L'Intranquille - Gérard Garouste avec Judith Perrignon : Alors que son père avec lequel il a toujours entretenu des relations exécrables, vient de mourir, Gérard Garouste, artiste reconnu internationalement, se souvient. A contre-courant de l’art conceptuel, chantre de la figuration post-moderniste, ce peintre discret a su tracer une voie singulière et faire entendre son talent malgré de profondes dépressions. Il se confie avec élégance à Judith Perrignon, écrivaine et journaliste donnant naissance à une autobiographie émouvante, mélancolique, qui traverse avec sensibilité toutes les fragilités d’un homme. Gérard Garouste évoque la nécessité de peindre, le foisonnement de l’imaginaire. Il parle de l’amour indéfectible de sa femme Elisabeth, architecte d’intérieur et designer, soutien inconditionnel. Et puis il convoque les démons, les tourments, se penchant sur les complexités de son être hanté. Les secrets de famille destructeurs, les non-dits comme d’invisibles fardeaux lui pèsent depuis toujours. Il raconte la réalité de la raison vacillante, l’origine de la folie, l’ignominie du père durant la guerre, l’antisémitisme.
Longtemps gardé dans l’ignorance du passé familial, Gérard Garouste n’a découvert que très progressivement la vérité au sujet de son père et l’horreur d’une imposture, celle du bourgeois enrichi durant l’Occupation. Marchand de meubles, spoliateur sans scrupules, celui-ci a participé à l’ignoble trafic autour des biens volés aux juifs déportés, en étant à peine inquiété à la Libération. L’insoutenable secret qui refait surface ronge l’artiste au plus profond de lui-même, l’enferme dans une prison d’angoisses et remet inconsciemment en question l’idée même de filiation.
A 28 ans, quelques semaines avant la naissance de son fils aîné Guillaume, Gérard Garouste est victime de sa première crise délirante. De Brive à Paris, du Ritz à Bourg-la-Reine, sa course folle se finit à l’hôpital psychiatrique où il est interné sous camisole chimique. Sans pathos, avec sobriété, il explique les hallucinations, la honte et la haine, le ressentiment et la raison qui vacille alors que se renforce un désir d’expiation des fautes paternelles. Entre épisodes maniaques et plongées dépressives, sa femme l’aide à dompter la maladie. Les crises interrompent son désir de peindre, mettent en lumière les enjeux psychiques et intimes du processus artistique.
Au fil d’une quête de vérité pour faire toute la lumière sur ce père, salaud presque ordinaire, Gérard Garouste se remémore son enfance. Le petit garçon lunaire n’aime que dessiner et déçoit déjà un paternel prompt à condamner. Pendant dix ans, pensionnaire au très huppé Château Montcel, où fils de célébrités et autres mondains sont laissés à leur sort, il a pour camarade Patrick Modiano, Jean-Michel Ribes. Avec le père, les rapports se prolongent ambigus, violence physique et psychologique latente. Naissance des failles, béances insoutenables, douleurs indicibles.
Gérard Garouste développe un goût des mystères, des énigmes dont il ponctue des œuvres inspirées de la mythologie, des livres. La création artistique se fait espoir. Pour affronter ses démons, il se dote de nouvelles armes, l’érudition salvatrice. Il étudie l’Hébreu et les grands textes, qu’ils soient littéraires, sacrés, mythologiques. La Divine Comédie de Dante, Don Quichotte de Cervantès, la Bible, le Talmud le sauvent. Et puis aussi, il dit l’importance des rencontres, des soutiens, Fabrice Emaer qui lui confie les décors du Palace au début des années 1980, le galeriste Leo Castelli à New York qui le lance sur la scène internationale. Sombre, profond, ce récit nuancé, subtil, est tout simplement bouleversant.
L'Intranquille. Autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou - Gérard Garouste avec Judith Perrignon - Editions de L’Iconoclaste - Edition de poche Le Livre de Poche
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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