Paris : Sainte Catherine, hommage à l'ouvrière parisienne - Une oeuvre signée Jules Lorieux - IXème



Sainte Catherine, A l’ouvrière parisienne annonce par son inscription gravée sur le socle, une amusante sculpture représentant cinq jeunes femmes accortes en costume 1900. Le groupe de catherinettes a été composé en 1908 par Julien-Auguste Lorieux (1876-1915), élève d’Alexandre Falguière et Antonin Mercié aux Beaux-arts de Paris, prix de Rome à deux reprises en gravure et en médaillé, mort au front durant la Première Guerre Mondiale. La maquette de cette Sainte Catherine est présentée au Salon de 1913. A cette occasion, la Ville de Paris commande le marbre à l’artiste. Il ne sera néanmoins placé au cœur du square Montholon qu’en 1923 en replacement de L’Aigle et le Vautour se disputant le cadavre d’un ours, oeuvre moins souriante signée Cain.









Fête populaire depuis la fin du XIXème siècle en ville, la Sainte Catherine donne lieu à de joyeuses célébrations le 25 novembre, largement passées de mode de nos jours, féminisme aidant. Cette martyre chrétienne du IVème siècle, pour avoir refusé de renoncer à sa foi et épouser l’empereur, aurait été jetée au cachot, privée de nourriture, puis décapitée. 

A la Sainte Catherine, selon la tradition, les femmes célibataires de plus de 25 ans se coiffent d’un chapeau, paré de ruban vert pour la connaissance, jaune pour la foi, ainsi que de fleurs d’oranger symbole du mariage. Vers 1920, elle devient la sainte patronne des couturières et des modistes. Le 25 novembre, à cette époque, lors de la fête corporative, une procession est organisée dans la rue, suivie de bals et concours à Montmartre. En bordure de la rue La Fayette, le square Montholon se trouve à la fois proche de la Butte Montmartre, mais aussi du Sentier, des Grand boulevards où prospèrent magasins de nouveauté et ateliers de confection.







Lorieux a su traduire l’atmosphère festive de ces célébrations à travers un groupe dynamique, auquel il a conféré l’illusion du mouvement. Les sourires et la complicité évidente des jeunes femmes, leurs mines et grimaces font partie de leur séduction. Les quatre catherinettes se reconnaissent à leurs chapeaux ornés de rubans, les boutons de fleurs, et ce qui semble être des oranges en papier mâché, tandis qu’une cinquième figure féminine, plus jeune, plus petite, certainement une apprentie, est invitée à participer.

Archétypes de la Parisienne issue des milieux populaires, grisettes et midinettes sont devenues, dès la fin du XIXème siècle, des héroïnes de roman, sujet de prédilection d’une littérature légère. Elles habitent l’imaginaire collectif et particulièrement masculin. Leur image se place entre réalisme social et figure féminine esthétisée.  

Au début du XXème siècle, avec l’industrialisation de la société, la population urbaine se développe. En ville, les femmes trouvent du travail dans les métiers de la confection. Modistes, lingères, couturières qui vivent dans les faubourgs, ont en commun des origines modestes, de maigres revenus, des conditions de travail très difficiles. Elles prennent leurs pauses dans les jardins publics et s’y retrouvent après leur journée. On croise les grisettes au Luxembourg en compagnie des étudiants à la fin du XIXème siècle, les midinettes, font dinette le midi aux Tuileries, à la Belle Epoque. 





Square Montholon vers 1925 - A droite le groupe de catherinettes

Appréciées des caricaturistes et des littérateurs, les petites femmes de Paris évoquent la jeunesse, l’insouciance, une forme d’idéal féminin. Alors qu’ouvriers et ouvrières sont peu représentés dans l’inventaire de la statuaire parisienne de la Belle Epoque, ces figures anonymes du peuple portent leur condition sociale inscrites dans leur qualité d’incarnation bien éloignée des charmes lisses des œuvres classiques. 

Sainte Catherine, A l’ouvrière parisienne - Jules Lorieux
Square Montholon 
2 rue Mayran - Paris 9



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 9è arrondissement - Maryse Goldemberg - Parigramme
Guide des statues de Paris - Georges Poisson - Les guides visuels Hazan