Paris : Eve, une oeuvre d'Auguste Rodin au Jardin des Tuileries - Ier



"Eve" d’Auguste Rodin (1840-1917), récemment abandonnée par les deux autres bronzes qui l’accompagnaient, "L’Ombre et Méditation avec bras", demeure seule sur la pelouse devant le musée de l’Orangerie où sont exposés "Les Nymphéas". Les figures tutélaires de l’art du XXème siècle, Auguste Rodin et Claude Monet, entament ici un discret dialogue. Inspirée par le célèbre modèle, Carmen Visconti qui a posé également pour Le Baiser, Eve est l’une des premières silhouettes féminines à taille humaine réalisée par le sculpteur. Cette oeuvre mesure 1m74. Mouvement esquissé de pudeur, bras croisés sur la poitrine, tête baissée, Rodin a choisi de représenter, sujet éminemment religieux, une Eve honteuse après le pécher originel, craintive face au châtiment à venir. La statue a trouvé refuge sur la terrasse de l’Orangerie en 1998. A cette date, un projet d’envergure mené par Alain Kirili et Pierre Encrevé a fait entrer en grandes pompes l’art moderne des grands maîtres du XXème siècle de Rodin à Henry Moore au jardin des Tuileries. 









En 1880, l’Etat demande à Auguste Rodin d’imaginer une porte pour le futur musée des Arts décoratifs. S’inspirant de "La Divine Comédie" de Dante, l’artiste imagine une oeuvre monumentale d’une grande complexité qui l’occupera jusqu’à la fin de sa vie, "La Porte de l’Enfer". Pour orner celle-ci, il imagine plus de deux-cents figures et groupes. "Le Baiser", illustrant l’histoire de Paolo et Francesca, devait faire partie de l’ouvrage avant d’être écarté.

En 1881, Rodin désire placer "Adam et Eve" en pendants de part et d’autre de la porte, disposition suggérée par deux versions célèbres de ce thème, celle de Masaccio à la Santa Maria Novella à Florence et celle de Michel-Ange au plafond de la Chapelle Sixtine. Il débute alors une grande figure féminine. Mais son modèle, enceinte, ne peut bientôt plus poser. Cette première "Eve" reste inachevée. Il réalise alors une seconde mouture plus petite, celle qui est présentée au jardin des Tuileries. Exposée dès 1882, elle connaît un grand succès public et sera largement diffusée et déclinée en bronze, marbre, terre cuite. 

Néanmoins, en 1899, alors que Rodin documente son travail en dévoilant des œuvres fragmentaires, des ébauches, il présente la variante initiale inachevée au public. L’artiste choisit de conserver la trace du processus en suspens. Epiderme, absence de détails, trace de la pièce métallique de l’armature sur le pied droit, témoignent du travail en cours. Dans la version finale de "La Porte de l’Enfer" coulée en 1917, "Le Penseur", "L’Ombre" et "Eve" occupent une place importante.  









Auguste Rodin est officiellement entré aux Tuileries dans les années 1960-70 à l’initiative de Michel Guy, ministre de la Culture de Valéry Giscard d’Estaing. L’Etat passe commande de quatre fontes pour le jardin, "La Méditation", "La Grande Ombre" et deux des "Bourgeois de Calais", Jean de Fienne et Pierre de Wissant. Le projet à terme est de reconstituer l’ensemble du groupe. Les pièces installées près du Carrousel sont déplacées au musée Rodin à l’occasion des manifestations festives du Bicentenaire de la Révolution en 1989. 

Un peu oubliées, elles y demeurent jusqu’en 1998. A l’occasion des nouvelles intégrations modernes et contemporaines aux Tuileries, Alain Kirili et Pierre Encrevé souhaitent que les sculptures présentées de Rodin illustrent les différentes facettes de son oeuvre. Ils font rapatrier "La Méditation" et "La Grande Ombre" mais renoncent aux "Bourgeois de Calais" leur préférant "Le Baiser" placé à l’entrée de l’Orangerie et "Eve" qui orne la pelouse latérale.

Eve Auguste Rodin
Jardin des Tuileries - Paris 1



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


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