Paris : Passage des Princes, dernier des passages couverts du XIXème siècle - IIème



Le passage des Princes, dernier des passages couverts du XIXème siècle, a vu le jour à l’initiative de Jules Mirès (1809-1871) homme de presse et d’affaires également banquier. Il a accompagné les transformations du quartier au cours du Second Empire sans se départir d’un certain succès contrairement à beaucoup de ses aînés. De nos jours, occupé par un grand magasin de jouets, Joué Club, le passage des Princes fait la joie des enfants dans une atmosphère étrange mêlant la modernité et un kitsch pas dépourvu de charme. Mais cette galerie marchande, aussi charmante soit-elle, n’est qu’une reconstitution du passage originel. En effet, il a été quasiment entièrement démoli à la suite d’une opération immobilière débutée en 1985 puis reconstruit entre 1990 et 1995 selon des dispositions différentes plus aptes à accueillir commerces modernes et divers bureaux. Une copie certes mais ponctuée d’éléments d’origines restaurés tels que la verrière ou la coupole en verre teinté.











En 1859, la banque de Jules Mirès, la Caisse générale des chemins de fer, fait l’acquisition, au 97 rue de Richelieu, du Grand hôtel des Princes et de l’Europe, palace très prisé sous Louis-Philippe, ainsi que de parcelles adjacentes à travers l’angle aigu du pâté de maisons. Celui-ci est constitué d’un ensemble de dix immeubles d’époques et de styles différents dont demeurent certains aujourd’hui. Notons, à l’angle des rues Favart et de Choiseul, la façade classée datant de 1782, ainsi que celle de l’hôtel Terray de Nozières du XVIIIème siècle, aux 99-101 rue de Richelieu. 

Le futur passage des Princes est percé selon un tracé coudé en retour d’équerre depuis la rue de Richelieu en direction du boulevard des Italiens où il débouche alors au numéro 7. L’arrêté du 3 septembre 1860 signé par le baron Haussmann autorise l’ouverture du passage qui est inauguré sous le nom de passage Mirès. La compagnie de Jules Mirès fait faillite un mois après, l’entrepreneur rattraper par les affaires va au-devant de nombreux démêlés judiciaires. Racheté en 1866 par la Compagnie des assurances générales sur la vie dont le siège s’installe au numéro 97 de la rue de Richelieu, société devenue de nos jours le groupe Allianz France et toujours propriétaire du passage, il est rebaptisé passage des Princes. 








Si le décor est d’une sobriété peu luxueuse, vaste et lumineuse, la galerie rencontre son public du fait de sa situation avantageuse sur le boulevard des Italiens l’un des plus élégants de la capitale. Le rez-de-chaussée est ponctué par des boutiques au dessin rectiligne. La verrière à deux pentes est rythmée par des doubles arceaux métalliques décorés d’arabesques. Cette épure contraste avec l’exubérance néo-classique des galeries Colbert et Vivienne construites peu de temps auparavant. Juste en face du passage de l’Opéra qui disparaîtra en 1925 à l’occasion du prolongement du boulevard Haussmann, à proximité des passages des Panoramas et Jouffroy, le passage des Princes s’inscrit dans le paysage urbain comme un raccourci apprécié des piétons.

L’éditeur Auguste Poulet Malassis qui publie Baudelaire et les poètes du Parnasse, tels Théodore de Banville et Leconte de Lisle, y tient quelques temps boutique avant que sa faillite ne soit prononcée en 1862. De 1879 à 1883, côté boulevard des Italiens, la galerie La Vie Moderne fondée par Georges Charpentier expose les impressionnistes. Le restaurant Peter’s y attire journalistes et hommes d’affaires.  

Alors que le progressif désintérêt des Parisiens pour les passages couverts fait sombrer dans l’oubli ces constructions, le passage des Princes perd un peu de ses attraits. Le XXème siècle ne lui sera pas toujours clément. En 1985, il est partiellement démoli à l’occasion d’une opération immobilière qui engendre la destruction des immeubles du XIXème siècle situés aux numéros 3 et 5 du boulevard des italiens. Curieusement, il est inscrit aux Monuments historiques par arrêté du 7 octobre 1986. 











Entre 1990 et 1994, le passage des Princes est entièrement reconstruit par les architectes André Georgel et André Mrowiec. Très moderne, l’entrée de verre et d’acier sur le boulevard surprend tant elle se distingue du voisinage en pierre de taille. Elle ouvre sur un tronçon neuf. Le tracé du passage, redressé à angle droit et long de 80 mètres, débouche sur une nouvelle cour carrée dégagée lors de l’opération. Les commerces en rez-de-chaussée sont réaménagés, les devantures remplacées par des copies semblables aux originaux. Les bureaux sont cantonnés du premier au quatrième étage, les logements aux cinquième et sixième étages. Le long du passage, les murs peints en ocre patiné et rouge de Venise entretiennent l’idée d’un certain luxe.

Divers éléments du décor original, préservés, ont été réutilisés, comme la belle coupole des années 1930 qui orne la portion côté boulevard du passage, l’horloge surmontée de la raison sociale de la compagnie propriétaire. Le porche d’accès sur la rue de Richelieu a été reconstitué avec sa voûte à caissons et ses colonnes. La structure en fer forgé de la verrière a été restaurée avant d’être replacée. Les architectes ont néanmoins fait un choix controversé en optant pour du verre transparent plutôt que pour le verre translucide originel.

Passage des Princes - Paris 2
Accès 5 boulevard des Italiens / 97 rue de Richelieu

Bibliographie
Paris et ses passages couverts - Guy Lambert - Editions du Patrimoine Centre des Monuments Nationaux
Passages couverts parisiens - Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois - Parigramme
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.