Expo : Enfers et fantômes d'Asie - Musée du quai Branly Jacques Chirac - Jusqu'au 15 juillet 2018



En Asie, la représentation des spectres s'est développée en marge de la religion par le biais d'un art populaire profane aux innombrables nuances locales. Dès le Xème siècle jusqu'à nos jours, croyances et folklores ont su traduire une véritable fascination pour l'idée de la vie après la mort. Chine, Thaïlande, Japon, Vietnam, Laos sont les riches berceaux de mythes et légendes relatifs au monde des esprits infernaux. Pour preuve de cet aspect particulier de la culture populaire, la grande diversité de la production artistique illustre avec force un patrimoine hanté par les créatures fantastiques. Le Musée du quai Branly Jacques Chirac présente jusqu'au 15 juillet, une vaste exposition sous la forme d'un parcours muséographique immersif évoquant Enfers et fantômes d'Asie dont la forme érudite et patrimoniale est contrebalancée par une rafraîchissante dimension ludique où la pop culture tient la vedette. 









Théâtre, cinéma, bande-dessiné, manga, création contemporaine, l'occasion de découvrir comment l'engouement pour l'épouvante se prolonge à travers les arts, des estampes d'Hokusai aux figurines mangas de Shigoru Mizuki, du kabuki japonais aux films gores thaïlandais. Exposition foisonnante, événement qui ne boude pas un certain caractère spectaculaire, ce voyage au royaume des morts fait se côtoyer les collections du musée et des éléments pop imaginés par des studios d'effets spéciaux et des artistes contemporains. 

L'exposition Enfers et fantômes d'Asie joue pour notre plus grand plaisir sur le contraste scénographique entre pièces classiques et éléments de la pop culture. Les supports contemporains, mangas, films de genre, entrent directement en écho avec les masques millénaires, les estampes précieuses, les livres et rouleaux ancestraux. La proposition de Julien Rousseau, commissaire de l'exposition et conservateur des collections Asie, permet de redécouvrir ces dernières sous un angle tout à fait nouveau. 











En suivant un parcours thématique et chronologique, la scénographie horrifique choisit l'expérience immersive avec la multiplication d'installations, notamment un hommage au genre J Horror dont le film The Ring est le plus célèbre représentant, la présence de décors de cinéma imaginés par le Studio QFX, de statues monumentales, de mannequins plus vrais que nature et la présentation d'un hologramme créé pour l'occasion par Adrénaline Studio.

La première partie de l'exposition plus classique interroge l'influence des religions bouddhiste, taoïste, shintoïste dans la représentation des spectres en plaçant le contexte culturel et religieux global au centre de la réflexion. L'influence de l'art religieux, les multiples représentations des fantômes, de l'enfer, du mal, s'exprime dans la construction d'un imaginaire commun qui multipliera les variantes en fonction des régions.











L'exposition d'une grande densité renvoie à de très nombreuses références. Le Japon y est particulièrement bien représenté. Les esprits errants de la forêt croisent Oiwa, malheureuse héroïne de L'Histoire du fantôme de Yotsuya, ancêtre de tous les fantômes de femmes maltraitées de leur vivant. Les Yurei, esprits troublés et malveillants qui n'ont pas accès au paradis, souvent représentés sous la forme de femmes échevelées se caractérisent par leur absence de jambes, de pieds. Esprit vengeur, les Kaibyo, les Femmes-chats expriment leur nature animale à travers leur quête de revanche. Les Yokai, les monstres étranges du folklore japonais, développent des caractéristiques animales et les fantômes des noyés font entendre éternellement leur plainte. 

En Thaïlande, les Phis, revenants affamés harcèlent les vivants tandis que les Pops du Laos, revenants cannibales, les éventrent pour se nourrir de leurs viscères. Au cinéma, les Jiangshi Vampires sauteurs de Chine sont les grands méchants des comédies de kung fu zombie tandis que le genre J Horror très en vogue à la fin des années 1990 suggère un mode de vengeance plus contemporain par contamination.











Spectres géants, ombres de cauchemar, les cohortes de démons peuplent les légendes urbaines. Pour s'en protéger, la chasse aux fantômes débute par des rites funéraires adaptés, un culte des esprits qui permet de convertir les défunts en entités bénéfiques. Les rituels d'exorcisme taoïstes autour des autels dédiés aux ancêtres protecteurs clôturent cette exposition aussi ludique qu'horrifique. 

Enfers et fantômes d'Asie - Jusqu'au 15 juillet 2018

Musée du quai Branly Jacques Chirac
37 quai Branly - Paris 7
Tél : 01 56 61 70 00
Horaires : lundi, mardi, mercredi et dimanche de 11h à 19h, jeudi, vendredi et samedi de 11h à 21h
Tarif : 10 euros - Tarif réduit : 7 euros - Gratuit pour les moins de 18 ans
Accès aux personnes à mobilité réduite



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.