Lundi Librairie : Le coeur battant du monde - Sébastien Spitzer



Le cœur battant du monde - Sébastien Spitzer : Dans les années 1860, Londres est la capitale du puissant l’Empire où le soleil ne se couche jamais. La misère la plus noire y côtoie le luxe le plus insolent. Alors que la révolution industrielle bat son plein, le monde ouvrier peine dans les nouvelles usines. L’insurrection enfle. Charlotte, une modeste Irlandaise, a fui la famine pour atterrir dans les bas-fonds de l’East End. Son fiancé s’est embarqué sur un navire pour l’Amérique, la laissant seule, enceinte. Mais à la suite d’une agression, Charlotte perd l’enfant. Le Dr Malte, médecin sans diplôme qui la soigne, décide de lui confier, Freddy, l’enfant illégitime de l’un de ses patients, un homme célèbre qui vit dans la semi-clandestinité. Il s’agit de Karl Marx grande figure du socialisme qui tendit qu’il théorise la Révolution vit bourgeoisement aux crochets de son ami Friedrich Engels, lui-même fils d’une riche famille d’industriels, également en exil et riche patron d’usines de textile. Charlotte mère d’adoption, mère courage, sacrifie tout pour élever le petit.

Sous la plume de Sébastien Spitzer visiblement inspiré, l’Angleterre de la révolution industrielle, peinte vigoureusement, prend vie dans des teintes qui évoquent Dickens et Zola. Le romancier saisir le pouls d’une époque, donne à ressentir le foisonnement qu’engendrent les profondes mutations de la société. Portrait cru, sans concession de ce nouvel ordre à broyer les plus pauvres, Le cœur battant du monde expose le basculement vers l’ère du Capitalisme galopant. Le texte porté par un profond souffle romanesque nous immerge dans cette singulière époque. Art du conteur, il déploie les fils de la narration en une vaste toile ponctuée de péripéties, guet-apens, tentatives d’assassinat, attentats, évasions… Suspense et rebondissements.

 Londres à Manchester jusqu’à Liverpool puis aux rivages d’Irlande, il nous entraîne sur les pas de cet enfant naturel au destin méconnu, fruit des amours adultères du grand Karl avec la gouvernante. Mystère d’une naissance, filiation difficile, le petit est secrètement écarté par souci de préserver une honorabilité toute bourgeoise. Sous la plume de Spitzer, les pères du socialisme paraissent forts peu sympathiques. Ils ont du mal à faire le grand écart entre l’engagement réel et leur travail philosophique.

Théoricien de la révolution prolétarienne, Karl Marx mène une existence aux antipodes de ses idéaux professés, bon père de famille bourgeois marié à Johann von Westphalen, descendante d’une grande famille de l’aristocratie prussienne, et leurs six enfants. Incapable de subvenir à ses besoins, il est fasciné par le luxe, croule sous les dettes et entretient des relations obsessionnelles à l’argent. Il n’hésite pas à spéculer au Stock exchange et se laisse entretenir par son ami, Friedrich Engels. Celui-ci chassé de Prusse par sa famille à la suite des soulèvements de 1848, apparaît plein de contradictions. Riche presque malgré lui, il fait tourner les usines textiles de son père tout en fomentant la révolution. Il chasse à courre avec les pairs du royaume et appelle les ouvriers à l’insurrection. Cette galerie de portraits historiques savoureux, quoique peu flatteurs, contraste avec le personnage de Charlotte, figure de l’héroïne tragique, qui elle est pure invention. 

Sébastien Spitzer mêle fiction et réalité historique. Il se saisit de cette curieuse anecdote du fils caché de Karl Marx comme prétexte pour évoquer la grande Histoire, les inégalités sociales, l’extrême misère de la condition ouvrière au XIXème siècle. 

Le cœur battant du monde - Sébastien Spitzer - Editions Albin Michel



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.