Lundi Librairie : Aya - Marie-Virginie Dru



Aya - Marie-Virginie Dru : Aya, dont le prénom signifie jeudi en wolof, a grandi dans les paysages de rêve de l’île de Karabane au sud-ouest du Sénégal. Mais à douze ans, la fillette est confrontée aux terribles réalités d’une existence exigeant qu’elle grandisse trop vite. Perdue dans les limbes du chagrin, anéantie par la douleur d’un impossible deuil, sa mère Aîssatou n’a plus toute sa raison depuis que son mari adoré a trouvé la mort dans le tragique accident du Joola, le naufrage du ferry reliant Dakar la capitale à la région de la Casamance, un drame qui a fait plus de deux mille morts. Djibril, le frère aîné d’Aya, est parti sur la route des migrants vers la France, tenter sa chance en Occident dans l’espoir d’offrir une vie meilleure à sa famille. Il n’y a plus personne pour la protéger. Abusée par son oncle Boubacar, elle porte seule ce lourd secret. Aya ne retrouve son insouciance qu’après de son amoureux Oussmane avec qui elle garde les chèvres. Lorsqu’elle découvre qu’elle est enceinte des viols répétés de son oncle, il lui faut fuir son passé pour envisager un avenir, trouver sa place dans le monde, se reconstruire. 

Premier roman empreint d’humanité et d’espoir, Aya rend hommage à la force et à la détermination des femmes qui trouvent le moyen de se reconstruire, de se réinventer. Photographe, sculptrice, Marie-Virginie Dru connaît bien le Sénégal où elle a vécu. Sous sa plume sensible, ce pays de contrastes rejaillit dans toute la beauté de sa nature généreuse. Avec une grande empathie, elle nous raconte l’histoire terrible d’une fillette enceinte recueillie par une association humanitaire. Ce portrait d’une jeune adolescente solaire, devenue mère alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, donne à dire l’impossible vérité, la honte des victimes, l’impunité des bourreaux. Dans un récit en prise avec la réalité contemporaine, la crise des migrants, les interrogations sur l’avenir économique des pays africains, elle évoque la condition des femmes, victimes du poids des traditions.

Marie-Virginie Dru se penche sur la cruauté de ces destins qui privent les êtres de rêves, d’espérance. Alors que le parcours d’Aya sera celui de la résilience, celui en parallèle de son frère perdu sur les routes de l’exil nous rappelle avec force le terrible sort réservé à ceux qui ont perdu jusqu’à leur identité pour n’être plus que « les migrants ». Un peu moins réussi, le personnage qui fait lien entre les différents pans du récit, Camille, la photographe française, semble moins finement dessiné. 

A travers ce roman, court et intense, l’auteur rend un hommage vibrant au travail La Maison Rose, association qui existe vraiment, fondée à Dakar par Mona Chasserio, une Française. La famille de Marie-Virginie Dru est très impliquée dans le fonctionnement de cette institution porteuse d’espoir. Ce refuge pour les femmes en difficultés est un foyer ouvert à celles qui en grande précarité et souffrance psychologique, victime de viol, d’inceste, de maltraitance, prostituée, cherchent un lieu pour se reconstruire. Là, malgré un parcours douloureux traumatisant, elles apprennent à soigner leurs blessures. La solidarité redonne sens à leur vie. Elles retrouvent une dignité grâce aux opportunités de formation et de réinsertion. 




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.