Lundi Librairie : Les racines du mal - Maurice G. Dantec



Les racines du mal - Maurice G. Dantec : Andréas Schaltzmann est un être très perturbé. Depuis sa prime jeunesse où il calmait ses angoisses en provoquant des incendies, il a multiplié les séjours en hôpital psychiatrique. Aujourd’hui, en 1993, il est persuadé que des Aliens de la planète Vega se sont alliés aux Nazis pour conquérir la planète et que ce complot généralisé s’étend jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat. Sa mère, une femme abusive, vient de décéder mais continue de l’appeler au téléphone pour lui faire des reproches. Son père ne veut rien avoir à faire avec lui. Laissé à lui-même, Andréas, dans sa logique délirante, voit des signes du grand complot « alienazi » partout. La télévision lui envoie des images subliminales, des rayons cosmiques tentent de l’atteindre depuis l’espace. Il se convainc alors qu’il a été contaminé par un virus extra-terrestre qui le fait pourrir de l’intérieur et décide d’entrée en résistance en s’en prenant à tous les faux humains qui croisent son chemin. Porté par sa furie paranoïaque, celui qui est désormais surnommé le vampire de Vitry, débute une cavale sanglante à travers la France. 

Schaltzmann est arrêté après une tentative de suicide manquée et confié à trois scientifiques, une psychologue, un cogniticien et Arthur Darquandier, spécialiste des sciences cognitives et de la conscience neuronique. Ce dernier est l’inventeur d’une intelligence artificielle, une neuro-matrice, surnommée Docteur Schizzo. C’est à l’aide de ce super-ordinateur capable de reproduire le fonctionnement d’un cerveau humain qui serait surpuissant qu’il tente de percer l’énigme de l’esprit dérangé de Schaltzmann. Rapidement, les trois chercheurs s’aperçoivent que trois meurtres auraient été attribués à tort au Vampire de Vitry. La neuro-matrice détecte la présence d’un groupe de serial killers travaillant en commun. Débute alors une chasse à l’homme terrifiante sur les traces de tueurs sadiques prolifiques.

Roman publié la première fois en 1995, "Les racines du mal" pousse une réflexion pessimiste sur le devenir de l’homme en s’appuyant sur des références à la psychologie, la sociologie, la philosophie. Flirtant avec l’anticipation, la science-fiction, l’horreur, Maurice G. Dantec déploie avec panache un thriller savamment construit à la narration tendue ponctuée de digressions ésotériques délicieusement perchées.

Le roman divisé en plusieurs parties distinctes puise son inspiration dans des genres subtilement différents. La cavale de Schaltzmann, celle d’un tueur dément, emporte le lecteur dans une spirale de folie maniaque. La puissance du texte à la crudité frontale explore par le biais de descriptions violentes la perversion humaine. La seconde moitié se concentre sur l’enquête policière assistée par un ordinateur spécialiste de la compréhension des phénomènes sériels et des tueurs en série. Cette intelligence artificielle omnipotente, connectée à tous les réseaux du monde et capable d’apprendre nous parle de ce qui se passe de nos jours et notamment du deeplearning.

Ce récit à la noirceur romanesque traduit la profonde fascination de son auteur pour les sciences. Abondamment documenté, l’ouvrage s’appuie sur des théories scientifiques que Dantec mâtine de mysticisme en s’inspirant des préceptes chinois du Tao, de la Kabbale juive du Zoar, du bouddhisme, du soufisme, du gnosticisme chrétien. Maurice G. Dantec partage sa vision troublante de lucidité du développement d’internet, des réseaux de communication, du cyber espace. Il décrypte avec vingt-cinq ans d’avance le futur des nouvelles technologies et de leur impact sur la société. Ses prédictions inquiétantes comme autant de projections mortifères se révèlent exactes aujourd’hui. Sous l’effet d’un numérique omniprésent, le monde semble se déshumaniser peu à peu. Violent, fascinant, complexe, un livre troublant.

Les racines du mal - Maurice G. Dantec - Editions Gallimard Série Noire - Edition de poche Folio Policier



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.