Rendez-vous à l’angle des rues de Belleville et Julien Lacroix est une fresque monumentale signée Jean Le Gac, peintre et plasticien, représentant du mouvement de la Nouvelle Figuration ou figuration narrative. Déployée sur une façade aveugle de la place Fréhel, cette oeuvre y côtoie une réalisation de Ben, Il faut se méfier des mots dont je vous parlais ici. Un genou à terre, un mystérieux détective tient dans une main une feuille de papier marquée d’une croix noire. Les lettrages qui l’entourent, suggérant là une affiche du film Fantômas, ici une publicité pour des chocolats ou encore une Une de journal semblent évoquer la présence d’un cinéma. D’ailleurs, l’image d’ensemble a des allures de film noir des années 1940. Avec sa légende, "Habitué au style allusif du peintre, le jeune détective comprit que le message lui indiquait de continuer la poursuite par la rue Julien-Lacroix", Jean Le Gac ouvre quelques pistes. Suivons-le !
La fresque Rendez-vous à l’angle des rues de Belleville et Julien Lacroix date de 1986. Détériorée par la pollution, les intempéries, ses couleurs délavées se sont peu à peu délavées, ses contours estompés. La Mairie de Paris et la Direction des affaires culturelles lui ont redonné un coup de jeune en septembre 2017. Le projet lié au budget participatif « les œuvres d’art investissent la rue » voté par les Parisiens en 2014, a permis la restauration d’œuvres picturales emblématiques, telle que celle de la place Fréhel.
La rénovation a été menée d’après les maquettes fournies par Jean Le Gac et d’anciennes photos susceptibles d’éclairer sur la palette chromatique originelle. Les travaux ont duré trois semaines. Cependant, les muralistes intervenus sur la fresque ont malencontreusement ajouté des fautes de grammaire…. On y lit désormais "chocolats supérieure" au lieu des "chocolats supérieurs" originels. Le détective n’a plus vraiment la même tête et le trait est moins élégant…
La rénovation a été menée d’après les maquettes fournies par Jean Le Gac et d’anciennes photos susceptibles d’éclairer sur la palette chromatique originelle. Les travaux ont duré trois semaines. Cependant, les muralistes intervenus sur la fresque ont malencontreusement ajouté des fautes de grammaire…. On y lit désormais "chocolats supérieure" au lieu des "chocolats supérieurs" originels. Le détective n’a plus vraiment la même tête et le trait est moins élégant…
Jean Le Gac né en 1936 dans le Gard a très tôt révélé son précoce talent pour le dessin. Doté d’une bourse d’Etat, il fait ses études à Paris et devient professeur de dessin et d’arts plastiques en 1958. Sa passion pour la peinture le place dans les années 1960 en marge des courants artistiques. En 1967, il en fait son deuil et ses premières activités créatrices tournent autour d’envois postaux et des promenades. En 1972, l’artiste sans oeuvre est invité à participer à la grande manifestation périodique, Documenta V de Kassel. Le travail de Jean Le Gac est alors associé au mouvement du Narrative Art aux côtés des œuvres de Christian Boltanski, Annette Messager ou encore Jochen Gerz.
A cette occasion, il présente une série de vingt-six cahiers dans lesquels photos et textes allusifs forment une sorte de journal fictionnel suivant les faits et gestes d’un peintre anonyme. Ce personnage du peintre, double de fiction, s’avère une figure métaphorique de l’art tout autant qu’un avatar troublant. Cette figure récurrente se cache dans l’oeuvre de Le Gac sous différents noms, parfois empruntés aux romans populaires de son enfance, sera définitivement désigné sous le titre du Peintre dès les années 1980. En 1973, Jean Le Gac dira : "J’ai compris que si je suis capable d’inspirer une fiction, alors il y aura une preuve de mon existence…"
Peu à peu, son travail abandonne la forme du livre et du cahier pour faire un retour à la présentation classique de la peinture, organise photographies et textes en panneaux encadrés. A partir de 1981, Jean Le Gac revient à ses premières amours et aux techniques traditionnelles, fusains et pastels, dessins auxquels il adjoint la photographie, le texte, le film. Il se met à traquer les activités du Peintre pour retourner à la peinture dans un éclatement des rôles paradoxal.
Modestie du sujet et authenticité personnelle, il emprunte l’esthétique de ses illustrations à la littérature populaire, polars des années 1930, récits d’aventure de Harry Dickson qui ont marqués sa jeunesse. Jean Le Gac prête alors des aventures stéréotypées à son personnage du Peintre. Il complète alors ces images par des installations d’objets, caméra, projecteur, machine à écrire, objets qui évoque le cinéma du peintre. Illustrations et légendes en décalage, véritables énigmes teintées d’humour, Jean Le Gac procède par associations digressives. Les interférences d’éléments biographiques, réels ou fictifs, plongent l’oeuvre dans une mise en abyme vertigineuse où l’artiste cherche la distance lui et son modèle, le peintre.
Rendez-vous à l’angle des rues de Belleville et Julien Lacroix de Jean Le Gac
Place Fréhel - Paris 20
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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