Cinéma : Contes de juillet, de Guillaume Brac - Avec Miléna Csergo, Lucie Grunstein, Jean Joudé - Par Didier Flori



Juillet 2016. Vendeuse dans un grand magasin, Lucie craque après avoir subi encore une fois le mépris d’une cliente. Elle se confie à sa collègue Milena et le lendemain, les deux jeunes femmes se retrouvent pour passer le dimanche à la base de loisirs de Cergy-Pontoise. Le même été, le jour de la fête nationale, Hanne se réveille sous le choc à la maison de Norvège de la Cité Universitaire. Elle découvre son ami Andrea, qu’elle avait autorisé à dormir dans sa chambre, en train de se masturber en la regardant endormie…






Avec Contes de juillet, on retrouve la formule de programme de double récit court par laquelle on avait découvert Guillaume Brac, avec Un monde sans femme qui regroupait le court métrage homonyme et son prédécesseur Le naufragé. Influencé par Eric Rohmer et Jacques Rozier, le cinéaste s’y montrait leur digne successeur dans l’art du marivaudage de vacances. Le titre de ce nouvel opus ne manque pas d’évoquer les « contes » saisonniers de Rohmer, et la première histoire L’amie du dimanche va jusqu’à reprendre le décor de la base de loisirs de L’amie de mon amie. Nettement plus âpre, le second volet de ce diptyque Hanne et la fête nationale, prouve cependant que le style de Brac ne se réduit pas à cette généalogie cinématographique.

Les récits se présentent comme deux variations sur des thématiques sentimentales similaires, et ont en commun de se limiter à la temporalité d’une journée. Leurs traitements les placent néanmoins presque aux antipodes. Récompensé par le prix Jean-Vigo, L’amie du dimanche est placé sous le signe du jeu et du plaisir. Le réalisateur s’amuse à explorer les différents aspects du décor naturel et romanesque de l’île de Cergy, qu’il a filmée plus tard dans son documentaire L’île au trésor sorti début juillet. Non pas que cette parenthèse enchantée dans le quotidien des deux héroïnes soit exempte de tensions dramatiques. Mais ces dernières restent en sourdine, se dissolvent dans une douceur qui conduira les protagonistes à résumer leur journée par un enfantin « J’ai fait du judo » ou « J’ai fait de l’escrime ».





Hanne et la fête nationale crée d’emblée une gêne et un malaise par l’obscénité de l’expression du désir d’Andrea pour Hanne. Tourné à la veille de l’affaire Weinstein et du mouvement #metoo, ce deuxième récit résonne avec un désir masculin agressif, qui confine souvent au harcèlement. Hanne doit faire face au geste mal placé d’Andrea, se fait suivre par un homme dans la rue qui la repère parmi la foule de spectateurs du défilé du 14 juillet. Elle a beau dire non, évoquer un fiancé en Norvège, elle n’échappe pas aux sollicitations insistantes des hommes qui l’entourent. Malgré sa légèreté d’apparence, cette deuxième histoire n’a de cesse de mettre en scène une violence des échanges, amoureux ou entre rivaux, jusqu’à une domination sociale subie par un agent de sécurité sommé de danser pour les étudiants.




Ces Contes de juillet stimulants sont habités par l’énergie de leurs jeunes interprètes. C’est autour d’un atelier d’été avec ces étudiants en deuxième année du Conservatoire d’art dramatique de Paris que Brac a construit ces deux courts métrages tournés chacun en cinq jours avec trois techniciens. Le minimalisme formel privilégie les plans longs, et il s’en dégage une impression de spontanéité, d’autant plus que les dialogues ont été en grande partie improvisés ou écrits par les acteurs et actrices à partir d’un canevas proposé par le réalisateur. Conçus au jour le jour, ces instantanés d’une jeunesse contemporaine se concluent sur une note qui éclaire les jeux de l’amour estivaux d’une lumière inattendue, par un retour au réel dont on laissera ici la surprise.

Contes de juillet de Guillaume Brac
Avec Miléna Csergo, Lucie Grunstein, Jean Joudé
Sortie le 25 juillet 2018



Cinéphile averti, Didier Flori est l’auteur de l’excellent blog consacré au cinéma Caméra Critique que je ne saurais trop vous conseiller. Egalement réalisateur et scénariste, c’est avec ferveur qu’il œuvre dans le cadre de l’association Arte Diem Millenium qui soutient les projets artistiques de diverses manières, réalisation, promotion, distribution… Style ciselé, plume inspirée et regard attentif, goûts éclectiques et pointus, ses chroniques cinéma révèlent avec énergie toute la passion pour le 7ème art qui l'anime.