Expo : Roux ! De Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel - Musée national Jean-Jacques Henner - Jusqu'au 20 mai 2019



Réputé de son vivant pour ses talents de portraitiste et de dessinateur, le peintre Jean-Jacques Henner (1829-1905), est, de nos jours, surtout connu pour ses nombreux nus féminins à la chevelure flamboyante. En 1872, il peint sa première rousse dans un tableau intitulé Idylle. Dès lors, cette rousseur devient le motif emblématique de son oeuvre. La Comtesse Kessler, La Liseuse, Hérodiade, jusqu'à ses singuliers Christ roux, une couleur plutôt associée au traître Judas, l’artiste développe une forme de fétichisme qu’il n’est pas le seul à nourrir. De Manet à Degas, cet intérêt pour les crinières de feu est assez répandu chez les peintres au XIXème siècle. Objet de fascination mais aussi de répulsion, symbole de séduction ou paradoxalement de pureté, la rousseur perçue comme sulfureuse provoque les réactions ambiguës. L’exposition Roux ! De Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel questionne magnétisme et stigmatisation de la rousseur. Tableaux, dessins, croquis, affiches, photographies, masques, films, une centaine d’œuvres réunies en un ensemble éclectique, convoque les imaginaires, les symboles et préjugés associés à cette couleur de cheveux à travers différentes cultures, différentes époques. Le parcours en cinq sections évoque la rousseur dans ces représentations et donne des clés de réflexion sur son omniprésence dans l’art et la culture populaire alors que les roux ne représentent qu’un à deux pour cent de la population mondiale (5% en France, 10% en Irlande, 15% en Ecosse). 










Placée au cœur des collections permanentes qui n’ont pas été déplacées, l’exposition interroge le mythe et déconstruit les stéréotypes par le biais d’un accrochage original. Œuvres diverses, objets anciens et contemporains forment un assemblage hétéroclite qui ne manque pas de piquant. 

La création de ce parcours non-exhaustif mais hautement ludique a été rendu possible grâce aux prêts de musées, tels que le musée d'Orsay, le Petit Palais, le MuCEM, le Quai Branly-Jacques Chirac, le Musée des Arts décoratifs, complété par les collections particulières notamment celle de la photographe Geneviève Boutry ou encore celle de Nathalie Rykiel, fille de la créatrice Sonia Rykiel. L’ensemble des pièces prêtées et les tableaux d’Henner, le peintre qui aimait les rousses, amorcent un véritable dialogue dans lequel créatures mythologiques, femmes légendaires, icônes pop se croisent sous les auspices d’une même toison de feu.











Jean-Jacques Henner a souvent choisi de traiter ses sujets roux sur fond vert. Dans ses nus féminins, le contraste entre la pâleur virginale des corps et la sensualité exacerbée des chevelures dénouées est saisissant. L’audace de cette palette chromatique fait toute sa singularité n’avouant qu’à moitié une forme d’érotisation de ses modèles. Au XIXème, la rousseur est à la mode, ainsi que le confirment les tableaux de ses contemporains, Auguste Renoir, Charles Maurin, Edgar Maxence. 

Néanmoins, cette couleur distinctive a longtemps été l’objet de préjugés, rire du clown, peur de l’ogre. Au Moyen-âge, les rousses sont associées à la sorcellerie. Elles sont sulfureuses, elles sentent le soufre. La flamboyance de la chevelure, marque démoniaque qui évoque les feux de l’Enfer, indique commerce avec le diable. La rousseur est magique. En Papouasie Nouvelle-Guinée, les masques tatanua de Papouasie Nouvelle-Guinée, arborent des crêtes rousses, symbole de pouvoir. Prêtés par le musée du Quai Branly, les masques Kepong présentés au cour de l’exposition étaient utilisés lors de cérémonies funéraires.












Au XIIIème siècle, Saint Louis exige des prostituées qu’elles se teignent en roux pour les distinguer des femmes vertueuses et fait naître le mythe de la rousse séductrice. Cette image de la tentatrice sensuelle perdure avec des exemples de grandes cocottes comme le personnage de Nana dans le roman éponyme d’Emile Zola. A la Belle Epoque, les rousses sont reines, la comédienne Sarah Bernhardt, la danseuse Loïe Fuller. Au début du XIXème siècle, les affiches publicitaires signées Jules Jean Chéret, Eugène Grasset, Leonetto Cappiello se peuplent de ses belles rayonnantes. 

Étoiles de l’imagerie littéraire, muses du monde artistique, les égéries récentes de la rousseur marquent la revanche des roux. La littérature jeunesse avec Poil de Carotte, la bande-dessinée avec Spirou, Tintin, Obélix leur redonnent leurs lettres de noblesse. La Pop culture s’empare du symbole, acteurs, chanteurs adoptent cette rousseur pour se démarquer, de David Bowie période Ziggy Stardust à Mylène Farmer. Evoquée à travers trois créations hommages, imaginées par Jean-Charles de Castelbajac, Jean-Paul Gaultier, Martin Margiela, la créatrice Sonia Rykiel, rousse flamboyante, a choisi d’en faire son arme de séduction préférée. 











A l’occasion de l’exposition qui se tient au musée national Jean-Jacques Henner, de nombreux événements seront organisés : escape game, carnaval des roux, ateliers, concerts, conférences. Afin de célébrer la Saint Valentin le 14 février, une journée festive Tous roux ! aura lieu en compagnie du photographe Pascal Sacleux, créateur du Red Love Festival de Châteaugiron près de Rennes. 

Roux ! De Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel
Jusqu’au 20 mai 2019

Musée Jean-Jacques Henner
43 rue de Villiers - paris 17
Tél : 01 47 63 42 73
Horaires : Du mercredi au dimanche de 11h à 18h - Fermé le mardi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.