Le Château d’Angers, imposante forteresse médiévale, siège sur un éperon rocheux qui domine la rivière Maine. La topographie unique de ce site privilégié, parachevée par une épaisse enceinte haute de quarante mètres a permis à la forteresse d’acquérir la réputation une place forte imprenable. Construite au XIIIème siècle, sur un emplacement à l’initiative de Blanche de Castille (1188-1252) alors régente du futur Saint Louis (1214-1270), la citadelle frontière a pour vocation originelle de préserver la ville et plus largement l’Anjou des appétits de Pierre Mauclerc (vers 1187-1250), le duc de Bretagne et du roi d’Angleterre, Henri III (1207-1272). Le promontoire domine le réseau fluvial et verrouille les voies terrestres. L’intrigante polychromie, tuffeau, pierre calcaire blanche et schiste, pierre grise, ajoute à la silhouette imposante une dimension esthétique singulière. Résidence des ducs d’Anjou au XIVème et au XVème siècle, le Château d’Angers est le théâtre d’une cour brillante où sont cultivés les arts et les lettres avant de redevenir bastion militaire et prison. Désormais ce monument historique, ouvert au public depuis 1947, illustre la puissance des ducs d’Anjou et les évolutions architecturales des places fortes médiévales.
Les fouilles archéologiques récentes ont confirmé l’ancienneté de la présence humaine sur le site où le Château d'Angers été aménagé. Des traces datant du Mésolithique d'un travail du silex en communauté ont été découvertes au niveau de l’actuelle terrasse du logis royal. En 1997, les recherches ont mis à jour à l’ouest de la cour, sous les vestiges de l'ancien château comtal, un cairn du Néolithique, entre 4500 et 4000 avant JC. Cette tombe monumentale de 17 mètres diamètres, composée de quatre à cinq salles, a été façonné en dalles de schistes dont les plaques témoignent de l’exploitation ardoisière déjà à cette époque reculée.
Les différentes prospections ont également pu confirmer la présence d'un oppidum gaulois de la tribu des Andécaves que le manque d’indices avait longtemps remis en question. Entre 1992 et 2003, la campagne de fouille révèle une occupation à l'époque de la Tène finale (vers 80-70 av. J.-C.) jusqu'à la période augustéenne (10 av. J.-C.). Outre du mobilier, sont découverts des vestiges d’un rempart à poutrages horizontaux et les traces de voies délimitant des secteurs d'activités
A la fin du Ier siècle, l’occupation romaine de ce site stratégique est avérée. Une vaste terrasse quadrangulaire dotée d’un temple et ceinte de murs à contreforts, surplombe la Maine. Juliomagus, littéralement le marché de Jules, devient un refuge pour les habitants de la région menacé par les invasions et les troubles politiques divers. Dès le Bas-Empire, la cité est dotée d'une enceinte haute de 10 à 12 mètres. Ces remparts gallo-romains longent l’enceinte récente et passent sous le château actuel. Des reliquats de cette muraille originelle, probablement érigé sur les anciens édifices du Ier siècle, sont visibles au pied du talus d’artillerie du rempart sud, ainsi que les ruines enterrées de la porte dite « de Chanzé » au sud-ouest. Des vestiges d’une tour de l’enceinte urbaine sont enfouis à l’extrémité ouest, sous la galerie de l'Apocalypse, au niveau de la chapelle Saint-Laud.
Entre le VIIème et IXème siècle, sur ce site sont érigés des bâtiments pérennes, d’une bonne qualité, disposés en espaces d’habitation, d’artisanat et d’agrément avec des jardins. L’évêque mentionné comme propriétaire de ces terrains au milieu du IXème siècle, il est communément admis qu’il s’agit de la résidence épiscopale.
