Cinéma : Dilili à Paris, de Michel Ocelot - Avec les voix de Prunelle Charles-Ambron, Enzo Ratsito, Natalie Dessay



Originaire de Nouvelle-Calédonie, Dilili est une petite orpheline métisse, père français et mère kanak, qui a eu pour institutrice Louise Michel laquelle a été déportée au bagne pour son implication dans l’insurrection de la Commune en 1871. Envoyée à Paris pour figurer dans un "village indigène", sorte de musée anthropologique qui se révèle être un zoo humain, Dilili s’échappe désireuse de visiter la ville. La fillette aussi curieuse qu’intelligente fait la connaissance d’Orel, jeune garçon qui travaille comme livreur en triporteur. Il se propose comme cicérone et lui présente la grande cantatrice Emma Salvé qui connaît le tout Paris. Mais la promenade est troublée par l’écho d’événements inquiétants. Depuis quelques jours, dans les rues de Paris, les petites filles disparaissent dans de mystérieuses conditions. On soupçonne les Mâles-Maîtres, une société secrète sectaire, d’être à l’origine de ses kidnappings. Dilili et Orel se lancent dans une enquête, aidés par les plus beaux esprits de l’époque.






Conte parisien pédagogique, récit d’aventure humaniste, le septième long métrage de Michel Ocelot s’inscrit dans l’idée d’un cinéma d’animation engagé. Cette fable lyrique à la beauté saisissante se révèle parfois d’une noirceur inédite pour le père de Kirikou lequel fête cette année ses vingt ans. Tandis que la poésie opère, la cruauté de la réalité affleure en permanence. Le pamphlet politique joue la carte du décalage entre la naïveté de l’enfance et la réalité de la fin du XIXème siècle afin de dénoncer le sectarisme, la misogynie, les violences faites aux femmes, le racisme autant de préoccupations très contemporaines. Rêve de progrès et d’émancipation des femmes, discours politique féministe, "Dilili à Paris" célèbre la culture et la raison comme seuls remèdes contre toutes les formes d’obscurantisme.

Véritable déclaration d’amour à la ville, le film trouve pour écrin un Paris carte postale très théâtral où l’élégance des paysages urbains le dispute à celle des femmes. Michel Ocelot a choisi de ne pas dessiner la ville mais de la photographier. Les décors sont en réalité des clichés pris dans les rues et sur lesquels ont été effacés les traces de notre modernité. Remontant le temps, le réalisateur a choisi de représenter les plus Beaux monuments, les sites touristiques iconiques mais également des lieux plus insolites. Les scènes d’intérieur rendent hommages aux tableaux des maîtres de l’époque. Nombreux sont les clins d’œil au Douanier Rousseau, aux toiles de Toulouse Lautrec. Les reconstitutions somptueuses abondent avec notamment le salon de Sarah Bernhardt inspiré par le mobilier présenté dans les musées.






L’enquête policière trépidante, qui n’est pas sans évoquer les romans de Gaston Leroux et les aventures de son héros Rouletabille ou encore les Mystères de Paris d’Eugène Sue entraîne le spectateur dans un Paris de portes dérobées, entre rivières souterraines et incursion dans les profondeurs des égouts. Afin de confondre les kidnappeurs de fillettes, Dilili part à la rencontre des artistes, des intellectuels de son temps, les peintres, les musiciens, les écrivains, les hommes politiques. 

Mais surtout, elle est soutenue par des femmes illustres de la fin du XIXème siècle, des pionnières qui ont su s’élever dans une société patriarcale telles que Louise Michel, Marie Curie, Sarah Bernhardt, Emma Calvé mais également Colette, Anna de Noailles, Gertrude Stein. En guests masculins, on croise Auguste Renoir, Claude Monet, Edgar Degas, Auguste Rodin, Camille Claudel, Toulouse-Lautrec, le Douanier Rousseau, Pablo Picasso, Constantin Brancusi, Amadeo Modigliani, Kees Van Dongen, Alphonse Mucha, Marcel Proust, André Gide, Oscar Wilde, Maurice Ravel, Gabriel Fauré, Aristide Bruant, Claude Debussy, Eric Satie, Ernest Renan, Georges Clemenceau, Jean Jaurès, le Prince de Galles le futur Edouard VII, Alberto Santos-Dumont, Louis Pasteur, Georges Méliès, les frères Lumière, Gustave Eiffel, le clown Chocolat…




Si la féerie du film parvient à nous transporter très loin, certaines scènes un peu difficiles et les thèmes délicats à comprendre, n’en font pas une oeuvre destinée aux plus petits. Célébration de la culture, de la connaissance, appel au respect de l’altérité et des femmes, "Dilili à Paris" délivre un beau message porté par une vision universaliste poignante.  

Dilili à Paris, de Michel Ocelot
Avec les voix de Prunelle Charles-Ambron, Enzo Ratsito, Natalie Dessay
Sortie le 10 octobre 2018



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.