre jugé trop ambitieux par le pouvoir monarchique est en sursis. Contrairement à une idée reçue, la fête extravagante du 17 juillet 1661 n'est pas la cause principale de l'arrestation et de la disgrâce de Fouquet. La décision du renvoi, de l'aveu même du roi, est prise dès le 4 mai. Destitué et arrêté sur l'ordre de Louis XIV en 1661 pour malversations, Fouquet est condamné à la confiscation de ses biens et au bannissement hors du royaume. La peine est néanmoins élargie par le roi en vertu de ses pouvoirs de justice, à l'emprisonnement à vie dans la forteresse de Pignerol.

Au lendemain de l’arrestation de Fouquet, Vaux-le-Vicomte n’est pas confisqué. Les créanciers de l’ancien Surintendant des Finances, laisse le château à son épouse en 1673 ainsi que les seigneuries de Melun et de Belle-Île contre le paiement sous dix ans de 1 250 000 livres de dettes privilégiées. En 1705 meurt à Paris, sans enfant, le dernier Fouquet détenteur de Vaux-le-Vicomte. La même année, le château est vendu au Maréchal de Villars, général des armées, fait duc héréditaire par Louis XIV.








Le 17 août 1764, César Gabriel de Choiseul-Praslin, cousin du célèbre ministre, duc et pair de Praslin, lieutenant-général, diplomate, ministre des Affaires étrangères et de la Marine, membre du Conseil du roi, académicien, se porte acquéreur du domaine et obtient du roi que les titres, noms, prééminences de ses terres soient transférés sur le duché-pairie, qui prend le nom de Vaux-Praslin. Mais les héritiers vont se désintéresser de Vaux-le-Vicomte. 

Le 15 juin 1875, lors d’une vente à la chandelle Alfred Sommier, richissime industriel raffinerie de sucre et amateur d'art, est le seul enchérisseur. Laissé à l’abandon depuis trente ans, le domaine est mal en point. La nature a repris ses droits dans les jardins, les bâtiments sont très délabrés. Sommier entreprend un vaste chantier de restauration de 1875 à 1893. Il est confié à l’architecte Hippolyte Destailleurs, secondé par le méconnu Élie Lainé pour les jardins. Dès juillet 1877, la famille Sommier séjourne à Vaux-le-Vicomte de juin à décembre. De 1911 à 1923, Edme Sommier, fils d’Alfred charge l’architecte paysagiste Achille Duchêne d’achever la restauration des jardins qui retravaille les parterres latéraux, les parterres de broderies, le parterre central et le parterre de fleurs.







De nos jours, la famille de Vogüé, composées des descendants directs d’Alfred Sommier, fête la cinquième génération à poursuivre l’oeuvre de ce passionné. En 1967, Patrice et Cristina de Vogüé reçoivent en cadeau le château de Vaux-le-Vicomte à l’occasion de leur mariage. Afin d’assurer sa préservation, ils décident de rationnaliser sa gestion en le transformant en entreprise. Le coût des travaux d’entretien, de préservation et de restauration permanente du château s’élèvent à près d’1,3 millions par an. En 1968 Vaux-le-Vicomte est ouvert au public. Touristes et amateurs de beaux patrimoine ont désormais accès aux jardins et aux salons de réception durant plus de 8 mois par an. 85 salariés travaillent à l’année sur le domaine monument historique et site privé. Du haut de ses 450 000 visiteurs par an dont 20% d’étrangers, Vaux-le-Vicomte participe du rayonnement de la France dans le monde entier. 

Les trois fils du couple sont directement impliqués dans la gestion du château. Alexandre de Vogüé occupe le poste de responsable du mécénat et de la communication. Le domaine perçoit 2% de subventions publiques, il est donc nécessité d’attirer des fonds privés, des mécènes. Son frère jumeau, Jean-Charles de Vogüé est en charge du développement commercial. Ascanio de Vogüé gère l’organisation des événements. En effet, Vaux-le-Vicomte accueillent mariages prestigieux, dîners mondains, évènements culturels ouverts à tous mais également de nombreux tournages de films. Un James Bond, Marie-Antoinette de Sofia Coppola, L’homme au masque de fer avec Depardieu et Di Caprio, Le Roi danse de Gérard Corbiau, Vidocq de Pitof, Raid Dingue de Dany Boon ou encore des séries comme Versailles.

Château de Vaux-le-Vicomte 
Route départementale 215 - 77950 Maincy 
Horaires : Ouvert tous les jours de 10h à 19h
Tarifs : de 11 euros à 16,90 euros, parcours sonore immersif inclus

Comment s'y rendre ? : En train depuis la Gare de l'Est à Paris, direction Provins, arrêt Verneuil l'Etang puis navettes jusqu'au château (20mn) 

Ré-ouverture annuelle le 14 mars 2020



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.