En 851, à l’occasion du traité d’Angers qui délimite les frontières du futur duché de Bretagne et de la Bretagne, Charles le Chauve reconnait Erispoë pour roi de Bretagne. Cette période de troubles et d’invasions, poussent les comtes d’Anjou à faire édifier un palais sur le promontoire afin de surveiller la Maine de tenter de réduite la vulnérabilité aux raids normands et bretons mais également scandinaves. Alors que la construction progresse, les comtes d’Anjou gagnent en puissance et soumettent le Poitou, le Maine, la Normandie et l’Aquitaine. Le palais finalement peu fortifié est mentionné comme une aula et non un castrum. Au Xème siècle, Foulques Nerra (987-1040) fait ériger la Grande salle comtale ou aula à l’extrémité ouest du promontoire, au niveau de l’ancienne terrasse antique. La chapelle Sainte-Geneviève reçoit vers la fin du IXème siècle les reliques de Saint Laud. Au XIème siècle, la Grande salle est agrandie vers le nord. Au XIIème siècle, le palais passe sous le contrôle de la dynastie des Plantagenêt. A la suite d’un incendie qui ravage le château en 1131 ou 1132, l’ensemble est profondément réaménagé. La nouvelle Chapelle Saint Laud voit le jour à l’extérieur de l’enceinte romaine. Mais la cour Plantagenêt réside peu à Angers. Chambres et logis se dégradent.
En 1214, après les batailles de Bouvines et de la Roche-aux-Moines, Philippe-Auguste confisque l’Anjou à Jean sans Terre, étendant le domaine royal, aux limites du duché de Bretagne qui défend avec ardeur son autonomie face au pouvoir royal. La ville d’Angers est conquise par les Bretons en 1227. Mais ils chassés par les troupes de la régente Blanche de Castille qui imagine alors de bâtir une place forte solide, une citadelle à la pointe de l’architecture militaire. Et n’hésite pas à chasser les chanoines de Saint Laud et une partie des riverains. En 1230 débute la construction qui durera jusqu’en 1242 de la forteresse royale. Vaste de 2,5 hectares, cerne d’une enceinte de plus de 800 mètres de long, ponctuée de 17 tours de 12 à 13 mètres de diamètre, le Château d’Angers s’inscrit dans un programme démonstratif de puissance. Seul le flanc nord face à la Maine ne sera jamais fortifié. Il ne possède que deux portes. La porte de Ville au nord-est protégée par un pont-levis et deux assommoirs et au sud, la porte des Champs qui ouvre une possibilité de fuite, derrière deux herses consécutives, dont l’une est toujours en place. Le creusement des fossés et l’amplification de l’escarpe côté Maine fournissent le schiste ardoisier nécessaire à la construction auquel s’ajoute la production complémentaire des carrières de Saint Nicolas devenues un étang à moins d’un kilomètre de la forteresse.
Louis IX décide d’englober la ville dans une enceinte urbaine, protéger les quartiers de la rive gauche de la rivière ainsi que la rive droite outre-Maine d’où le nom du quartier la Doutre. La forteresse royale réputée imprenable selon les techniques de siège de l’époque assoit son statut de frontière. Saint Louis confie l’Anjou à son frère, Charles Ier de Sicile à l’origine dynastie capétienne d’Anjou. Le comté revient néanmoins dans le giron royal en 1290 avant de devenir un duché en 1360 avec la nouvelle dynastie issue de la maison de Valois. Du XIVème au XVème siècle, les ducs d’Anjou résident au Château d’Angers et l’aménagent tout en préservant l’ensemble originel auquel ils ajoutent de nouveaux éléments. Ces princes éclairés, grands mécènes y tiennent une cour remarquable pour son raffinement, sa culture, son goût des arts et des lettres.
Louis Ier d’Anjou, frère de Charles V, restaure et agrandit la Grande salle comtale qu’il pourvoit en grandes fenêtres à meneaux et traverses. L’épouse de Louis II fait construire la nouvelle chapelle vers 1403. René d’Anjou (1409-1480) dit le Bon Roi René mène un grand chantier de 1435 à 1440 durant lequel est bâti le logis royal, le châtelet flanqué de tourelles et la ménagerie. Des logements au sud et des bâtiments annexes à l’ouest ferment la vaste cour seigneuriale. L’intégrité visuelle de cet ensemble architectural a été restituée de nos jours à l’occasion de la construction de la galerie de l’Apocalypse en 1953.
