A la suite des attentats contre Charlie Hebdo et le Bataclan en 2015, la chorégraphe Nadia Vadori-Gauthier, bouleversée par ces événements, décide de reprendre la rue à la violence. Chaque jour, elle arpente la ville afin de créer une nouvelle danse en prise directe avec le réel. Exercice de style et de liberté, elle saisit les bribes de la réalité qui l’entoure, y puise l’inspiration. Nadia Vadori-Gauthier imagine une performance sans cesse renouvelée intitulée Une minute de danse par jour dont le sous-titre Un acte de résistance poétique appelle à résister à la haine par la beauté, l’humour et la sensibilité. Le geste artistique spontané, inattendu et gratuit permet de réapprendre à arpenter la rue sans peur. Il s’agit de se réapproprier la ville, de lui redonner du sens et de susciter des émotions positives, optimistes. La chorégraphe, sympathique feu follet, intervient au cœur d’une foule compacte au pas pressé, dans ruelle déserte à l’écart des grandes artères, dans l’atmosphère singulière d’une gare, à l’abri un jardin de ville verdoyant. Sa danse, folie douce, pleine de vie, provoque l’étonnement joyeux, la surprise charmée, le sourire sincère. Et soudain le lien se renoue entre les solitudes et les blessures guérissent.
Durant quatre années, Nadia Vadori-Gauthier imagine chaque jour une nouvelle chorégraphie en corrélation avec les lieux, les hasards des rencontres. Une manière pour elle de réenchanter le quotidien de la ville. Avec une petite caméra Sony, elle se filme et partage la vidéo jusqu’à 1500 vidéos sur les réseaux sociaux. Tous ces moments saisis sur le vif forment une oeuvre complète, un ensemble immersif qui projette l’image d’un monde différent possible grâce à ce geste poétique et décalé. La chorégraphe pose un nouveau regard sur les espaces urbains, les éléments du quotidien et proposer une forme d’esthétisation inattendue. Cette danse se fait lien, message social, d’ouverture, invitation au rapprochement, à l’entraide, à la solidarité.
Le réalisateur Jérôme Cassou a été le témoin de ce processus, boucle temporelle hypnotique et fascination pour capacité de renouvellement de la danseuse. Sans intervenir, il suit le parcours dansé de la chorégraphe à travers les jours et recueille les réactions. Le cinéaste immortalise la création, archive. En voix off, l’artiste témoigne de son évolution. Les moments de danse laissent place aux réactions d’anonymes, d’artistes, de danseurs professionnels.
L’œil de la caméra souligne la dimension expérimentale d’une démarche citoyenne qui invite à résister à la morosité, à redonner la lumière aux lieux du quotidien, le sourire aux passants. Nadia Vadori-Gauthier distille des instants de grâce dans des instants surprenants. Elle se confronte directement aux actualités, attentats, grèves, manifestations, élections comme aux scènes banales du quotidien, afin de mieux appréhender les enjeux collectifs. Elle s’engage au cœur du réel, tel que dans cette scène surprenante où elle danse dans un épais nuage de gaz lacrymogène lors d’une manifestation. La chorégraphe pose une question philosophique et anthropologique essentiel sur la place de l’artiste dans la société. Emouvant, drôle, engagé et apaisant.
Une joie secrète, un acte de résistance poétique
Réalisateur Jérôme Cassou
Chorégraphe Nadia Vadori-Gauthier
Sortie le 11 septembre 2019
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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