Expo : Kupka, pionnier de l'abstraction - Grand Palais - Jusqu'au 30 juillet 2018



Artiste radical, visionnaire mystique, František Kupka (1871-1957) aura consacré sa vie à la couleur jusqu'à la disparition de la représentation. Le parcours à la fois chronologique et thématique de la rétrospective qui lui est consacrée au Grand Palais suit le cheminement du peintre vers l'abstraction, mouvement dont il fut le précurseur avec Kandisky, Malevitch, Mondrian et le couple Delaunay. Trois cents œuvres, peintures, dessins, gravures, manuscrits, journaux, livres, photographies, films, illustrent la modernité d'un artiste féru de philosophie, de littérature, de spiritualité, d'ésotérisme, de sciences. Soutenu par des mécènes, tel que l'industriel Jindrich Waldes, František Kupka est parvenu à s'affranchir des soucis matériels mais ne signa son premier contrat avec un galeriste qu'à l'âge de quatre-vingt ans. Kupka, du symbolisme à l'expressionnisme, du réalisme à l'abstraction, itinéraire solitaire d'un grand théoricien de l'art.











Originaire de Bohême, František Kupka suit les cours aux Beaux-arts de Prague puis de Vienne avant de s'installer à Montmartre en 1896 où il côtoie l'avant-garde artistique. Illustrateur pour l'édition, dessinateur satirique pour la presse, notamment L'Assiette au beurre, il explore les genres du symbolisme à la caricature jusqu'à la peinture mythologique. Ces premiers portraits expressionnistes, la série des gigolettes, ont pour sujet les vénus mercenaires de la Butte. 

Le glissement progressif vers une conception non illusionniste de la peinture s'affirme en 1911-1912. Au Salon d'automne de 1912, il présente les deux premières toiles non-figuratives jamais exposées, Amorpha, fugue à deux couleurs et Amorpha chromatique chaude qui se détachent clairement de la préoccupation du sujet figuratif. La couleur prend le dessus sur la représentation opérant une véritable révolution picturale. František Kupka s'attache à une "autre réalité, substituée à la traditionnelle copie des formes de la nature ou à leur interprétation". 











Dans les premiers temps de son abstraction, il tente de traduire les sons en peinture, transcription plastique de sensations liées à la musique. Inspiré par des théories scientifiques sur la décomposition de la couleur ou la transformation de la matière, il cherche à comprendre le retentissement des gammes chromatiques sur le spectateur, les effets psychologiques de la couleur. 

"Je peins des conceptions (…), des synthèses, des accords et ainsi de suite". L'oeuvre est en lien direct avec la spiritualité et la musique.  En 1913, Kupka confie :  "Je tâtonne déjà dans l'obscurité mais je crois que je peux trouver quelque chose entre la vue et l'ouïe, et je peux produire une fugue en couleur comme Bach le fait en musique."












A Puteaux, dans son atelier mitoyen de celui de Jacques Villon, Raymond Duchamp-Villon et Marcel Duchamp, František Kupka interroge les formes, tente de retranscrire les sensations, se répète, cherche l'illumination.  Dans sa perpétuelle expérimentation picturale, le peintre se joue des ambiguïtés de l'abstraction glissant parfois dans ces toiles des petites figures reconnaissables. Il théorise l'usage des couleurs, l'agencement des formes. 

Volutes et effets de matière soulignent les harmonies et les tensions des différents plans, des lignes directrices. Sa peinture organique opère la révolution abstraite dans une plongée polychrome d'ellipses, de courbes et de cercles qui font place à la géométrie stricte des angles dans une esthétique de science-fiction. 












Dans les années 1920, František Kupka peint des machines avant de rencontrer Théo van Doesburg, théoricien du mouvement De Stilj dont Mondrian fut le représentant le plus emblématique. Il tend alors vers une abstraction géométrique finale, abstraction radicale dont les formes se dématérialise dans une évolution rapide et saisissante. 

Portée par l'idée d'un ordre cosmique résidant dans la nature, l'oeuvre éclectique de František Kupka se révèle à travers cette rétrospective, manifestation physique d'une quête existentielle. Sans concession, il aura tenté de percer les secrets de la couleur, du mouvement, de la lumière en prenant la voie d'une dissolution progressive et radicale de la forme figurative.

Kupka, pionnier de l'abstraction
Du 21 mars au 30 juillet 2018

Galeries Nationales du Grand Palais
3 avenue du Général Eisenhower - Paris 8
Entrée square Jean Perrin 
Tél : 01 44 13 17 17
Horaires : tous les jours sauf le mardi, de 10h à 20h - Nocturne le mercredi de 10h à 22h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.