Les profonds fossés recreusés à de multiples reprises accueillent une partie des animaux exotiques du Roi René, singes, chèvres, cerfs, sangliers, lions, dromadaires. Au fil des siècles, ces fossés, deviendront potagers, pâtures à moutons ou jachères. En 1912, Jacques Ambroise Monprofit, maire d’Angers, y fait aménager les beaux jardins à la française qui perdurent de nos jours. En 1480, le Roi René meurt sans descendance. Louis XI rattache l’Anjou au domaine royal. Le palais des ducs retrouve une vocation militaire. Au cours du XVIème siècle, alors que les guerres de religion font rage, Henri III (1551-1589) y tient prisonnier des Protestants.
En 1585, Pierre de Donadieu de Puchairie (vers 1560-1605) est nommé capitaine du Château d’Angers par le roi dont le pouvoir est menacé par la montée en puissance de la Ligue catholique. Puchairie résiste au comte de Brissac qui a envahi la ville ainsi qu’aux attaques du château par la population. Conscient de la menace et de l’importance de cette place forte, craignant qu’elle ne soit prise et retournée contre son influence, Henri III ordonne à Puchairie de raser le Château d’Angers. Le capitaine exécute les ordres mais pris d’affection pour la forteresse et pour son titre de gouverneur, il ralentit volontairement les manœuvres de démolition. Les tours défensives sont progressivement décoiffées de leurs toits en poivrières, les couronnements démontés. Mais la fin des luttes religieuses marque l’arrêt de tout démantèlement. Puchairie modernise alors la forteresse en l’adaptant aux nouvelles armes, aux canons notamment. Il utilise les gravats des démolitions pour transformer les courtines en terrasses d’artillerie tournées vers le centre urbain et sur le passage de la rivière. Les murs sont renforcés par un épais rempart de terre. En 1593, Pierre de Donadieu de Puchairie est nommé lieutenant du gouverneur d’Anjou, le sieur de la Rochepot puis élevé au rang de chevalier de l’ordre de Saint Michel. En 1596, le roi le fait Sénéchal d’Anjou.
Au XVIIème siècle, le Château d’Angers devient pleinement une enceinte de sûreté et détention. Louis XIV (1638-1715) y fait enfermer Nicolas Fouquet (1615-1680), Surintendant des Finances, à la suite de son arrestation en 1641 à Nantes, durant trois mois avant de le faire transférer à Pignerol. A partir de 1717 et jusqu’en 1781, le pouvoir monarchique y tient des prisonniers de guerre, notamment des marins anglais, idée reprise sous l’Empire lors des guerres napoléoniennes. A la Révolution, le Château d’Angers devient la première prison départementale, rôle qu’il conserve jusqu’en 1856. La forteresse conserve une fonction de garnison pour l’armée puis de dépôt de munition durant la Seconde Guerre Mondiale. Les transformations nécessaires pour adapter l’architecture aux positions d’artillerie engendre la disparition des bâtiments médiévaux à l’intérieur de l’enceinte.
En 1947, le Ministère de la Défense cède la forteresse à l’administration des Monuments historiques. Le château ouvert à la visite est complété par la création de la galerie de l’Apocalypse en 1953 dédiée à la célèbre tapisserie médiévale commandée par Louis Ier d’Anjou.
2 Promenade du Bout du Monde - 49100 Angers
Tél : 02 41 86 48 77
Horaires : Du 2 janvier au 30 avril, ouvert tous les jours de 10h à 17h - Du 2 mai au 4 septembre ouvert tous les jours de 9h30 à 18h30 - Du 5 septembre au 31 décembre, ouvert tous les jours de 10h à 17h30
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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